« Au fil de ces dernières années, le processus d’appauvrissement des communautés paysannes dans le monde et en Europe s’est accéléré, et la fonction exportatrice de l’agriculture dont la qualification d’industrielle prend chaque jour un peu plus de sens – continue à être largement subventionnée au détriment des petites fermes et des populations rurales et paysannes.  » Source

Ce constat alarmant dressé par Nicolas Duntze , paysan et militant de la Confédération paysanne est le point de départ d’un vaste chantier de luttes portées par Via Campesina et ses partenaires depuis une dizaine d’année.
En effet, le modèle agricole a subi de lourdes transformations en moins d’un demi-siècle à l’échelle internationale caractérisée par le triomphe de la théorie néolibérale. Le modèle de l’agriculture familiale et paysanne est aujourd’hui fortement menacé par le système industriel basé sur la compétitivité. A l’échelle européenne, la Politique Agricole Commune incarne cette mutation du système en imposant le modèle agro-industriel visant à maximiser la production en minimisant les coûts.

De la ferme à l’usine : la Confédération Paysanne au cœur de la défense du modèle de l’agriculture paysanne.

Fondée en 1987 suite à la fusion de deux structures syndicales, la Confédération Paysanne s’impose rapidement comme le syndicat agricole défendant le modèle paysan face à la tendance néo-libérale.
Le projet qu’elle porte se veut militant, cohérent et global en tenant compte des dimensions sociales, agricoles et environnementales. Membre fondateur du mouvement Via Campesina, elle combat cette agriculture industrielle en dénonçant la PAC qui, contrairement à ses ambitions initiales, a entrainé la destruction des structures agricoles et de l’économie paysanne.

 

conf

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Ainsi, elle milite pour la reconnaissance du travail central des paysans qui œuvrent à nourrir la population. Elle prône les principes de souveraineté alimentaire et foncière.

Un constat amer : l’agriculture, laboratoire d’exploitation des travailleurs migrants saisonniers
Ces politiques basées sur le marché ont non seulement entrainé une paupérisation d’une partie des communautés paysannes et la destruction des économies rurales, mais cela a ouvert la porte à des pratiques d’exploitation et de discriminations à travers toute l’Europe. En effet, les exploitants agricoles ont tendance à se tourner vers une main d’œuvre à bas cout pour rentabiliser toujours plus la production. Ainsi, le recours aux saisonniers migrants, aux travailleurs détachés, à la main d’œuvre illégale devient monnaie courante et ce sans le moindre égard pour le respect des droits de l’Homme. Il s’agit d’une conséquence directe du système agro-industriel qui vise à compresser les couts de production au détriment du respect de l’être humain et de la terre.

Ces pratiques sont encouragées par la dérèglementation du travail et la pratique du dumping social à l’échelle européenne. Des accords bilatéraux avec le Maroc et la Tunisie (contrats de l’Office de Migration Internationale) ont d’abord permis l’utilisation massive de cette main d’œuvre étrangère pour des contrats de 6 à 8 mois. Aujourd’hui, c’est le détachement de travailleurs de l’Union Européenne (travailleurs principalement originaires d’Europe de l’Est) qui est préféré par les exploitants agricoles qui payent uniquement les charges sociales en vigueur dans le pays d’origine. Ces contrats déjà peu éthiques du point de vue de l’égalité des droits s’accompagnent de pratiques semblables à l’esclavagisme : conditions de travail indignes (chaleur, difficultés, heures de travail, absence de pause…), conditions de vies inacceptables (logements insalubres, tentes ou caravanes à proximité de l’exploitant, pas d’accès à l’eau ou l’electricité), violation des droits du travail (rémunération, heures supplémentaires, accident du travail…), traitements violents…

Voir les articles de Mikele, volontaire d’Echanges et Partenariat avec la Confédération Paysanne du Lot.

La solidarité active : agir contre ces pratiques et dénoncer le système agro-industriel.
Face à ce constat sur l’atteinte aux droits et à la dignité des travailleurs et sur l’appauvrissement général des paysans, Via Campesina dont la Confédération Paysanne fait partie a mis en place un programme international « Agriculture Paysanne & Travailleurs migrants Saisonniers ».

photo simon
Voir le blog du programme

Depuis 2006, ces structures dressent l’état des lieux de ces pratiques dans plusieurs pays européens, méditerranéens particulièrement en y envoyant des volontaires et en collectant leur témoignage. Si les contextes varient, les pratiques et les schémas sont relativement similaires : faux contrats, conditions de travail déplorables, condition d’hébergement et de vie indignes, surexploitation, dépendance des travailleurs…
Echanges & Partenariats et la Via Campesina (dont la Confédération Paysanne) travaillent ensemble depuis 10 ans pour un renouvellement de la pensée sur ces enjeux actuels et la proposition d’alternatives pour un monde plus juste.Ce programme international cherche donc à :

  • Dénoncer les effets pervers de doctrine néolibérale qui a encouragé un développement agricole basé sur la compétitivité en favorisant l’agriculture industrielle et productiviste. Ces politiques ont entrainé une érosion des droits et précariser les paysans.
  • Dénoncer les pratiques d’embauche et d’exploitations des exploitants agricoles qui ont de plus en plus recours à une main d’œuvre étrangère afin de réduire les couts de production.
  • Sensibiliser l’opinion et lutter pour le respect des droits des travailleurs migrants et des paysans, tous travailleurs de la terre.
  • Organiser une résistance commune et créer des réseaux de solidarité à toutes les échelles.

 

La Drôme : de l’état des lieux à la mise en place de solidarités actives

En 2014, la Confédération Paysanne a lancé un premier travail exploratoire dans la Drôme afin d’identifier les pratiques des exploitants agricoles dans ce département caractérisé par les cultures fruitières. Particulièrement exigeantes en termes de main d’œuvre, ces cultures font souvent appel à des saisonniers. Le recours massif à la main d’œuvre étrangère est alors un moyen pour les exploitants de rester compétitif, notamment face à des produits importés.
Simon a alors pu dresser un bilan des pratiques mais également des initiatives qui existent à proximité pour lutter et proposer des réponses à ce type de pratiques

Voir les articles de Simon

Aujourd’hui, une nouvelle mission est proposée visant à renforcer cette dynamique, continuer le diagnostic et proposer des pistes de travail afin de lutter pour le respect des droits des travailleurs de la terre. Ainsi, Via Campesina et ses partenaires refusent de « bâtir les prix des produits agricoles sur l’écrasement des salaires, la dégradation des conditions de travail et la promotion de la servitude en agriculture » Source