Deux ONG ont repris l’étendard folklorique pour une collecte de fonds en faveur des réfugiés: joyeuse grand-mère mars!


Plein centre- Samedi 27 février, Борисовата градина (Jardin Borisov)

C’est la deuxième année consécutive que Zoe, Katerina et Diana donnent rendez-vous sur la place publique aux volontaires du Refugee project, leurs amis, leurs enfants et leurs élèves: les demandeurs d’asile de deux camps de Sofia: Ovcha Kupel et Voenna Rampa. « Baba Marta Fun Run 2″ débute à 11h sur l’estrade du plus grand jardin de Sofia.

Les petites filles porte le T-shirt imprimé pour l'occasion. L'inscription au dos annonce la "Course de Baba Marta 2". En fond, la grande affiche du "Refugee Project"

Les petites filles portent le T-shirt imprimé pour l’occasion. L’inscription au dos annonce la « Course de Baba Marta 2 ». En fond, la grande affiche du « Refugee Project »

A côté de l’ancien stade de l’armée » m’indique Daniele.

Blond, italien et francophone, Daniele exerce son service volontaire européen entant que coordinateur ponctuel du Refugee Project. Tous se sont levés tôt pour organiser l’event. Lui est allé chercher trois iraniens d’Ovcha Kupel. Marta et Sofi, profs bénévoles dans les camps, sont quant à elles parties récupérer 14 habitants de Voenna Rampa, syriens, irakiens et kurdes. Deux écoles réinvesties en camps pour demandeurs d’asile situées dans des zones industrielle de Sofia. Ovcha Kupel à l’ouest, Voenna Rampа au nord,  tous deux à environ 45 minutes en tram du centre-ville. Diana, coordinatrice des volontaires pour Caritas Sofia, l’une des assos organisatrices du Refugee Project, s’est chargée d’apporter les Tshirts fabriqués spécialement pour les coureurs du samedi. Le temps est pluvieux mais tant pis, l’échauffement a déjà commencé, la musique résonne dans les hauts-parleurs spécialement aménagés. Kat lance le top-départ, tous ceux qui ont achetés leur T-shirts aux motifs traditionnels sont autorisés à courir. Traditionnel car rien n’a été laissé au hasard. Des broderies aux couleurs choisies, l’évènement emboîte le pas à l’une des plus grandes fêtes du pays: Baba Marta.

 

BABA MARTA – Le 1er mars et sa « grand-mère mars » indécise.

 

La croyance païenne d’une « baba » qui selon son humeur changerait le temps jusqu’à faire renaître la nature de ses cendres n’a rien perdu de sa magie. Chaque premier mars annonce la couleur: rouge et blanc sur deux poupées de tricot prénomées Pizho et Penda, pompons ou simples fils de laine; les mertenitsi envahissent les rues, et les couloirs du métro sofiote. Ces portes-bonheurs, noués autour de tous les poignets du pays sont offerts pour annoncer l’arrivée de la nouvelle saison, aux impatients du printemps.

Le Refugee Project a choisi de reproduire le visuel traditionnel: T-shirt rouge, représentation de Penda, la jeune fille et Pizho, symbole de l’homme.

Chacun y va de ses vœux. Sur la page Facebook du Conseil des femmes réfugiées, une autre organisation non gouvernementale et partenaire du Projet, le printemps est à l’honneur:

Happy « Baba Marta Day » Spring is coming! « council of refugee women in Bulgaria » wish you happiness and health. Keep smiling! We are truly thankful to all of you for the constant support! Thank you so much!

 

Ici le Soundcloud de Baba Marta, musique folklorique.

 

BABA MARTA FUN RUN 2

Inclure à travers la tradition, deuxième édition. Zoe et Katerina, les coordinatrices du Refugee Project espèrent:

Apporter de l’énergie positive et attirer des personnes pas forcément intéressées par la cause.

L’ambiance est internationale, le terrain habituellement foulé par les coureurs en poussettes du weekend s’est gentiment laissé envahir par un stand Caritas servant plusieurs boissons chaudes et sucrées en échange de quelques pièces glissées dans la Refugee Project box. Même la marque bio Harmonica, fondée par la célèbre tennis-women Magdalena Maleeva, a prêté main-forte en fournissant quelques sirops. Au stand maquillage, Bahar, Nori et Dilin s’empressent de toucher leur henné  qui n’a, bien évidemment, pas encore séché. Tous les poteaux et arbres du parc affichent complet:  « Баба Марта Бързала« , Course de Baba Marta » sur 2 kilomètres.

Preuve que la collecte de fonds du 27 récolte les bons offices des autorités, la mairie est partenaire. Elle a fourni la sécurité et l’électricité tout en laissant les organisateurs occuper les lieux gratuitement.

