Mesures exceptionnelles : break démocratique ?

Les attentats qui ont eu lieu à Paris le 13 novembre 2015 ont fait de nombreuses victimes. Il s’agit d’événements d’une extrême gravité et des mesures de sécurité face à de tels actes doivent être prises, cela se comprend. Mais la direction que prend l’Etat français peut être largement questionnée.

Après les attentats, l’État d’Urgence a été mis en place pour 12 jours. Suite à cela, le Parlement français a appuyé le gouvernement et prorogé l’État d’Urgence pour trois mois. Sur 558 députés qui ont pris part au vote, seuls six ont voté contre et un s’est abstenu. Le gouvernement interdit également tout rassemblement – pour le moment jusqu’au 30 novembre, plausiblement renouvelé – de plus de deux personnes portant des revendications politiques, ce qui réduit franchement le champ d’action ! La France a également informé le Conseil de l’Europe qu’elle prendrait des mesures qui peuvent nécessiter une dérogation à certains droits, garantis par la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Cette politique aura de nombreuses répercussions sur les mobilisations.

Le gouvernement a décidé d’interdire – arbitrairement – les marches prévues dans de nombreuses villes de France le 29 novembre et les actions prévues le 12 décembre (pour la fin de la COP), dénonçant un accord que l’on ne prévoit pas à la hauteur. Cette décision, facilitée par l’État d’Urgence, met en danger nos libertés de manifestation et d’expression. Opportunisme malsain et bien malvenu !

À la veille de la COP 21, plusieurs militants se sont vus perquisitionnés ou assignés à résidence. Les assignations à résidence, dont est notamment victime un membre de l’équipe juridique de la Coalition Climat 21, valent jusqu’à la fin de la COP 21. Les mobilisations sont interdites, l’organisation de nombreux événements alternatifs à la COP 21 est questionnée.

Le 29 novembre, journée mondiale de marche pour le climat, a réuni plus de 570 000 personnes dans plus de 2000 endroits autour du monde. Avec l’interdiction de la marche, les villes de Paris, Marseille ou Bruxelles ont choisi l’alternative des chaines humaines qui ont été rejointes par de nombreux citoyens. Dans la capitale française, certains se sont regroupés sur la place de la République pour dénoncer l’interdiction de manifester pour le climat et pouvoir s’exprimer, mais se heurtent à un barrage policier. Des affrontements commencent, les CRS ont chargé et gazé tous les manifestants, avant d’encercler un groupe de 150 personnes – cortège pacifique – et de les détenir pendant plusieurs heures. La COP 21 a commencé, la mise en place des « mesures exceptionnelles » aussi. Bilan de la journée : 289 interpellations et 174 gardes à vue.

Face à cela, les événements tels que « Solutions COP 21 » qui se tiendra au Grand Palais, permettant aux plus grands pollueurs de greenwasher leur image et d’atteindre les politiciens, en promouvant des – fausses – solutions plus délirantes les unes que les autres (marché de carbone, agrocarburant, OGM, etc.) dont le seul but est de continuer leur course du profit, ne sont pas du tout inquiétés.

Désobéissance civile : « Désobéir, pas pour le plaisir, mais pour mieux agir »

De nombreuses actions ont été préparées, sur lesquelles je reviendrai quand elles auront eu lieu. La politique actuelle mène à des appels à la désobéissance : c’est le cas de plusieurs rassemblements qui se sont déroulés aujourd’hui, dimanche 29 novembre et qui se succèderont tout au long de la COP dans différentes villes, en rappelant l’urgence climatique et la nécessité d’agir face à la COP 21, sponsorisée par les plus grands pollueurs et dont l’accord promet d’être largement insuffisant.

Alors, désobéir oui, mais à quel prix ? Les risques pour les activistes du climat se voient démultipliés, et en observant la politique actuelle du gouvernement, on a tendance à croire à une mise en application plus sévère qu’en temps normal. Pour n’en citer que quelques exemples, les gardes à vue qui durent habituellement au maximum 48 heures, peuvent aller avec l’État d’Urgence jusqu’à 144 heures ; braver l’interdiction de rassemblement peut valoir jusqu’à 6 mois de prison et des poursuites pour mise en danger de la police. Et évidemment, dans le contexte actuel, les violences policières peuvent être plus courantes.

Cette politique obtiendra peut-être en partie ce qu’elle cherche : inciter à réduire les mobilisations, notamment celles considérées comme plus « radicales ». Cependant, de nombreux militants, tout en adaptant leurs actions à ces nouveaux risques, sont d’autant plus motivés pour passer à l’action, dénonçant à la fois toutes ces injustices et la nécessité d’action immédiate face à la mascarade de la COP 21 ! Le slogan scandé aujourd’hui dans les rues de Bruxelles le résume bien: « Le seul État d’urgence, c’est le climat ».