La culture est censée aussi être un vecteur de rencontre et d’aller vers l’Autre. Un pont entre les gens.

Le passage de l’exposition Moving Beyond Borders à la Bibliothèque universitaire de Calais en fut un.

Grâce à la venue d’une chercheuse et d’un militant Calaisien, de futurs travailleurs sociaux et citoyens ont pu réfléchir ensemble à la « securisation de l’immigration » et ses conséquences.

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Carrom, billard Indien

Grâce au Collectif Asile, nous avons pu organiser une belle journée d’échanges et de connaissance entre diverses personnes qui auraient pu ne jamais se rencontrer. Ce mercredi là, la BULCO est devenue un terrain de jeux!

Il y a quelques mois, des jeunes mineurs isolés étrangers ont construits avec un menuisier, des jeux de société de leurs pays d’origines, en bois. Ils ont acceptés de venir les présenter à la Bulco.

Ce même jour, des éducateurs spécialisés ont voulu emmener des personnes en situation de handicaps découvrir, à la fois une exposition, des jeux et des personnes.

Des familles qui avaient des aprioris sur les personnes en migrations se sont jointes à ce moment. Elles ont découvert des jeunes, comme eux ou leurs enfants.

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Awalé, jeux de stratégie ivoirien.

Malgré la langue, la timidité, la peur, les regards, ces personnes ont pu rire, gagner ou perdre, ensemble. La rencontre de ces deux mondes, bien trop souvent assignés à des lieux et des possibilités qu’on leur dit infranchissables, a pu se faire grâce à tous pleins de personnes motivées.

 

Et puis, grâce à des professeurs super disponibles, des collégiens et lycéens sont aussi venus. Certains ont été traîné.e.s, forcé.e.s par leurs profs. N’empêche que l’on s’est assis et on a pu discuter.

Ils nous apprennent que la pire insulte de la cour de récré de nos jours est  » sale migrant ». Il nous parlent de cette vidéo qui a tournée il y a quelques mois où l’on y voit une personnes migrantes qui refuse un plat qu’on lui sert. Ils connaissent tous quelqu’uns qui a été victimes de personnes migrantes. Ce quelqu’un semble être TF1. Ils nous disent que la France leur donne une prime de Noel ( avec un panier repas composé de foie gras et champagne?). Ils nous assurent qu’ils ont une maison, chauffée, pour chacun d’entre eux. C’est la journaliste qui l’a dit et y avait même des images des contenaires qui arrivent. Ils se demandent surtout pourquoi ils ne prennent pas le bateau ou l’avion comme tout le monde pour aller en Angleterre!!

Ne pas se brusquer, s’offusquer, les juger. Creuser. C’est le but de ce moment.

En fait, beaucoup ne savent pas pourquoi tous ces migrants sont ici. Leur expliquer donc.

Leur expliquer la difficulté ( voir l’impossibilité) d’obtenir un visa et donc de venir légalement en France ou en Europe. Pas besoin d’expliquer la guerre en Syrie ou ailleurs, ils savent ce que c’est la guerre, en voient des images. Et puis, il faut sortir de cette dichotomie « réfugiés » versus « migrants »; et de la défense la plus « facile », car sentimentale, de la migration forcée : la dictature, c’est quoi? C’est comment en Érythrée ou ailleurs? L’absence d’un futur inimaginable, ça veut dire quoi? Qu’il n’y ait pas d’écoles, pas d’universités, pas de travail, dit comme ça, ça a l’air chouette! Mais alors, on fait quoi toute la journée? Et toute la vie? On mange quoi? On vit où?  Et puis, ça veut aussi dire, pas d’internet, pas de tv, pas de supermarchés! Et là, ça leur semble plus dur. Et surtout, pas de possibilité de changer ça sans risquer sa vie.

Expliquer l’asile. Ce que ça veut dire.

Aller chercher le gros atlas de la Bibliothèque pour voir où est la Syrie, l’Érythrée, le Darfour. Les mesurer pour voir comme ces pays sont grands et ce que les traverser représente. Traverser le Soudan c’est comme faire deux fois Calais-Marseille. A vue de nez… Ils ont fait tous ça à pieds? Oui. Ou en bus, taxi, train. Avec des retours forcés à l’étape précédente. Comme la carte de l’exposition qui explique le parcours d’Ahmad.

Et puis finalement, essayer d’expliquer la fameuse transversalité des luttes… Il ne s’agit pas de défendre les migrants au mépris des calaisiens, des français, de « nos » SDF comme certains disent, des chômeurs ou des gens qui galèrent tout simplement, leurs parents, leurs frères et soeurs. Mais plutôt voir que les politiques choisissent où ils mettent l’argent, l’aide, les moyens, les intérêts de qui sont préserver et pourquoi. Mettre les mots sur les injustices, les incohérences de nos sociétés. Un élève fera même le parallèle avec les hôpitaux et leur manque de médecins comme choix politique!

« Moving Beyond Borders » aura donc pu provoquer tout ça : la rencontre, la curiosité, susciter le questionnement, le doute sur tout ce qu’on nous raconte.

Découverte par enfant de l'exposition Moving Beyond Borders, Migreurop