Alfenzine – Anguelz

C’est dans leur appartement lyonnais que Warda Houti et Brahim Msahel m’ont reçu, lors de mon passage à Lyon pour les vacances de fêtes de fin d’année.
J’avais hâte d’en savoir plus sur ce projet, que j’avais pu apercevoir via le Facebook d’une danseuse résidant à Casablanca, Nezha Rhondali alias Lisa Dali. Dès les premières lignes de présentation du projet, j’ai su que ce projet avait, non seulement une vraie valeur artistique, mais également une portée humaine comme j’en avais rarement vue. Une vraie aventure à l’écoute des hommes et des femmes, tournée vers l’échange et la découverte de l’autre, en mobilisant plusieurs activités complémentaires.

Alfenzine, un projet de cœur pour le développement local

Le projet Alfenzine a été imaginé après un voyage dans le village d’origine de Brahim, Anguelz. Warda et lui-même ont en effet observé que les villageois vivaient grâce aux chibanis, les principales sources de revenus étant générées par l’immigration des pères et grands-pères. Ces derniers décédant peu à peu, les jeunes quittent le village, faute d’emploi, les hommes pour tenter leurs chances dans les grandes villes marocaines ou l’Europe, et les filles pour devenir « bonnes »…

L’exode rural appauvrit considérablement le village, situé entre Marrakech et Ouarzazate, et caractérisée par un milieu rural montagneux. Pourtant, la région a quelques ressources, notamment l’agriculture (blé, maïs, maraîchage, arbre fruitiers), et l’élevage (chèvres, moutons, volailles, et quelques vaches). Dans le village, il y a une école primaire et un dispensaire qui fonctionnent en dent de scie, les enseignants étant peu nombreux et peu investis dans ces zones éloignées. Ainsi, le niveau de scolarisation est très faible, et presque inexistant pour les femmes.

Village

Face à ces constats, le projet Alfenzine, à seule dimension culturelle au départ, a peu à peu élargi ses activités pour atteindre un projet de développement local au plus près des besoins des habitants, et inscrit sur son territoire.

Il faut dire que Warda et Brahim ont tous les deux des parcours qui permettent de rendre leurs actions complémentaires et militantes.
Brahim est musicien, et a travaillé au sein du réseau TRACES (forum régional de l’histoire, des mémoires et de l’actualité des migrations) qui organise plus de 70 évènements en région Rhône-Alpes. Il a également participé à la création de la Cité internationale de l’immigration à Paris, et a travaillé autour de la situation des Chibanis.
Warda a quant à elle beaucoup travaillé sur le droit des réfugiés mais aussi sur l’accès à la culture dans les quartiers. Elle a été la directrice générale d’ARALIS, organisme de gestion locative et association militante sur les questions de l’habitat, du droit au logement, et de la question de la culture comme élément de construction citoyenne et plus récemment la DRH d’Emmaüs Solidarité.

Engagés autour de ces problématiques, Warda et Brahim ont doté leur projet d’une dimension humaine, économique et artistique visant à assurer le développement local du village, tout en permettant un échange entre les deux rives de la méditerranée.

Plusieurs étapes pour ce projet de développement

La première étape est la construction d’un Ksar, centre communautaire, comme premier outil du développement local. Ce lieu se veut ouvert à tous, artistes, voyageurs de passage, et villageois, et abritera toutes les activités du projet. Sa construction est également créatrice d’emploi, puisqu’elle mobilise le savoir-faire local d’une quinzaine d’ouvriers qui respectent des méthodes traditionnelles et l’environnement.

Ksar 800

La deuxième étape est celle de la création d’emplois dans le village, pour le sortir de la dépendance économique évoquée ci-dessus. Plusieurs potentiels ont été repérés pour permettre le développement économique. La région est riche de produits naturels (des arbres fruitiers) et de savoir-faire locaux (notamment le tissage des tapis). Ainsi, Warda et Brahim ont imaginé une ligne de produits du terroir encadré par un Chef français, et un partenariat avec un BTS de Design pour créer des modèles de tapis que les femmes d’Anguelz tisseront. Le Ksar proposera un espace de boutique pour la vente de ces produits.

La troisième étape est de permettre un accès à l’éducation et la formation, en proposant aux habitants une médiathèque en libre accès, et des cours d’alphabétisation pour les femmes et les filles. D’autre part, une filière de formation aux métiers du verre est envisagée pour engager une économie locale basée sur l’artisanat.

La quatrième étape est de penser la culture comme moyen de rencontre et de développement. Une résidence artistique sera mise en place pour favoriser l’interculturalité, l’échange entre les deux rives de la Méditerranée, et lutter contre l’obscurantisme.

Ce beau projet, qui se développe depuis maintenant 8 ans, rencontre des difficultés de financements pour aboutir.. Mais les multiples réseaux, au Maroc et en France, convaincus de l’importance du projet viennent régulièrement conduire des actions et organiser des échanges. Cet été c’est au tour d’une artiste de Casablanca d’organiser la rencontre…

Un chantier et stage de danse participatifs : la TWIZA

Nezha Rhondali, pratique et enseigne la danse impro et préside l’association IRTIJAL à Casablanca. Elle souhaite organiser une deuxième édition de la TWIZA au Ksar Alfenzine, suite au succès de la première édition qui a déjà eu lieu l’an dernier à 40km de Casablanca, au sein de MAOKA
La TWIZA, est le nom traditionnel à la campagne pour des activités de partage convivial. La TWIZA proposée par irtijal cet été à Anguelz est une exploration de la danse mais aussi un chantier participatif, qui rassemblera les participants et les habitants autour des valeurs de solidarité, de convivialité et de partage. A Alfenzine, le projet sera autant artistique que solidaire. L’idée est de rassembler une trentaine de personnes pendant deux semaines, pour réaliser plusieurs activités avec les habitants, comme par exemple du tissage, de la danse et de la musique traditionnelles ou encore la construction d’un lavoir public.

Affaire à suivre… !

Capture d’écran 2016-02-17 à 17.03.06

Liens :

Site internet d’Alfenzine
Facebook du projet Alfenzine
Facebook de l’association IRTIJAL