Alors que l’Espagne reçoit, non sans couacs, la première dizaine de réfugiés sur les seize mille qu’elle s’est engagée à accueillir en deux ans, de nombreuses personnes en migration continuent à devoir franchir les frontières espagnoles de manière « irrégulière », faute de voies sûres et légales pour entrer en Europe. Qu’elles soient maritimes ou terrestres, les routes empruntées sont dangereuses et semées d’embûches. Retour sur dix jours de détresse à la frontière Sud de l’Europe.

Naufrage mortel au large des côtes andalouses

Le 29 octobre, un bateau a fait naufrage dans la mer d’Alboran, au large des côtes andalouses. Le bilan est lourd : sur les 55 personnes d’Afrique subsaharienne ayant tenté la traversée, seules 15 ont survécu. 4 corps ont été retrouvés, et 35 passagers sont portés disparus. C’est l’une des pires tragédies dans la zone depuis plusieurs années.

Comble de cette situation sinistre, la majorité des quinze survivants ont été immédiatement amenés au commissariat de police le plus proche, dans l’optique d’un placement en rétention exprès. Peu importe que ces individus venaient de vivre une situation extrêmement traumatisante, l’obsession sécuritaire l’a une fois de plus emporté sur les considérations humanitaires.

La Croix-Rouge Espagnole s’était pourtant proposé d’accueillir et de prendre en charge l’ensemble des survivants dans l’un de ses centres d’accueil, mais le tribunal chargé de statuer sur le placement en rétention des rescapés en a décidé autrement. Seules les deux femmes du groupe ont été autorisées à rester sur le territoire, à titre humanitaire. Les autres, ne méritant apparemment pas un traitement digne et égal, ont donc été placés en rétention en vue de leur expulsion à venir.

Plusieurs bateaux arrivent sains et saufs malgré les risques élevés

Bien qu’hautement risquées, les traversées ne sont pas toujours mortelles, comme en témoigne l’arrivée récente de plusieurs groupes de personnes sains et saufs. Toutefois, le sort de ces individus demeure incertain dans la mesure où les autorités espagnoles chercheront à les expulser à tout prix.

Les arrivées ont eu lieu à différents endroits. Les 31 octobre et 2 novembre, plusieurs dizaines de personnes sont parvenues à rejoindre les îles Canaries. Les 56 et 8 novembre, une cinquantaine de personnes ont rallié les côtes andalouses. Le 8 novembre, plusieurs Algériens ont atteint les îles Baléares.

Les 31 octobre, 3 et 6 novembre, une trentaine de jeunes subsahariens ont réussi à rejoindre Ceuta, l’une des deux enclaves espagnoles au Maroc. A l’instar de Melilla, cette ville est entourée d’une frontière ultra militarisée et quasiment infranchissable. Les personnes en migration cherchent malgré tout à y pénétrer dans l’espoir de rejoindre la péninsule espagnole ensuite. Puisque la frontière terrestre est devenue si difficile à franchir, ils tentent leur chance par la mer, ce qui reste extrêmement dangereux et parfois mortel. Encore tout récemment, trois personnes sont mortes en essayant d’atteindre Ceuta par bateau : un homme le 26 octobre, et deux autres le 20 octobre.

Les réfugié-e-s syrien-ne-s, toujours bloqué-e-s à Nador

Tout près de Melilla à Nador, plus de mille réfugié-e-s syrien-ne-s attendent toujours de pouvoir franchir le poste frontière de Beni Ansar. Les autorités marocaines laissent passer quelques dizaines de personnes par jour, vraisemblablement en l’échange d’importantes sommes d’argent.

Frustrés par l’attente interminable, certain-e-s tentent de forcer le passage le matin, lorsque le poste frontière est débordé face à la foule de Marocain-e-s qui viennent travailler quotidiennement dans la ville. Le 4 novembre, environ 70 personnes ont ainsi tenté leur chance, profitant de la foule et de la confusion à la frontière. Si 20 d’entre elles ont réussi à atteindre le poste frontière espagnol avant qu’il ne ferme temporairement, les autres ont été violemment repoussés par les autorités marocaines et n’ont donc pas pu pénétrer dans l’enclave. On retrouve ici le Maroc dans son rôle parfaitement assumé de gendarme de l’Europe.