Le 25 décembre dernier, je me réveille l’esprit léger. Rentré en France pour les fêtes, je passe enfin un peu de temps avec ma famille. J’essaie tant bien que mal de me détacher de mon militantisme très prenant. Ces derniers jours, j’ai un peu moins suivi l’actualité de la frontière Sud. Je n’ai pas bouquiné « migrants ». J’ai lu autre chose et parlé d’autre chose.

Mais ce matin-là, le téléphone qui vibre dans ma poche sonne le glas de mon éphémère tranquillité d’esprit. Une notification Twitter vient tristement me rappeler pourquoi j’ai choisi de m’engager contre les politiques migratoires européennes. Une série de tweets de militants locaux et de journalistes m’apprend que plusieurs personnes en migration sont mortes noyées au cours d’une tentative de franchissement de la frontière de Ceuta.

Soudain, la fête prend un goût un peu amer. La coupe de champagne et la fine gastronomie dans mon assiette n’auront plus exactement le même attrait que la veille. Je suis envahi d’un sentiment de confusion. Devrais-je être là à festoyer alors qu’en 2016 comme en 2015, des personnes perdront la vie pour le simple fait d’avoir tenté de franchir une frontière ?

La nouvelle année n’a malheureusement pas amené de meilleures nouvelles.

Le 4 janvier, un autre groupe de personnes en migration a tenté de franchir la barrière de Ceuta. Cette fois-ci, presque personne n’a réussi à entrer. Et une fois encore, plusieurs personnes sont mortes et toutes celles qui avaient pénétré en Espagne ont été illégalement refoulées vers le Maroc. Toutes les personnes présentes ont été arrêtés et déportés par les autorités marocaines vers Tiznit au sud du Royaume.

Pendant ce temps-là, l’Espagne soutient en toute mauvaise foi devant la Cour européenne des droits de l’homme que les refoulements à chaud à la frontière de Melilla sont légaux puisque les personnes d’Afrique subsaharienne, ciblées par ces refoulements, peuvent demander l’asile auprès du bureau d’asile à la frontière. Elles n’ont donc pas à sauter la barrière. Sauf qu’aucune personne d’Afrique subsaharienne n’a réussi à s’approcher du bureau depuis son inauguration en mars dernier, car avant de l’atteindre, il faut que les autorités marocaines autorisent le passage, ce qui n’arrive jamais pour les personnes noires de peau.

Pendant ce temps-là, l’armée espagnole décore le colonel Ambrosio Martín Villaseñor de la Guardia Civil de Melilla. Peu importe que ce dernier soit responsable de refoulements à chaud illégaux et qu’il ait récemment échappé à une condamnation en justice pour ces pratiques contraires au droit européen et international…

Pendant ce temps-là, la nouvelle présidence néerlandaise de l’UE initie ses six mois de mandat en annonçant comme priorité fondamentale de l’Union la réduction des « flux » de migrants en direction de l’Europe.

Pendant ce temps-là, les Etats membres de l’UE restaurent tour à tour les contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen. Le Danemark et la Suède tout dernièrement.

Pendant ce temps-là, le Liban refoule des Syriens vers la mort tandis que la Turquie impose des nouvelles restrictions de visas pour les ressortissants de Syrie. Mais l’Europe, qui fait pression sur la Turquie depuis un bon moment pour qu’elle freine les arrivées de personnes en migration, n’y est sans doute pour rien…

Pendant ce temps-là, on annonce les premiers naufrages à la frontière turco-grecque de l’année. Et tout recommence comme l’an dernier…