La Guardia Civil à la frontière sud de l’Europe ou le bal de l’impunité
Dans l’indécent rayon « impunité de la gestion des flux migratoires à la frontière sud de l’Europe »…
Hier, 15 octobre 2015, le tribunal d’instruction numéro 6 de Ceuta a classé l’affaire dite de Tarajal.
C’était le 6 février 2014 : des personnes, parties des côtes marocaines, tentèrent d’accéder à la nage au confetti espagnol.
Alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques dizaines de mètres de la plage du Tarajal, tout près du poste-frontière séparant les deux pays, les deux continents, la Guardia Civil utilisa du matériel anti-émeute – fumigènes et balles en caoutchouc – pour les en empêcher. Quinze corps furent retrouvés, d’autres, à jamais disparurent.
C’est contre l’impunité des agissements des autorités espagnoles au nom de la lutte contre l’immigration dite clandestine et en mémoire de ces morts que des associations et collectifs militants appelèrent à marcher, un an plus tard à Ceuta :
Migrant-e-s bloqué-e-s à Ceuta et militant-e-s manifestèrent ensemble, dans les rues fliquées de l’enclave, jusqu’à la plage où furent ôtées les vies. Une plaque fut apposée, en hommage à ces hommes qui, « venus chercher une vie meilleure, ne trouvèrent que la mort ».
Ces évènements, loin d’être seulement tragiques, sont résolument politiques en ce qu’ils ne sont qu’une illustration parmi malheureusement tant d’autres des conséquences des politiques migratoires de l’Union européenne élaborées et appliquées pour protéger ses frontières, à tout prix.
Pour plus de détails sur les faits du 6 février 2014, voir le dossier réalisé par le journal El Diario : « Las muertes de Ceuta » (en espagnol), réalisé à l’occasion de cette première commémoration.
Le 16 octobre 2015, la juge relaxe donc les 16 gardes civils qui avaient été mis en examen pour la mort de ces quinze personnes. L’ordonnance exclue la valeur des images produites lors des évènements tragiques et souligne la responsabilité des victimes (!!!) :
Les migrants ont assumé le risque d’entrer illégalement dans le territoire espagnol par la mer, à la nage, faisant de plus abstraction des agissements dissuasifs tant des forces marocaines que de la Guardia Civil.
En aucun cas le droit à migrer implique d’assumer le fait que l’on peut mourir pendant son parcours ou à la frontière. Ce qui s’est passé n’est pas un accident et il est nécessaire de faire lumière, de trouver les responsables et de garantir que ça ne se reproduise plus. Comme nous le dénonçons depuis longtemps, les droits humains doivent être respectés aux frontières. L’impunité ne peut plus continuer.
L’accusation populaire – constituée par six familles de jeunes morts le 6 février 2014 – va faire appel de cette décision judiciaire devant l’Audiencia Provincial.
Voir les réactions des familles des défunts et de la militante Helena Maleno du collectif Caminando Fronteras particulièrement impliquée dans la dénonciation de ces faits : El Diario, « Les familles des victimes des morts de Ceuta sont restées sans voix à la lecture de la décision rendue »)
Cette affaire montre encore une fois l’impunité totale dont jouit la Guardia Civil pour « protéger » la frontière sud de l’Union européenne.
Le schéma réalisé ci-dessous illustre bien cette constante :
Pour obtenir le pdf :
OÙ EST LA JUSTICE?
Il semble très clair que la justice espagnole – et derrière le gouvernement espagnol – protège la Guardia Civil malgré ses multiples violations de lois nationales, comme internationales et son rôle prépondérant dans l’atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes candidat-e-s à l’immigration vers l’Europe.
C’est pourquoi il est risible – humour noir – de lire ces lignes de déclaration du ministre de l’Intérieur Jorge Fernandez Diaz au moment où il apprend le verdict de la juge qui classe l’affaire et relaxe les 16 agents de la Guardia Civil de Ceuta :
Je ne peux rien dire d’autre que, avec le respect absolu que j’ai pour l’indépendance du pouvoir judiciaire, je me réjouis profondément.(No puedo decir otra cosa sino que, desde el respeto más absoluto a la independencia del poder judicial, me alegro profundamente)
Bien sûr, le ministre de l’Intérieur se réjouit profondément!
C’est que ces pions exécutants des politiques migratoires à la frontière sud de l’Union européenne que sont les agents de la Guardia Civil sont trop importants car extrêmement pratiques pour externaliser la responsabilité qui est dégagée des pratiques scandaleuses de « protection » des frontières de la forteresse Europe, entre refoulements à chaud et brutalité mortifère.
Tout comme le sont les pions qu’incarnent les forces auxiliaires marocaines, de l’autre coté de la frontière et dont les agissements illégaux à l’encontre des personnes espérant franchir les barrières de Ceuta ou Melilla sont connus mais restent dans une impunité tout autant horrifiante.
LE BAL DE L’IMPUNITÉ CONTINUE.
Des personnes continuent d’être tuées à la frontière sud, au non de la défense des frontières de l’Union européenne.
Mobilisons-nous, PLUS FORT.
Articles sur le sujet :
El Diario, La jueza archiva el caso del Tarajal y carga sobre los inmigrantes la responsabilidad de su muerte
El Diario, Siete actuaciones de la Guardia Civil en las muertes de Ceuta que la jueza no considera delito
El Pais, El juez archiva la causa de la muerte de 15 inmigrantes en El Tarajal
El Faro, El ministro de Interior se alegra « profundamente » del archivo del caso del Tarajal
Andalucia Acoge : Andalucia Acoge lamenta el archivo de la causa de las 15 muertes del Tarajal
Asociación Pro Derechos Humanos de Andalucía (APDHA) : El caso Tarajal archivado : el derecho a migrar no implica asumir poder morir
El Diario, « Las familias de las victimas de las muertes de Ceuta se han quedado sin palabras al leer el auto »
Al Huffington Post, Mort de 15 migrants au large de Sebta : Affaire classée par la justice espagnole faute de preuves
El Diario, La acusacion popular recurre el carpetazo a las muertes del Tarajal ante el juzgado de Ceuta