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L’assemblée préparatoire pour le prochain Forum Social Mondial de 2013 en Tunisie s’est déroulée du 12 au 18 juillet dans la ville tunisienne de Monastir, dans laquelle se sont rendus des représentants de la société civile, des syndicats et des associations. 

  • Le Forum Social Mondial de 2013 aura lieu du 23 au 28 mars 2013 à Tunis
  • Plus de 1.500 personnes se sont réunis lors de l’assemblée de Monastir
  • Les participants demandent un Forum pluriel, ouvert aux nouveaux mouvements et avec un langage et  une méthodologie renouvelés.

Ni la ville de Monastir, située à 160km de la capitale tunisienne, ni le comité organisateur local, composé par divers acteurs de la société civile, ne s’attendaient à une telle affluence de gens venus des quatre coins du monde pour assister à l’assemblée préparatoire du Forum Social Mondial de 2013. Plus de 1500 personnes se sont réunies du 12 au 18 juillet à Monastir pour débattre et échanger leurs expériences sur des thématiques diverses liées aux droits de l’Homme. Mais aussi pour définir de nouvelles perspectives de lutte, réaffirmer les protestations et planifier un renouvellement du Forum Social Mondial (FSM) et du Conseil International (CI).

Tant l’assemblée préparatoire que le FSM de la Tunisie, se situent dans un contexte marqué à la fois par les révoltes arabes, un fort débat populaire sur l’islam et la politique, et l’essor des mouvements sociaux au niveau mondial, qui réclament une justice sociale et un changement du système en place. Les participants aux protestations, c’est-à-dire, ceux qui se sont mobilisés pacifiquement pour changer l’ordre du monde, ont été très présents pendant toute la rencontre à Monastir, dans laquelle on n’a cessé de répéter que le Forum Social Mondial de 2013 « se fait grâce aux martyres, aux gens qui ont lutté, aux militants, et à tous ceux qui ont subi la répression», dans une sorte d’hommage à ces derniers.

La décision de tenir le Forum de 2013 en Tunisie est le fruit de la réflexion du Conseil International, qui a choisi ce pays pour être « le cœur de la révolution qui s’est répandue dans le monde », selon la définition de Chico Whitaker, co-fondateur du Forum Social Mondial. Le slogan choisi pour le FSM de 2013 est « Une autre Tunisie est possible », en faisant référence à « Un autre monde est possible » utilisé pour le premier Forum de Porto Alegre, Brésil, en 2001.

Les objectifs de cette assemblée ont été, selon le comité local organisateur, de «renforcer les réseaux existants et poser les jalons des nouvelles articulations entre les mouvements sociaux, élaborer un programme d’actions en vue de consolider les luttes et les actions de solidarité dans la région, et élaborer et mettre en œuvre un plan de mobilisation pour le FSM de 2013 », le tout s’inscrivant dans une « dimension internationale, africaine, euro-méditerranéenne Maghreb-Machrek et locale ».

Pendant la cérémonie d’ouverture, Gustave Massiah, membre du Conseil International du FSM, a lancé un message à tous les participants, en déclarant que « nous sommes ici pour travailler ensemble pour la solidarité (…) et pour parler de comment continuer les luttes », donnant le coup d’envoi des six jours de travail, d’ateliers, de débats et de discussions entre les représentants de la société civile, les syndicats et les associations présentes.

L’assemblée préparatoire de Monastir a été principalement organisée par divers acteurs de la société civile tunisienne, comme la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), le syndicat UGTT, et le Forum Tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), mais également le Conseil Africain et le Conseil International du FSM, qui ont élaboré un programme du 12 au 18 regroupant plusieurs thèmes.

Parmi eux, les migrations dans la zone Méditerranéenne, la fermeture des frontières, les disparus et les droits des réfugiés dans les pays du Maghreb, qui a culminé avec l’arrivée, le vendredi 13 juillet, de la flottille organisée par Boats4People au port tunisien de Ksibet el Mediouni, comme symbole de solidarité avec les migrants. Après presque deux semaines de voyage, la flottille, qui était partie du nord de l’Italie en passant par Palerme et qui ira ensuite jusqu’à Lampedusa (l’île italienne sur la route migratoire entre l’Afrique et l’Europe) est arrivée sous une pluie d’applaudissements de tous les personnes présentes accompagnée par des bateaux de pêche tunisiens. Les mères de quelques disparus lors de leur voyage vers ce qu’ils croyaient une vie meilleure, étaient présentes.

Un des autres thèmes portait sur les mouvements sociaux en Tunisie et dans le monde entier. Plusieurs participants ont situé leur lutte dans le contexte mondial actuel et ont parlé de leurs réussites. Ce fut une rencontre avec des jeunes des révoltes tunisiennes, des gens du Mouvement du 20 février de Maroc, des américains d’Occupy Wall Street et des sénégalais de Y en a marre, qui ont fait preuve de beaucoup de  vitalité et d’une grande volonté de changer les choses. Ils ont montré le grand pouvoir mobilisateur dont ils disposent dans leur pays, et les victoires que cela leur a apporté.

Il y avait beaucoup d’autres thèmes organisés en divers ateliers. Sur le thème de la démocratie, la citoyenneté et les droits de l’Homme, la question a été abordée de la justice transitionnelle en Tunisie, des luttes sociales dans le bassin miniers ainsi que celle de la dette. Dans les ateliers sur la diversité, les droits culturels, la liberté d’expression et l’accès à la technologie, se sont tenus des échanges intéressants sur les différentes situations des pays avec la présence de l’une des créatrices de Radio 6, la première radio libre tunisienne qui a retransmis la chute de Ben Ali.

