Les centres sociaux autogérés n’ont pas dit leur dernier mot  !

 

Troisième volontaire de l’association Echanges et Partenariats à partir rejoindre les militants de Milan du centre social Il Cantiere, je m’engage pour les cinq prochains mois à continuer le travail de mes collègues pour faire l’expérience de ces espaces de résistances si singuliers, et en décortiquer toujours plus le(s) mode(s) d’emploi(s), les démarches et les résultats.

 

Des espaces de liberté et d’action, autogérés, car l’histoire les a mené là. 

 

Rome 1977. Foto di gruppo di movimento. D'AMICO Tano.

Rome 1977. Foto di gruppo di movimento. D’AMICO Tano.

 

Précis historio-géographique : 

La nation italienne est une république jeune, puisque la constitution sur laquelle elle s’appuie date de 1948, juste après la chute de la monarchie, système politique en place de 1861 à 1946. Ce fut sous ce système politique que Mussolini installa le fascisme de 1922 à 1943.

Sergio Mattarella est le président de la République depuis le 3 février 2015. Au quotidien, sa fonction est surtout représentative, puisqu’il est chargé de nommer le président du conseil, véritable chef du gouvernement. Matteo Renzi, ancien maire de Florence a été président du conseil du 22 février 2014 jusqu’à aujourd’hui (décembre 2016). En effet, il vient d’annoncer sa démission à la suite d’un référendum qu’il soutenait, prévoyant de réformer la constitution en réduisant les pouvoirs accordés aux deux chambres (Sénat et chambre des députés), référendum qui a été rejeté par la population italienne avec près de 60% des voies. Cette actualité vient donc fragiliser un pays déjà instable tant politiquement qu’économiquement. Effectivement, l’Italie est fortement touchée par la crise avec plus de 4 millions et demi d’italiens touchés par la pauvreté et des banques au bord de la faillite.

C’est parce que l’Italie est la troisième économie de la zone euro que la crise économique se fait autant sentir. C’est également la 5ème puissance manufacturière mondiale et la 5ème destination touristique mondiale.

Depuis toujours et accentuées par le système capitaliste, il existe de fortes disparités économiques entre le Nord et le Sud du pays. Située sur la Plaine du Pô, la région la plus industrialisée du pays, Milan est la première aire urbaine, véritable capitale économique de l’Italie.

 

« Le mai 68 italien a duré 10 ans »…

Au niveau des résistances contemporaines, l’Italie a connu « les années de plomb » durant la décennie 1970. L’état, ne souhaitant pas l’arrivée des communistes au pouvoir, appliquait « la stratégie de la tension », durant laquelle les militants d’extrême gauche ont été traqués. Ces derniers avaient des pratiques politiques plurielles allant jusqu’à la lutte armée avec l’exemple des Brigades rouges. On dit que le pic de cette tension eu lieu lors de l’attentat Piazza Fontana à Milan qui fit 16 morts en 1969, pour lequel de nombreux militants d’extrême gauche furent poursuivis en justice, ou tués par la police. Des années après, tout le monde s’accorde à reconnaître que cet attentat était organisé par l’extrême droite.

De ces années découlent l’histoire du mouvement autonome en Italie, souvent situé sur Turin et Milan. Les centres sociaux autogérés sont le résultat, la survivance de ces mouvements autonomes aux pratiques multiples ancrées dans l’autogestion, l’auto-production, la contre culture, etc. Ils sont l’espace de résistances au système néolibéral, de construction des différentes luttes locales ou internationales, où perdure les liens sociaux essentiels aux réseaux.

Les centres sociaux sont nombreux dans toute l’Italie et ont évolué depuis le mouvement autonome originel. Certains portent toujours un projet politique clair, d’autres ont choisi de travailler plus vers le domaine du socio-culturel activité les rendant plus ou moins dépendants des structures institutionnelles. A Milan, il existe une quinzaine de centres sociaux autogérés qui discutent plus en moins entre eux par leurs pratiques, tantôt fortement politiques tantôt culturelles.

 

Il Cantiere, Comité d’habitants de San Siro, l’espace de secours mutuel : une pratique de l’autogestion au quotidien.

Regroupés sous l’association vitrine YARD pour Youth Action for Rights Development, ces espaces sont l’expression des luttes et résistances actuelles, du droit au logement à l’anti-racisme.

Ces trois lieux ont été « ouverts » dans le quartier San Siro à Milan, au fur et à mesure que de nouvelles problématiques venaient se greffer aux actions militantes. Ainsi, ils sont indépendants les uns des autres, inter-connectés par les réseaux, et répondent chacun à leurs propres enjeux identifiés.

Tout d’abord, le centre social Il Cantiere, « quartier général » et historique du mouvement a été ouvert en 2001 par des jeunes étudiants et lycéens. Encore aujourd’hui, le lieu se veut être porté par la jeunesse. Assemblées et débats politiques côtoient une librairie et une taverne sociale.

Puis, face au processus de gentrification du quartier, la question du logement s’est trouvée être nécessaire. Pour y répondre, le comité des habitants de San Siro s’engage depuis 2009 concrètement dans le quartier en évitant les expulsions, en informant et soutenant les familles en difficultés. Le siège du comité se situe à l’espace « Spazio Micene », non loin du centre social Il Cantiere.

Enfin, dans le but d’avoir une inscription plus large, l’espace de secours mutuel a ouvert en 2013 et met en pratique l’éducation populaire. C’est un espace autogéré où cohabitent un lieu de vie, qui accueille environ 70 personnes, un espace de travail avec les ateliers d’artistes et un espace de pratiques allant du gymnase à l’université populaire en passant par un réseau de circuit court alimentaire ou bien un magasin de troc.

Ces trois espaces ont toujours eu une forte inscription locale, dans le quartier. L’aspect international apparaît progressivement, notamment avec l’accueil, à Milan, de la Coalition européenne pour le droit au logement en juin dernier.

 

En savoir plus, avec les articles des anciennes volontaires :

A la rencontre des centres sociaux autogérés italiens

Pistes de résistances par une lutte vieille de 15 ans

Retour sur la coalition européenne du droit au logement