L’entreprise agricole dans la plaine du Chtouka (au sud d’Agadir), c’est le poumon économique de la région. Les investissements étrangers ont été un moteur de l’entrepreneuriat agricole et par la même de la création de la population ouvrière. Les entreprises les plus modernes et les plus compétitives sont souvent des filiales ou des associées d’entreprises européennes. Les patrons travaillent dur pour tenir leurs fermes. Ils soutiennent que leur travail est le pilier du développement de la région. Les plaquettes et sites Internet des entreprises revendiquent la création d’emploi et le développement humain. Or la logique économique est réglée comme du papier à musique et si la rentabilité n’est pas au rendez-vous, les capitaux étrangers ne fuiront-ils pas la région? Peut-on imaginer sortir de ce scénario?

La bonne santé économique des entreprises est intimement liée à la disponibilité en eau. L’utilisation des techniques d’irrigation dans la plaine du Chtouka est permise par l’apport d’eau de l’oued Souss et l’oued Massa. Or le niveau de la nappe phréatique sous la plaine, diminue à une vitesse vertigineuse. Un rapport de l’USAID (

) parle d’une baisse moyenne de 2m/an de la nappe phréatique depuis les années 1970. Selon l’agence pour le développement agricole (voir le lien)[http://www.ada.gov.ma/plans_regionaux/plans-regionaux.php] le déficit hydrique est de 24 % à 50 % représentant autour de 340millions de m3. Or, si l’eau devient rare, les productions chuteront et les entreprises fermeront. En effet les coûts de production et la salinité de l’eau augmentent avec la profondeur des puits. Avec une nappe phréatique toujours plus profonde, l’énergie nécessaire pour remonter l’eau coûte de plus en plus chère, ceci augmente les coûts de production. En parallèle une diminution du niveau de la nappe s’accompagne d’une augmentation de la salanité de l’eau, les productions en patissent. Pour l’instant, ce sont les petits producteurs qui sont le plus touchés par ces problèmes. Le surcoût engendré par l’alimentation des pompes ou l’approfondissement des forages se fait sentir dans certaines zones de la plaine.

Cependant le risque d’une pénurie d’eau à grande échelle est également envisagé. Selon différentes sources [agence du bassin hydraulique du Souss Massa Draa, Université des sciences sociales d’Agadir] même les entreprises les plus à même de compenser les difficultés écologiques par l’investissement dans du matériel, pourraient à terme être touchées. Ce risque est pris au sérieux par les autorités, en témoignent les rencontres autour du développement durable et de la bonne gestion des ressources qui se multiplient. [Salon du développement durable et des énergies renouvelables, Forum internationnal de l’eau à Marseille voir la vidéo: Video : Eau et sécurité alimentaire  Interview de M Brahim Hafidi , Président du conseil régional  de Souss Massa Draa, Maroc. [http://agriculture.gouv.fr/Forum-mondial-de-l-eau]

La question de l’écologie n’implique pas seulement le secteur économique dans une plaine où les exploitations agricoles sont l’une des principales sources d’emplois. Ainsi la question sociale est intimement liée au fonctionnement de l’agriculture et à fortiori, à la disponibilité en eau. La plaine agricole du Chtouka est une zone où la population est essentiellement ouvrière, employée dans les fermes pour des emplois saisonnier (entretien des cultures, récoltes) ou dans les stations de conditionnement. La population s’est accrue de manière phénoménale ces dernières années. Elle a presque doublé dans la ville de Ait Aamira (la ville la plus peuplée de la plaine ouvrière) passant de 25 000 à 45 000 habitant de 1994 à 2004 (voir les statistiques officiels) [www.hcp.ma/file/103036/]. Les migrations internes au Maroc ont grandement touché la plaine du Chtouka, avec l’arrivée de populations à la recherche d’emplois. Ici, un ouvrier agricole gagne entre 1200DHM et 2000DHM par mois, son loyer lui coûte entre 300 et 400DHM pour une chambre et il faut compter le double ou le triple pour un appartement ou une maison. En conséquence, ils vivent à plusieurs dans une chambre pour rentabiliser le salaire. Certains parlent de 4 ou 5 personnes dans une chambre. Les enfants vont à l’école à partir de six ans. Avant, ils doivent être gardés, pour un coût de 200DHM par enfant par mois. Un rapide calcul montre que faire des économies est difficile…

Les deux parents travaillent dans les fermes de six heure du matin à huit heure du soir. Les enfants sont alors livrés à eux-même. Les parents ne sont pas suffisamment présents pour les encadrer convenablement. Au syndicat des ouvrier on rapporte qu’il y a beaucoup d’enfants qui ne vont pas à l’école. Au département des sciences sociales de l’université d’Agadir on parle du risque de « ghettoïsation » de la plaine agricole. Le plus gros risque étant que la pénurie d’eau force les ouvriers agricoles au chômage. Une grande partie de la population se retrouverait sans revenu. Alors qu’un grand espoir existe dans les nouvelles technologie permettant l’économie d’eau, il est nécessaire de se poser également la question sous l’angle social. Peut-on envisager une diversification des activités dans la plaine?

Parmi les initiatives pour le développement social on compte toute sorte d’acteurs. On voit par exemple des entreprises mettre en place des programmes de soutien scolaires ou d’achat de matériel scolaire (cartables, stylos…). Les mouvement syndicaux quant à eux, se basent sur le code du travail : ils demandent le respect des salaires et la sécurité de l’emploi pour permettre aux ouvriers de se projeter vers l’avenir. Des associations d’agriculteurs voient le jour et tentent de faciliter la production des petites et moyennes fermes (par exemple ils gèrent l’eau d’irrigation). Il y a aussi l’exemple de l’association « femmes du sud » qui s’occupe entre autre de former les femmes aux métiers du tissu et de la cuisine espérant ainsi pouvoir leur permettre une diversification de leurs sources de revenus. Des études recommandent également que des efforts soient faits pour l’ouverture de centres de formation pour les jeunes afin qu’ils évoluent dans leurs parcours professionnels.

Le développement ne veut pas seulement dire avoir de l’argent pour manger dans le but de vivre. Il s’agit aussi d’acquérir une stabilité pour l’avenir, pouvoir faire des économies et finalement, petit à petit, réaliser ses projets. A travers le travail des associations et des syndicats, on remarque que la concertation et la mise en oeuvre d’initiatives locales peuvent être portées par les citoyens. Le collectif peut alors prendre une place primordiale dans l’amélioration de leurs conditions.