Le nouvel an est souvent l’occasion de parler à des personnes « amies » sur les réseaux sociaux, à qui l’on ne parle quasiment jamais. Echange de voeux, prise de nouvelles, découverte de ce que font désormais ces vieux amis, du lycée, d’une autre époque, d’un moment où nous étions tous plus ou moins différents.

Et puis là, ça peut être violent. Découvrir que l’on a vraiment, beaucoup, énormément, changer l’un et l’autre. Grandit dans des direction, idéaux opposés.

Jusqu’à il y a quelques mois, j’étais plutôt septique des personnes qui se disaient « anti-fa ». Trop cliché, Trop phénomène de mode. Pour moi, pas besoin de se revendiquer de quelque chose pour être contre le fascisme et le racisme. Cela ne se combattait pas essentiellement en le disant, par des manif, des étiquettes ou des slogans, mais au quotidien. Je me sentais de leur côté de la différence mais pas forcement comme partie du groupe « antifa ». Toujours l’impression que ça manquait de contre-argument productifs pour déconstruire ces idées à gerber. L’impression aussi que les propos des fachos nous étaient grossis, exagérés, pour bien marquer notre différence de penser. Que les propos fachos étaient en quelque sorte des clichés. Que de vrais gens ne pouvaient pas dire vraiment ces choses, ouvertement, et se battre pour ces idées.

Et puis, j’ai rencontré des gens qui m’ont montré ce racisme et facisme citoyens.

Et puis, premier jour de l’année 2016, j’ai parlé à cet ancien pote de lycée. Il est gendarme. Soit, ce n’est pas ça le problème. Il travaille à Eurotunnel. Soit, ce n’est pas un problème en soit. Discuter avec lui, en avoir son ressenti, connaître sa version de cette situation , absurde, les ordres et consignes qu’il reçoit peut même être intéressant. Peut-être même que ça pourrait permettre d’avoir accès à des infos, des principes, des fonctionnements de notre gendarmerie nationale. Mais il est devenu raciste. Et facho. C’est ça le problème. Les propos si clichés  que l’on retrouve sur les pages facebook de ces groupes identitaires et racistes qui fleurissent sur la toile, sont ceux qu’il me dit.

Est-ce qu’il est profondément raciste?  Est-ce que c’est ce qu’on lui a dit et expliqué de la situation qui fait qu’il défend ses idées? Est-ce que c’est son travail, sa mission complètement absurde qui fait que son métier n’a plus de sens et qui le rend fou, et qui lui fait penser légitime de « se défouler sur les migrants » parce qu' »ils les caillaissent et volent nos camions »?

Les gens racistes et qui n’en ont pas honte existent donc vraiment. Mon idéalisme de petite fille vole petit à petit en éclat.

Je suis donc anti-fasciste et anti-raciste comme toujours, mais maintenant, cela fait partie d’une identité que je revendiquerai. Est-ce que j’irai manifester? Je ne sais pas encore. Mais j’ai accepté d’aller en discuter autour d’un café, de vive voix avec lui. Pour comprendre cette personne qui fut un ami, pour entendre la réalité du métier de gendarme à Calais, mais aussi pour mieux connaître mon ennemi que sont les personnes fachos et racistes. Je veux croire qu’il existe une raison tangible à ses idées et que ce n’est pas immuable. Il ne s’agit pas de « l’éduquer » mais d’échanger et peut-être au moins de susciter chez lui un certain questionnement sur l’origine de cette violence qui n’est pas dans l’ADN des migrants, mais dans cette frontière.