Le group sur les droits de femmes a présenté un “Rapport du Forum Social Femmes Maghreb-Machrek » et une déclaration contre la violence envers les femmes. Sur le thème des droits économiques et sociaux face à la mondialisation néolibérale et la privatisation, divers ateliers se sont déroulés notamment sur le chômage des jeunes diplômés, un grand problème dans le pays et plus généralement le monde. Pour les déficits économiques, la dette et les accords de libre-échange les participants ont réfléchi à la mise en œuvre des techniques de développement alternatif. Enfin, pour ce qui est de la protection de l’environnement des leçons ont été tirées de Rio+20 et du Sommet des peuples.

Pendant les trois dernières journées (le programme s’étant prolongé d’un jour jusqu’au 18), s’est tenue une assemblée plénière dans le but de parler du  processus de préparation du FSM durant laquelle les participants ont exposé leurs idées, leurs doutes et leurs attentes. Beaucoup de propositions, il reste à savoir si elles vont être réalisables. Les idées qui se sont le plus dégagées au long de cette assemblée furent de renouveler le langage, la méthodologie et la structure du FSM et du Conseil International : de changer de stratégie et de plan d’action, de faire du Forum un espace plus plural, ouvert et incluant les nouveaux mouvements, pour faciliter la participation mondiale et les connections au niveau local et global. Mais aussi d’inclure  l’économie solidaire ainsi que des thèmes en rapport avec la région où se tient le Forum, et de trouver un moyen pour que  tous les mouvements au niveau mondial participent à la préparation du Forum, et pas seulement le comité local.

Pour traiter ces sujets et satisfaire les attentes de chacun, se sont créés trois groupes qui vont continuer à travailler ensemble pour la préparation du Forum durant les prochains mois. Le premier d’entre eux est la commission méthodologique et stratégique, qui va travailler sur la manière d’organiser le forum et les thèmes  qui y seront abordés. Le second, la commission de communication et mobilisation et, le dernier, la commission financière. Tout les participants ont choisi à quel groupe ils  voulaient appartenir, et ont défini et exposé ensemble leurs objectifs. 

La commission méthodologique a déclaré qu’elle travaillerait pour un Forum qui reflète la réalité du pays d’accueil, qui tienne compte de la dimension régionale et internationale, où seront intégrés les nouveaux acteurs, et dans lequel existe une diversité culturelle, religieuse et physique. En ce qui concerne l’espace de travail, ils veulent faire un Forum plus accessible, en facilitant la participation par Internet, et en tenant compte des enfants et des personnes à mobilité réduite. Ils vont également s’occuper des sujets à aborder au travers des attentes des participants.

La commission de mobilisation et communication a invité tous les participants à mener un travail de sensibilisation dans leur propre pays, et pour cela ils souhaitent que le comité local reste en contact avec eux via le web, pour leur donner les lignes directrices. Ils sont en train de décider des meilleures options pour que tout le monde puisse participer, y compris ceux qui sont généralement exclus parce qu’ils n’ont pas accès à Internet. Ils vont essayer d’accueillir plus de médias et bloggers dans le Forum Social Mondial, et d’incorporer les réseaux sociaux comme un nouveau terrain de communication. Ils s’occupent également de chercher un streaming libre pour publier tous les activités qui auront lieu pendant le Forum, pour que l’information atteigne un maximum de monde. Ils ont aussi proposé de créer un point d’information physique à Tunis pour donner des informations aux gens sur le FSM.

La commission financière assure qu’elle aura fini d’écrire le projet du Forum Social Mondial de 2013 dans les prochaines semaines afin de l’envoyer le plus tôt possible aux éventuels partenaires financiers. Ils ont estimé environ 1 million et demi d’euros de budget nécessaire pour le bon déroulement du Forum.

Le comité local organisateur en a profité pour annoncer quelques nouvelles  en rapport avec le FSM. La rencontre qui a  eu lieu la semaine dernière avec le Premier ministre  tunisien, Hamadi Jebali, était positive, le gouvernement les a appuyé pour l’organisation du Forum, ce qui « facilite énormément les choses », selon les paroles d’un des organisateurs. Ils ont également annoncé la mise en place à partir de septembre de caravanes qui vont parcourir le pays pour travailler avec les mouvements régionaux et parler du Forum. Dans le même but divers forums thématiques sont aussi prévus. Monastir a permis au comité local organisateur d’appeler les structures internationales participantes à s’impliquer avec tout ce que comprennent l’organisation et le financement d’un tel forum. Le poids du Forum est trop grand et ils ont besoin de soutien.

L’assemblée préparatoire du Forum Social Mondial a été présente sur les réseaux sociaux avec l’objectif d’atteindre plus de personnes. Toutes les activités ont été diffusés en streaming, et quelques participants ont utilisé twitter comme moyen de raconter ce qui était en train de se passer (#mfsm). Il est prévu pour le Forum de 2013 de développer la communication au travers Internet afin de permettre la participation d’un plus grand nombre de personnes.

De son côté, la presse tunisienne a elle aussi fait un petit écho de cette assemblée préparatoire, notamment en couvrant la conférence de presse qui a eu lieu la veille. Le journal « Le temps » a titré en deuxième page le 11 juillet « La Tunisie, une meilleure Tunisie, passerelle universelle vers la démocratie », affirmant que le pays « se transformera l’année prochaine en un espace de débat pour le renforcement des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux à l’échelle internationale  (…) dans le cadre du Forum Social Mondial Tunisie 2013». D’autres journaux comme « La Presse » et « Le Quotidien » contenaient des articles sur les ateliers qui ont abordé la question de l’immigration et de la dette.

Quand l’assemblée préparatoire du Forum Social Mondial s’est terminée, après presque une semaine de débats et rencontres, on pouvait voir que tous les participants étaient d’accord sur une chose : que la participation des acteurs des luttes dans le monde est essentielle au Forum et non celle des élites.