Marrakech

 

Partie 4 jours à Marrakech mi décembre, j’ai pu rencontrer deux acteurs culturels installés dans cette ville aux enjeux d’image fort pour le tourisme.

Le 18 Derb el Ferrane – dans la médina de Marrakech
18 derb el Ferrane

Le 18 derb el Ferrane

J’avais rendez-vous avec Hicham Bouzid, programmateur du 18 Derb el Ferrane, et Sido Lansari, jeune artiste tangérois ami du 18, à Riad Laarouss, un quartier de l’ancienne médina de Marrakech. Ici, les commerces se font moins nombreux, plus typiques, les touristes moins présents, et les taxis plus calmes. Les rues ne sont plus seulement habitées par les maisons d’hôtes, et les restaurants plus populaires regorgent de sandwichs à quelques dirhams. C’est d’ailleurs dans l’un d’eux que j’ai retrouvé les deux jeunes artistes, qui sont des acteurs influents du secteur culturel au Maroc (Hicham Bouzid est également coordinateur du festival Nuits Sonores Tanger, et Sido Lansari est chargé de communication à la Cinémathèque de Tanger).

A sa création en 2013, le 18 Derb el Ferrane était multidisciplinaire, puis il s’est recentré sur l’art contemporain, la vidéo (documentaire en particulier) et la littérature. Aujourd’hui, le 18 veut soutenir les artistes émergents en les accompagnant dans leurs recherches, notamment en mettant à leur disposition une résidence, ainsi que la diffusion de leurs projets (expositions, rencontres etc.). C’est notamment dans ce cadre que Sido Lansari a exposé sa série de broderies Dar Croum qui interroge sur l’héritage du dialecte marocain. D’autre part, il veut permettre l’échange entre les artistes de Marrakech et les artistes internationaux.

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Le 18 derb el Ferrane

Situé dans un quartier populaire où cohabitent artisans, touristes et commerçants, l’art contemporain n’est pas forcément la priorité des habitants. Dans cette perspective, le 18 souhaiterait développer des actions au plus proche des habitants du quartier pour sensibiliser à l’art contemporain. Malgré cette volonté, Hicham se désole de la problématique à laquelle se heurte le lieu, qui est partagée par les lieux culturels marocains comme français : le manque et la difficulté à trouver des financements.

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Dar al ma’mûn – à 15 km de Marrakech
Copyright © 2011 Dar Al ma’mûn et les artistes, tous droits réservés.

Copyright © 2011 Dar Al ma’mûn et les artistes, tous droits réservés.

Dar al ma’mûn étant un centre d’art situé à quelques kilomètres de Marrakech en zone rurale. Je n’ai pu aller voir le lieu, mais j’ai pu rencontrer la jeune administratrice fraîchement embauchée, Wafaa Mali.

Dar al ma’mûn est spécialisé dans la littérature, en particulier la traduction, et les arts visuels. Le centre offre des résidences pour les artistes, les écrivains et les chercheurs, une bibliothèque multilingue spécialisée dans les sciences sociales, et plusieurs programmes de recherche en traduction littéraire. Il dispense également des activités pédagogiques alternatives aux réseaux éducatifs traditionnels (programme d’alphabétisation, soutien scolaire…) et propose des outils d’éducation populaire et éducation artistique (interventions des artistes en résidence avec les enfants…)

Existant depuis 5 ans, Dar al ma’mûn a un modèle de financement innovant fonctionnant sur le mécénat, qui trouve finalement ses avantages dans un contexte où les subventions publiques sont presque inexistantes[1], et où les sources de financement privées sont de plus en plus restreintes. Le principal mécène du centre culturel est l’Hôtel Fellah, établissement 5 étoiles, qui finance le fonctionnement de l’association (les salaires, la vie quotidienne et une partie de la résidence) et lui accorde des locaux.

Copyright © 2011 Dar Al ma’mûn et les artistes, tous droits réservés.

Copyright © 2011 Dar Al ma’mûn et les artistes, tous droits réservés.

Wafaa me parle avec beaucoup d’intérêt et d’énergie de ce projet qu’elle est encore en train de découvrir. La discussion dérive sur le secteur culturel au Maroc, ses problématiques, mais aussi sur la société marocaine qui est jugée par ses citoyens comme schizophrène, hypocrite, pleine d’a priori, conservatrice dans les milieux ruraux… L’arrivée d’établissements touristiques et culturels perturbe et modifie ainsi l’environnement des villages alentours, et les met en contact avec d’autres mondes différents économiquement et socialement. En résulte une tension, compréhensible, qui est justement l’un des enjeux du travail de Dar al-Ma’mûn : comment créer un pont entre ces mondes, dans le cadre d’une relation éthique avec les voisins ? Cette relation est toujours à construire et reconstruire. Retenons que le parcours de l’association est jalonné de nombreux succès : les projets par exemple, comme les actions éducatives (qui ont touché, sur la saison 2014-2015, 300 personnes par semaine), mais également le fait que des jeunes du Douar se sentent à l’aise de venir travailler dans une bibliothèque qui est située au milieu d’un hôtel de luxe…

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Deux lieux complémentaires :

Le hasard faisant bien les choses, j’ai appris au cours des rencontres avec Wafaa de Dar al ma’mûn et Hicham du 18, que les deux lieux travaillaient ensemble sur plusieurs projets. Dar al ma’mûn est peu accessible en transports en commun ou taxi, mais est l’un des seuls lieux spécialisés sur la littérature à Marrakech. Ainsi, il profite de la centralité du 18 Derb el Ferrane pour garder un pied dans Marrakech. Cela leur permet de coupler leurs actions, de toucher un public plus large, et de faire connaître les deux lieux via leurs réseaux respectifs.

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[1] « Sur les dix dernières années, le budget du ministère de la Culture a varié entre 0,16 et 0,28% du budget de l’Etat » – Nabil Bayahya, Politiques culturelles à l’âge du numérique, l’exemple du Maroc, Descartes & Cie.

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A suivre : Alfenzine, projet de Ksar pour soutenir le développement d’un village du sud du Maroc

Liens :

Site internet du 18 derb el Ferrane
Facebook du 18 derb el Ferrane 
Site internet de Dar al-mâ’mun
Facebook de Dar al-mâ’mun