Si les Egyptiens ne sont pas connus pour la qualité de leur cuisine, depuis le début du Ramadan, dès la nuit tombée, le Caire est embaumée par des senteurs qui viennent vous chatouiller les narines et vous mettre l’eau à la bouche. A chaque coin de rue on peut trouver de quoi manger, de quoi boire. Ce mois de jeûne étant également synonyme de partage, les Musulmans les plus fortunés se doivent d’offrir un repas à leurs coreligionnaires dans le besoin. Ainsi, chaque soir, de grandes tablées pouvant parfois accueillir plus de 100 personnes sont installées sur les trottoirs de la ville.

Tandis que je reviens du marché et que je me dirige vers chez moi pour déjeuner, mon voisin m’interpelle pour m’inviter à prendre part au repas qu’il offre le soir même au bout de notre rue. Voilà une semaine que sa générosité permet à des dizaines de nos voisins de manger à leur faim grâce à un plat composé de riz, de légumes et surtout de viande, un luxe qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir tous les jours. Au cas ou je n’aurais pas bien saisi la nature de son invitation, il m’invite à jeter un coup d’œil aux “cuisines“, qui se résument à une simple cours en terre battue. Des femmes sont affairées à découper des légumes sur une planche de bois posée à même le sol. Des morceaux de bœuf mijotent  un peu plus loin dans de grandes marmites posées sur des réchauds. Le tout sent divinement bon et c’est avec un réel plaisir que j’accepte son invitation. Rendez-vous est pris à l’heure du maghreb, le coucher du soleil.

En attendant, je m’efforce de résister à la tentation de manger, mais impossible de pousser le jeûne jusqu’à m’abstenir de boire, surtout avec la température qui dépasse les 40°. A 17h30, je sens que je commence à flancher… Une seule solution pour tenir, la sieste ! A 18h45, le chant du muezzin et les pétards annonçant la rupture du jeûne me sortent de ma léthargie. J’enfile une chemise et 1 minute plus tard, je m’attable aux côtés des autres convives qui ont déjà tous attaqué leur assiette avec beaucoup de détermination. Personne ne parle, tout le monde a les yeux rivés sur son écuelle et l’entrée, le plat et le dessert sont avalés en moins de 5 minutes chrono. Une fois leur repas engloutit, les gens quittent la table les uns après les autres sans demander leur reste, chacun dans sa direction. Me voilà désormais tout seul, assis à cette grande table qui n’accueillait pas moins d’une centaine d’âmes il y a à peine 2 minutes. Je fini mon repas calmement – et un peu déconcerté par le caractère éphémère de ce que j’avais imaginé comme un si grand événement- en appréciant la tranquillité des lieux, le Caire sans voiture, bercé par la légère brise qui vient rafraîchir un peu l’atmosphère étouffante de ce mois de juillet.

*L’Iftar est le repas de rupture du jeûne pris chaque soir par les musulmans durant le mois de Ramadan.