Au delà de la sortie que représente l’évènement pour les réfugiés, le but du mini marathon  est également de récolter de l’argent pour des « extras ». Du matériel qui n’aurait pas été prévu dans les demandes de financement qui se font un an à l’avance.

 

The Refugee Project

Le projet est lancé en 2011 à l’initiative de CVS Bulgaria- coopération for voluntary service– et Caritas Sofia. La première constitue la plateforme permettant l’émergence de volontaires européens de longue durée: 12 mois durant lesquels ils piloteront le projet, aidant à la formation des bénévoles, comme à l’organisation des cours. La seconde fonctionne selon le principe du Nouveau Testament: « aime ton prochain ». Chrétienne et caritative, l’association œuvre dans plusieurs autres domaines, comme branche de l’église apostolique, fournissant de l’aide aux plus démunis: sans-abri,  toxicomanes, femmes ou familles en situation de vulnérabilité.

Le projet financé par une multinationale, Experian, permet de rémunérer à temps plein les deux coordinatrices : Katerina de CVS et Zoe de Caritas. Diana détient une fonction plus générale de « coordinatrice des volontaires » coté Caritas.

Ensemble elles organisent des activités « à visée éducative » dans les 3 camps de la capitale.* Pour ce faire, elles recrutent des bénévoles pour une durée de 4 mois, renouvelables. International et éclectique, chacun peut postuler au projet à mesure de sa motivation. Quant à la disponibilité, un minimum de 2heures par semaine est requis. Musicien, professeurs, étudiants … Cette année nous sommes environ 60 à en faire partie. L’idée étant d’être force de proposition pour les classes des camps: cours de bulgare et anglais, atelier informatique, cuisine ou artistique, sports et jeux, pour adultes et enfants. Chaque jour défilent une dizaine de bénévoles. Par groupe de 4, ils se chargent de l’organisation des cours. Adapter les classes au nombre souvent fluctuant de personnes dans les camps fait partie intégrante du job.

Victoria a 23 ans, en quatrième année de relations internationales à l’Université de Sofia. Bénévole depuis début février, elle enseigne le bulgare pour adultes à Ovcha Kupel:

J’avais vraiment envie de créer un contact avec les réfugiés, de comprendre leur histoire et de former ma propre opinion sur le sujet. J’ai toujours rêvé d’enseigner ma langue maternelle et je suis ravie de voir les progrès qu’ils font.

La coopération avec l’Agence nationale pour les réfugiés permet au projet de fonctionner. Bien que ces camps soient ouverts pour les réfugiés et/ou les demandeurs d’asile, ils ne le sont pas en théorie pour les personnes extérieures. Une demande d’accès est envoyée à cet organe administratif dont la première fonction est d’accorder le statut de réfugié aux demandeurs d’asile. Une liste de noms et numéros de pièce d’identité de tous les volontaires est remise au garde à l’entrée.

 

Pays de transit

Une partie du projet est l’intégration. Aux personnes qui veulent rester, nous nous efforçons de montrer des opportunités. Nous sommes cependant conscients que beaucoup d’entre eux souhaitent partir, explique Zoe, l’anglaise du projet, qui a appris le bulgare.

En effet, la Bulgarie délègue tout le processus d’intégration aux ONG, restant ainsi un point de passage vers l’Europe de l’ouest. Au 27 janvier 2016, sur 1862 personnes ayant déposés une demande d’asile auprès de l’Agence nationale pour les réfugiés, 1498 ont été interrompues, c’est à dire autant de personnes qui sont arrivées puis reparties aussitôt. En d’autres termes, la visée éducative est compromise par le constant changement de personnes, ce que déplorent tous les volontaires.

Apprendre sans comprendre la langue de l’enseignant est une première barrière. Peu d’entre nous parlent arabe ou kurde. Une question me vient à l’esprit lors de mes visites du mercredi:

Depuis combien de temps ces enfants n’ont pas eu accès à l’éducation et combien encore ?

Hier, à  Voenna Rampa, j’ai cherché les trois petites sœurs qui ne rataient jamais le sport du mercredi matin. Celles qui n’avaient pas attendu que le henné soit sec. « Bahar, Nori et Dilin= Irak » m’informe leur amie Bahtoun.


*Vrazhdebna est le 3e camp non mentionné en début d’article. Une école abandonnée qui était en rénovation du fait de conditions d’accueil désastreuses. Officiellement ré-ouvert depuis le 15 février 2016, il accueille actuellement 2 personnes qui ont été relocalisées depuis la Grèce, absentes lors de l’événement. Le Projet est en cours de réorganisation,la reprise d’activités ne saurait tarder.

Nb: Les citations ont été traduites de l’anglais et du bulgare vers le français. Les statistiques émanent de l’Agence nationale pour les réfugiés.