Omar Zidi un des principaux porteurs du discours écologiste de gauche au Maroc. Il a écrit Ecologie de l’espoir disponible en arabe, et prépare actuellement un deuxième ouvrage sur les enjeux de la COP22.

 

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est pour vous l’écologie ?

Omar Zidi : Pour moi, l’environnement est une lutte sociale qui mène à une lutte pour la démocratie. C’est ce que j’explique dans mon livre Écologie de l’espoir où j’essaye de simplifier et de rendre accessible à tous l’écologie.

Je suis militant de gauche depuis octobre 1970. Je suis issu de la gauche marxiste léniniste. J’ai suivi la révolution culturelle maoïste. À l’effondrement de la l’URSS, à partir de la fin 1990 j’étais à la recherche d’une nouvelle pensée politique pour regrouper tous les gauchistes.

Le premier résultat de ce travail a été la création du PSU (Parti Socialiste unifié, qui s’appelait au départ Parti de la gauche socialiste unifié). J’ai commencé ce travail de débats et de rassemblement en 1991 avec la publication du journal al mouatin (qui veut dire : le citoyen). C’est le premier journal marocain qui a fait la liste des prisonniers de Tazmamat (prison secrète où Hassan II avait fait emprisonner des militaires plus ou moins liés à la tentative de coup d’état contre le régime), j’ai fait cela au moment où j’étais secrétaire général de l’Association Marocaine des Droits de l’Homme.

Donc j’étais à la recherche d’un système de pensée qui accompagne le monde actuel et j’ai relu Marx et j’ai trouvé que Marx parlait d’écologie ! Quand il parle du Métabolisme, c’est à dire de la crise d’azote par exemple. Les productivistes, même de gauche n’y ont pas porté attention. Et pourtant c’est un courant de pensée qui existe depuis le XVIIIe siècle. Et c’est les féministes américaines dans leur combat contre toute ségrégation, pour les conditions de travail des femmes qui ont aussi été les premières à parler du combat pour vivre dans un environnement sain. La vulnérabilité des femmes, c’est la vulnérabilité de l’environnement. Et donc j’ai considéré que l’écologie c’était une pensée humaine, et une pensée d’égalité, pour mettre en avant un nouvel esprit et un nouvel espoir.

Et aujourd’hui quel développement voyez-vous ?

Vous savez combien le Maroc compte d’associations aujourd’hui ? Près de 116000 !!! Et beaucoup parlent de développement durable ou d’environnement. Mais nombre d’elles n’ont d’écologie ou de développement durable que le nom. Les personnes qui les ont créés ont compris que c’était un concept payant, sans comprendre de quoi il s’agit. Ces associations ont vu le jour avec l’INDH (Initiative Nationale pour la Développement Humain) après 2005. Le roi a fait un discours où il a dressé le diagnostic des problèmes du Maroc : la condition de la femme, la pauvreté, la marginalisation…tout le monde a applaudi, jusqu’à la gauche. Et il a lancé l’INDH, qui est en fait issu du programme de l’ONU du millénaire. Et ce programme facilite la création d’associations et distribue de l’argent aux associations pour faire des projets de développement. Au début il faut le dire la gestion était désastreuse mais l’INDH a bien serré la vis. Les associations de développement durable voient souvent ce mot comme un concept payant, mais en réalité le développement durable, c’est tout un programme de lutte !

Avec la création de la coalition (Coalition Marocaine pour la Justice Climatique), on est dans une ère propice pour toutes les associations pour lutter sur les questions environnementales.

Pouvez-vous nous parler du travail de votre association Action Citoyenne et Écologique ?

 

On fonctionne avec des sections locales, mais c’est indispensable avant de créer la section de créer un projet sur lequel le groupe va travailler. Par exemple, nous sommes en train de travailler sur un projet à Tighassaline, dans la province de Khénifra. On fait un travail avec 30 femmes pour l’élevage de chèvres. Et on va créer une coopérative de femmes pour permettre de développer la production de lait et dans un deuxième temps mettre sur pied une fromagerie.

 

réunion avec les femmes de tighassaline 2-min

réunion préparation pour le projet de fromagerie à Tighassaline

 

Vous allez me demander pourquoi les femmes : quand on leur demande ce qu’elles veulent, elles répondent : l’hôpital et l’école. Et quand on demande aux hommes, ils veulent la route pour partir. On veut que les femmes fassent entrer l’argent dans la famille, comme ça, elle vont diriger les familles, arrêter d’être battues, on va mettre fin au mariage précoce… on a mis une jeune étudiante comme présidente de la section pour montrer que les femmes servent à autre choses que d’être battues. Au Maroc les femmes de l’Atlas sont vues comme des prostituées, on veut mettre fin à cette injustice et pour cela il faut montrer que ces femmes savent aussi diriger et qu’elles ne sont pas des marchandises.

L’écologie est une alternative pour tous les démocrates, tous les militants des droits de l’homme, des droits de la femme.

Il faut faire des projets locaux car ils sont l’occasion de parler aux gens, qu’ils t’entendent et ils font passer d’autres messages comme le respect de l’environnement, l’égalité hommes/femmes. Il faut une responsabilité citoyenne, créer une nouvelle philosophie de vie, une nouvelle approche de vie.

Ça se résume au développement durable. Dans le développement durable, il faut :

  1. Une croissance. Pour cela, il y a plusieurs possibilités : une économie verte, une économie circulaire.
  2. Préserver les ressources naturelles pour les générations futures, surtout les ressources non renouvelables, mais pour cela on est obligé d’avoir recours à la conscience du citoyen, développer les industries de recyclages. Comme dit les écologistes : Rien ne se perd, tout se recycle, et ça crée énormément d’opportunités d’emploi.
  3. L’équité sociale pour avoir des solutions à tous ces problèmes sociaux il faut une équité sociale. Quel développement durable si tu ne respectes pas le travail des gens ? ce ne sont pas de simples salariés mais des producteurs de richesses.
  4. La bonne gouvernance. Mais ce n’est pas seulement la transparence et la démocratie, c’est l’égalité, les libertés individuelles, de conscience, de presse…

Le tout c’est ce système qui doit être installé. Les militants écologistes doivent lutter pour le développement durable. J’aimerais bien qu’on fasse une liste de recommandations que l’on envoie à tous les partis et pour les élections législatives (en octobre) .