*Ce n’est pas une crise c’est une escroquerie

Depuis plusieurs mois les espagnols se réveillent le matin dans l’attente de nouvelles reformes empiétant un peu plus sur leur droits. Il faut dire que le gouvernement de Mariano Rajoy (Partido Popular), non content de multiplier les coupes budgétaires dans le secteur public (éducation, santé et justice) affiche de surcroît une vision très particulière de l’Espagne. La valorisation de la famille, de la propriété et de l’État fort rappelle à certains les valeurs prônées durant une période sombre du pays. A titre d’exemple, la dernière annonce du ministre de la justice Alberto Ruiz-Gallardon vise a revoir la loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse afin de supprimer le délais actuel dans les cas de malformation du foeutus pour limiter les avortements.

Cette volonté de valoriser les valeurs traditionnelles explique en partie la crise actuelle du logement. Pour être un individu accompli, chef de famille, dynamique et intégré, tu dois être propriétaire. La location est l’apanage des jeunes en quête d’avenir, des marginaux ou des “ratés”. Au yeux du monde posséder son logement est un gage de stabilité et de responsabilité. Ce mythe fut tant martelé qu’une seule idée en est restée: « si tu n’es pas propriétaire tu n’es rien… »…

C’est donc l’histoire de milliers de familles à qui on a soufflé que c’était le moment idéal pour acheter, qu’il s’agissait de l’opportunité de leur vie et que les banques ont attiré dans leur filet avec des plans marketing d’envergures. Cette légende comptée par les politiciens et les organismes bancaires n’a pas eu d‘Happy End: après une courte période d’euphorie, la bulle immobilière a éclatée conduisant à une dévaluation des prix du logement. Notons qu’en 2001, 85% des prêts hypothécaires en Espagne étaient a taux variables permettant a la banque d’accroitre le montant des mensualités des emprunts. Asphyxiés par le taux progressif et plongés de plus en plus dans des situations de chômage, les propriétaires ne peuvent plus éteindre leur dette. Pour empirer le tout, la loi espagnole de 2008 sur les emprunts bancaires autorise les banques à s’approprier les propriétés faisant l’objet de crédits dont les titulaires font défaut pour seulement 60% de leur valeur (voire même 50% ). Au final, une fois que la famille se retrouve ruinée, au chômage et expulsée de sa maison, elle doit continuer à payer la partie de l’emprunt qui n’a pas été couverte (dettes de centaines de milliers d’euros). On compte plus de 300000 personnes expropriées au 1er semestre 2011 dont une grande partie en Catalogne.

Face a cette situation, la Plateforma de los Afectados por la Hipoteca (PAH liée aux Indignés et au mouvement du 15 Mai) apporte une aide précieuse. Elle est constituée par des personnes affectées par la crise du logement qui se réunissent et se mobilisent pour des actions concrètes. La plus connue est le blocage des expulsions qui consiste a réunir des dizaine de personnes devant le logement pour empêcher la commission judiciaire d’entrer. Cette technique fonctionne si bien que dans bien des cas la force publique ne se présente même plus sachant que leur action sera stoppée. Ces victoires ne sont qu’un début dans l’attente d’une reforme à plus grande échelle. La PAH présente une Initiative Législative populaire à Madrid en octobre visant a instaurer la daciòn en pago retroactiva (le fait de donner son bien essuie la dette) et la construction de logements sociaux à partir des biens expropriés par les banques. Le gouvernement de Catalogne s’est déjà prononcé en faveur de la réforme. L’adoption de cette loi serait une victoire incroyable pour tous les victimes de la politique du logement en Espagne et permettrait de mettre fin à la double peine prévue par la loi.

En attendant une issue favorable en octobre, les familles ne perdent pas espoir et continuent leur combat de plus en plus persuadées que  ¡si se puede!  (oui nous pouvons).