« Bonjour, très heureuse de cette prise de contact ! Je serais naturellement ravie qu’on puisse se rencontrer sur ce sujet d’importance et tellement symptomatique ». C’est sur ces paroles très enthousiastes que débutent mes échanges avec Corinne Morel-Darleux lorsque je l’interpelle sur la problématique des travailleurs migrants saisonniers dans l’agriculture.

Conseillère Régional de Rhône-Alpes depuis 2010 où elle siège à la commission Agriculture et développement rural, elle a également co-fondée le Parti de Gauche dont elle est aujourd’hui secrétaire nationale. Depuis quelques semaines, je suis régulièrement son blog http://www.lespetitspoissontrouges.org dont les articles témoignent de sa fraicheur, son ancrage territorial et son engagement dans la vie locale.  C’est certainement pour ces raisons et par souci de transparence et proximité avec les citoyens qu’elle y indique notre rencontre « en mode nomade » (selon ses mots) le 29 juin 2016.

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 Photo : Agenda de Corinne Morel Darleux

En préparant l’entretien, je découvre une femme au parcours atypique qui a commencé comme consultante auprès des plus grandes multinationales avant de changer de vie : entrée dans la fonction publique, engagement en politique via Utopia puis le Parti de Gauche. «Pour le revenu maximum, la défense des retraites, contre les plans d’austérité et la confiscation de la souveraineté populaire, pour la transition énergétique et la sobriété en lieu et place du nucléaire et des gaz de schiste, en faveur de l’application du droit international en Palestine, de la régularisation des sans-papiers… »[1] Corinne Morel Darleux est sur tous les fronts.

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Photo : Corinne Morel Darleux

Coordinatrice des assises pour l’Ecosocialisme, elle a largement participé à la rédaction du Manifeste pour l’Ecosocialisme, un texte que je découvre pour la première fois mais qui fait particulièrement écho chez moi dans le cadre de ma mission et des luttes actuelles.

« C’est la réponse humaine raisonnée à la double impasse dans laquelle est enfermée dorénavant l’humanité en raison des modes de production et de consommation de notre temps qui épuisent l’être humain et l’environnement. Elle appelle une pensée et une action politique radicale, au sens où elle doit aller à la racine des causes. Nous combattons donc les deux moteurs du système actuel : le capitalisme et le productivisme.”[2]

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Photo : Manifeste de l’Ecosocialisme

« De nombreux besoins non satisfaits existent : dans une industrie relocalisée, dans les services aux personnes, dans l’agro-écologie et l’agriculture paysanne au service de la souveraineté alimentaire et de la santé de tous… […] »[3]

Convergence des luttes, résistances et désobéissance civile, révolution citoyenne… ce manifeste s’ancre dans le temps présent.

 

Le 29 juin, c’est à une terrasse de café que nous nous retrouvons. Christophe M, éleveur maraicher dans le Diois, en charge de ma mission, nous rejoint. Comment dire combien cette rencontre a été une bouffée d’air, une dose d’énergie, une piqure de motivation ? Alors que je cumulais quelques rencontres superficielles voire désolantes avec des élus ou institutions peu intéressé(e)s, déconnecté(e)s ou simplement démobilisé(e)s, Corinne Morel Darleux donne l’impression de se démener  à chaque instant pour trouver de nouvelles pistes d’action.

Elle avait retrouvé un article sur le sujet : « Une saison en enfer », paru dans Le Monde du 15 avril 2015 et publié par Jean Baptiste CHASTAN. Si elle avoue qu’elle a découvert Terra Fecundis et le fonctionnement révoltant des entreprises de détachement en le lisant,  elle n’en est pas moins révoltée : les institutions « donnent une couverture légale à l’exploitation » !

De suite les idées fusent, elle passe en revue ses contacts locaux mais nous parle aussi de ses connaissances en Equateur, ses liens avec les élus espagnols, ses collègues dans les cercles européens… L’idée serait de tirer tous les fils qui touchent à ce phénomène pour comprendre, informer et dénoncer.  Campagne de dénonciation, article de presse, tribunes, lettre aux élus et responsables : elle semble pleine de ressources. Elle ne manquera pas non plus d’en glisser un mot à la prochaine commission agricole de la région pour évoquer l’enjeu du logement saisonnier, l’accueil des travailleurs ou encore les initiatives des « Maisons des saisonniers ».

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Photo : Die.

Mais du côté de la région, elle ne se fait aucune illusion. Toujours plus active dans l’hémicycle, elle déplore la  baisse des subventions de 20 à 50% pour de nombreuses associations entrainant « La casse des réseaux pour l’agriculture paysanne ». Les effets se font déjà sentir dans le département : le réseau AMAP licencie, les Compagnons de la Terre (espace test agricole permettant à de nombreux néo-paysans de s’installer) sont dans l’incertitude totale et toutes les autres structures : ADEAR, Atelier Paysan, FR CIVAM, AgribioDrôme … devront passer par la Chambre d’Agriculture  pour espérer continuer à financer leurs activités.  (Voir la pétition). Mais où iront donc toutes ces subventions ? Équilibre des comptes oblige : il faudra financer cette autoroute de plus, trouver les fonds pour le Center Parc ou encore les caméras devant les lycées, verser 50 000€ au syndicat étudiant UNI et j’en passe.

Pourtant Mr Wauquiez vient tout juste de dénoncer les méfaits du détachement et encourage « la préférence nationale » sur les chantiers à travers l’obligation de parler le français par exemple. Vous mesurez sans doute le danger de ce discours souverainiste imprégné de discriminations ! Mais Mr Wauquiez, pour soutenir des emplois locaux, ancrés dans le territoire et garantir un revenu aux habitants, le mieux ne serait-il pas d’encourager les initiatives existantes ? Ces  porteurs de projet que vous détruisez, ces postes d’accompagnement que vous supprimez, cette agriculture paysanne que vous méprisez… assurent des emplois locaux et luttent pour un développement local et soutenable.

Je tiens à remercier Corinne Morel Darleux pour cette rencontre vivifiante, cet échange plein d’énergie et son action au niveau régional.

[1] http://www.lespetitspoissontrouges.org/index.php?pages/Parcours

[2] https://ecosocialisme.com/2013/02/07/premier-manifeste-des-assises-18-theses-pour-lecosocialisme/

[3] https://ecosocialisme.com/2013/02/07/premier-manifeste-des-assises-18-theses-pour-lecosocialisme/