En décembre 2011, le Conseil européen a donné mandat à la Commission pour entamer des négociations afin d’établir des accords de libre échange complets (Deep and Comprehensive Free Trade Agreements, ci-après « DCFTAs ») avec le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Jordanie. Ces accords font suite aux accords d’Association signés entre l’Union européenne (UE) et de nombreux pays du pourtour méditerranéen (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Autorité Palestinienne, Tunisie et Turquie) dans le cadre du partenariat Euromed.

De tels accords, sous l’attrayante couverture de l’intégration au marché européen, menacent directement l’économie, les droits sociaux et démocratiques et l’environnement de ces pays.

Alors même que certains de ces pays n’ont pas encore de constitution et que le débat public sur les choix de développement n’y a pas encore eu lieu, ces projets d’accords dénient aux peuples des révolutions arabes la souveraineté démocratique pour laquelle ils se sont battus en 2011! L’UE dit vouloir « soutenir les pays du printemps arabe dans leur transition vers la démocratie » ( 1) et impulser une croissance bénéfique à tous. En réalité, ces accords imposeront, sans que les citoyens aient pu être consultés sur le sujet, des choix économiques de long terme qui conduiront à une libéralisation accrue du commerce dans les secteurs agricole, des biens manufacturés, des services et de la pêche et renforceront le pouvoir des investisseurs privés européens. A travers ces accords, l’UE convoite tout particulièrement deux types de richesses, qui restent pour l’heure sous contrôle étatique ou para-étatique : les innombrables ressources naturelles (minerais, pétrole, gaz naturel notamment) et les marchés publics, privilégiant de fait les opérateurs économiques locaux.

 

Après un entretien avec Michel Cermak, chargé de recherche et de plaidoyer sur le travail décent au CNCD ( 2) (Centre National de Coopération au Développement, ONG belge) mon horizon des mobilisations contre ces accords de libre échange, en tout cas de leur naissance, se précise. La première caractéristique de cette phase de construction de la critique est sans aucun doute la diversité, voire la divergence. Un bon exemple serait l’assemblée préparatoire du Forum Social Mondial à Monastir, qui a eu lieu du 12 au 17 juillet. En effet, deux ateliers différents ont eu lieu en même temps sur la thématique des accords de libre échange. D’un côté, une réunion d’information regroupant des personnes de différentes organisations et de différents pays, et de l’autre, une réunion regroupant des personnes ayant davantage l’habitude de travailler ensemble. L’enjeu crucial ici, pour ces différentes personnes représentant une organisation, un mouvement ou à titre personnel, est de pouvoir composer avec une diversité de personnalités et de perspectives. C’est donc la question de la coopération entre différentes entités en vue de l’action qui est en jeu à cette phase.

 

Malgré ces difficultés présentes et à venir, un groupe de travail a été mis en place. Les objectifs principaux de ce groupe sont l’élaboration d’une déclaration commune concernant les DCFTAs (qui devrait être prête fin août 2012), ainsi que l’échange d’information et la communication entre les différents membres. En effet, dans cette phase de pré-négociations (l’UE en est encore au stade de « scoping exercice » -étude d’impact et de disposition aux accords des pays ciblés-), c’est bien la communication et la transparence à travers l’information qui sont clés, afin de donner aux sociétés civiles la possibilité et les moyens de faire valoir leurs droits.

Au niveau du groupe de travail, un enjeu important sera la construction d’un réseau solide et significatif, afin de donner plus de poids aux initiatives. Un atelier sur la thématique des DCFTAs est en train de se planifier les 10 et 11 septembre au Caire, notamment par le réseau ANND ( 3)(Arab Ngo Network for Development), et d’autres initiatives sont également en construction.

 

Somme toute, nous nous trouvons aux prémices de la construction d’un mouvement, ou de mouvements, d’opposition et de lutte et le double enjeu d’information et de coopération apparaît comme fondamental pour peser contre des processus politiques opaques et clos.

 

 

(1) Voir Presse du Parlement européen (retour au texte)

(2) Voir site du CNCD (retour au texte)

(3) Voir site de l’ANND (retour au texte)