L’été n’a pas été synonyme de trêve estivale pour les migrant-e-s présent-e-s dans le Nord du Maroc et cibles des politiques migratoires répressives tachant de les bloquer dans le royaume chérifien, le plus loin possible des frontières européennes.

 

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Nord marocain

 

  • TANGER – quartier de Boukhalef

Cela a commencé (ou continué, dans la veine d’une violente année) par Tanger, avec une violente opération d’expulsions qui a touché plus de 1000 personnes dans le quartier de Boukhalef début juillet.

Le 1er juillet à Boukhalef. (Source : medias 24.com)

 

Cette opération a été largement dénoncée par les organisations et collectifs de la société civile.
Pour le GADEM, il s’est agit clairement d’une « Opération d’évacuation discriminatoire contre les Noirs non ressortissants » :

Un migrant décède et un second est grièvement blessé lors des opérations menées par les autorités marocaines.

24 heures après l’ultimatum lancé par les autorités aux « ressortissants étrangers subsahariens [qui] ont envahi et occupé illégalement des appartements appartenant à autrui au quartier Al Irfane relevant du district de Boukhalef à la ville de Tanger », les forces de l’ordre ont entrepris, lundi 30 juin à partir de 18h, de déloger les Noirs non ressortissants habitant le quartier. De nombreux ressortissants subsahariens ont été contraints de monter dans des bus et déplacés vers plusieurs villes, dont Rabat et Taroudant. Deux personnes sont ce matin à l’hôpital : une personne blessée pendant l’intervention et la seconde décédée après une chute d’un immeuble, dans les mêmes circonstances que Moussa Seck en octobre 2013 et Cédric Bété en décembre de la même année.

Le GADEM s’inquiète de cette recrudescence du climat d’intolérance au Maroc et de la haine envers les Noirs non ressortissants, et exprime sa préoccupation envers le caractère discriminatoire et illégal de ces opérations d’évacuation : En annonçant et en menant une opération visant exclusivement les Noirs non ressortissants, les autorités ne se sont-elles pas rendues coupables de discrimination sur la base de l’origine nationale et/ou de la couleur de peau ? De l’aveu même des autorités, cette opération d’expulsion locative visait spécifiquement les Noirs non ressortissants : l’occupation illégale d’un appartement serait-elle l’apanage de ces derniers ?

Les Noirs non ressortissants du quartier Boukhalef seraient-ils tous des squatteurs par nature ? N’y aurait-il pas parmi eux des personnes qui ont des contrats de bail ou qui du moins, payent leur loyer même s’ils n’ont pas de contrat en bonne et due forme, comme cela reste d’usage au Maroc ? Le GADEM a pu identifier au moins une famille titulaire d’un contrat de bail qui a été délogée par les forces de l’ordre à la demande des voisins.

(Voir en ligne le communiqué du 1er juillet 2015 et la revue de presse sur le sujet)

 

Un jeune ivoirien mort après être tombé d'une fenêtre pendant l'opération d'expulsion - photo prise par l'association Caminando Fronteras

Un jeune ivoirien mort après être tombé d’une fenêtre pendant l’opération d’expulsion – photo prise par l’association Caminando Fronteras

 

Depuis ces expulsions, beaucoup de personnes vivent dans les forêts aux alentours de Boukhalef, dans des conditions très difficiles similaires à celles des personnes vivant dans les forêts de Nador (près de Melilla) et Cassiago (près de Ceuta) : voir l’article des NoBorders au Maroc sur le sujet.

 

  • OUJDA – campement de l’université

Une nouveauté est celle de la rafle survenue à Oujda (ville située au nord est du Maroc et frontalière de l’Algérie) à la mi-août. Cela faisait sept mois qu’un évènement pareil ne s’était pas produit dans la ville. Le campement près de l’Université, où se trouvaient plus de 200 migrant-e-s a été vidé, et les personnes refoulées – comme d’habitude – vers le Sud du pays, puis relâchées, sans rien.

 

Campement près de l'université d'Oujda - photo prise par le militant Hassane Ammari de l'AMDH Oujda

Campement près de l’université d’Oujda – photo prise par le militant Hassane Ammari de l’AMDH Oujda

D’après le communiqué de la section d’Oujda de l’Association marocaine des droits de l’Homme, parmi ces personnes se trouvaient trois femmes et vingt mineurs, la majorité de nationalité guinéenne.
L’AMDH Oujda a dénoncé le fait que les autorités aient procédé à la destruction des tentes où vivaient ces personnes, et plusieurs d’entre elles ont déclaré avoir perdu tous leurs biens et leurs documents, ainsi qu’avoir dû dormir dans la rue suite à cette opération.

Les personnes arrêtées ont été mises dans sept bus puis amenées dans dans un complexe sportif de la ville. Elles ont ensuite été refoulées vers d’autres villes du sud du pays.

(À ce sujet, voir par exemple l’article du journaliste Hassan Bentaleb : « Chasse aux migrants dans l’Oriental« )

 

  • NADOR (ville marocaine proche de l’enclave espagnole de Melilla)

S’il n’a pas été enregistré d’opération de grande envergure comme celle de février dernier, où plus de 1000 migrant-e-s avaient été raflé-e-s dans les forêts de Gourougou, les mois de juillet et août ont tout de même été le théâtre de destructions de campements et d’arrestations régulières à Nador et dans les forêts des alentours, sans faire de bruit médiatique.
Les migrant-e-s vivant dans les forêts de la zone, ne parviennent quasiment plus à rentrer à Melilla par la barrière.

En effet, depuis le renforcement avec des barbelés tranchants de la barrière marocaine, entourant la triple barrière espagnole de Melilla, les « boza » se sont faites extrêmement rares. (Pour se rafraichir la mémoire sur le contexte à Melilla : lire Melilla (Mliliya?) : immersion dans l’enclave-prison-duty free, laboratoire de l’externalisation des politiques migratoires de l’UE en Afrique)

Il y a peu, Melilla se félicitait ainsi de trois mois de « grande tranquillité », sans aucun enregistrement d’entrée par la barrière.
Si la ville comptabilisait 2100 entrées par la barrière en 2014, en 2015 ce sont seulement 105 personnes qui auraient réussi à la franchir, à la moitié de l’année.

 

  • UNE STRATÉGIE DE PROTECTION DES FRONTIÈRES DE L’UNION EUROPÉENNE QUI CONTRIBUE AU PANORAMA FUNÈBRE DU BASSIN MÉDITERRANÉEN

La stratégie des autorités marocaines est maintenant très claire pour les observateur-rice-s des politiques migratoires au Maroc : rafler au nord, détruire les campements, puis refouler vers le sud du pays.

Une conséquence nette de cette politique couplée à la politique maroco-espagnole de fermeture de plus en plus hermétique de la frontière notamment à Melilla : les personnes, découragées, se tournent notamment vers les tentatives de traversée par la mer et vers l’Algérie et Libye (sic!), pour tenter de rejoindre l’Europe.

 

L’horreur des politiques migratoires sécuritaires de l’Union européenne et de ses sous-traitants continue.

PARTOUT, MOBILISONS-NOUS CONTRE CES POLITIQUES ET POUR LA LIBERTÉ DE CIRCULATION ET D’INSTALLATION DE TOU-TE-S