En mars 2014, un conflit armé explose en Ukraine, opposant les forces séparatistes de la région du Donbass à l’armée nationale. Pour venir en aide aux plus de 1,5 million de déplacés internes, la société civile se mobilise, par le biais notamment de nombreuses associations. C’est avec l’une d’entre elles, Vostok-SOS, que l’Assemblée européenne des citoyens souhaite construire un nouveau partenariat.

Les origines du conflit armé

 

maidanMaïdan à Kiev, début mars 2014

En novembre 2013, après des mois de négociations, le président ukrainien Viktor Ianoukovytch refuse finalement de signer l’Accord d’association avec l’Union européenne. Cet accord s’inscrit dans la politique de « Partenariat oriental » mis en œuvre par l’UE avec six États post-soviétiques. Il vise un rapprochement législatif et commercial avec l’Union européenne et, à terme, une éventuelle adhésion à l’Union.

Les Ukrainiens pro-européens soupçonnent alors leur Président de céder à la pression russe et perçoivent la non-signature de l’Accord comme un nouvel échec à s’émanciper du géant voisin. Pour la Russie, l’Ukraine est un « petit frère », berceau d’une partie de leur culture, mais également zone tampon vis-à-vis de l’Europe de l’Ouest.

Comme en 2004 pour la révolution orange, la population se rassemble sur la place de l’Indépendance (Maïdan) à Kiev pour manifester son mécontentement. Les manifestants installent des tentes sur la place, créant la surprise chez les dirigeants, qui ne s’attendaient pas à une réaction d’une telle ampleur. Ce mouvement, né de l’impulsion d’une population plutôt jeune et ouverte sur le monde, est bientôt rejoint par des groupes d’extrême-droite nationalistes et paramilitaires comme « Secteur droit ». C’est en partie leur présence qui explique le glissement vers la violence et les affrontements avec la police en février 2014, menant à des dizaines de victimes. Leur implication dans le mouvement pourrait cependant également expliquer sa persistance tout au long de l’hiver.

En février 2014, les affrontements violents se soldent par la destitution de Ianoukovytch et de son gouvernement, aussitôt remplacés par une équipe pro-européenne à la tête de laquelle se place l’oligarque du chocolat Petro Porochenko.

Les populations de Crimée et du Donbass, région de l’Est de l’Ukraine de laquelle est originaire Ianoukovytch, ne se retrouvent pas dans ce nouveau gouvernement. Elles n’ont pas participé aux révoltes et sont historiquement plutôt tournées vers la Russie. Le fossé Est/Ouest s’exacerbe alors et des manifestations commencent à Sébastopol, base maritime militaire russe en Crimée. Tout va très vite, des forces militaires (soupçonnées d’être envoyées par la Russie) prennent le contrôle de la Crimée et en mars 2014 un référendum pour le rattachement de la péninsule à la Russie est approuvé par la population, sans réaction militaire de Kiev. Les régions de l’Est connaissent elles une destinée plus violente, les groupes armés séparatistes s’emparent des bâtiments administratifs, l’armée ukrainienne intervient mais ne parvient pas à s’imposer. Les régions de Donetsk et Louhansk s’autoproclament Républiques autonomes.

Les populations sont prises au piège de ce conflit, elles subissent la violence quotidienne et la pénurie des biens de consommations courant et de première nécessité. Beaucoup choisissent de fuir et de se réfugier dans les régions de l’Est épargnées par le conflit ou « libérées » par l’armée ukrainienne, mais aussi à Kiev par exemple. Il y aurait de 1,4 à 2 millions de déplacés internes (sur 45 millions d’habitants) selon les sources. Ces populations constituent le plus souvent les franges les plus vulnérables, les plus âgées ou les plus pauvres du pays.

Face à ce phénomène d’urgence d’humanitaire, les citoyens se mobilisent, à titre individuel ou au sein d’associations qui se forment ou se transforment pour se consacrer à l’aide aux déplacés.

Vostok-SOS, une association d’aide aux déplacés et de lutte pour la reconnaissance de leurs droits

 

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Vostok SOS (« Восток » signifie « Est ») est une de ces organisations. Elle s’est créée en avril 2014 à partir du regroupement d’associations de Crimée et de l’Est de l’Ukraine, ayant elles-mêmes dû quitter leurs régions d’origine.

Vostok SOS est désormais basée à Kiev, où ont été mis en place différentes sections chargées de fournir différents types d’aide aux nouveaux arrivants, alliant aide humanitaire, défense et protection des droits des déplacés. Elle fournit ainsi des biens de première nécessité aux déplacés à Kiev et dans les régions sinistrées de l’Est. Elle travaille avec les autorités, auprès desquelles elle lutte pour la reconnaissance des droits des déplacés et l’inscription de ces droits dans la loi.

Elle a également mis en place un portail d’informations sur la situation dans les zones de conflit, ainsi qu’un numéro d’appel. Ce travail de suivi et de vaste recueil d’information l’a conduit à répondre aux demandes des personnes en recherche de leurs proches disparus ou prisonniers civils. Avec tous les éléments que ce travail d’investigation lui permet de réunir, Vostok se charge parfois de monter des dossiers individuels sur la violation des droits de l’homme à destination de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

L’association est devenue une référence nationale, les déplacés ou les personnes demandant de l’aide sont régulièrement orientées vers l’association. Même les forces séparatistes, démunies face à leurs nouvelles responsabilités en tant qu’autorité locale et face aux besoins de la population, donnent le numéro de téléphone de Vostok-SOS.

Des associations au cœur d’un possible processus de réconciliation nationale

La mobilisation en masse de bénévoles qui consacrent tout ou partie de leur temps à l’aide des populations qui souffrent de la guerre a créé la surprise à l’étranger. Ces bénévoles sont parfois des personnes luttant depuis longtemps, comme les militants pour les droits de l’homme, mais également des artistes ou des personnes se mobilisant ponctuellement. Les organisations de bénévoles sont très nombreuses et sont majoritairement de petites initiatives d’une dizaine de personnes. Par leur action dans des pans multiples de la société (aide psychologique, soutien aux enfants…), elles ont formé une structure parallèle à l’État et se sont substituées à son rôle d’aide et d’assistance aux victimes.

Elles ont désormais un poids considérable, bénéficient d’une opinion très positive et de la confiance de la population, aux yeux de laquelle elles représentent une voie nouvelle, exempte des soupçons de corruption qui caractérisent souvent les relations du peuple à ses dirigeants. Ces organisations pourraient de plus être des acteurs incontournables pour la vie politique à venir de l’Ukraine. Leur action au niveau des déplacés internes originaires des régions de l’Est pourraient fonder un processus de réconciliation indispensable au retour durable de la paix et à la sécurité humaine.

 

L’Ukraine : extension du réseau de l’Assemblée européenne des citoyens

L’Assemblée européenne des citoyens n’est pas encore présente en Ukraine mais souhaite étendre son réseau à ce pays reconnu par beaucoup comme essentiel pour la paix en Europe.

Un partenariat avec des acteurs sur place permettrait de matérialiser les liens de solidarité avec l’Ukraine et sa société civile et de trouver des appuis porteurs de baisse des tensions. En plus du travail au sein de Восток SOS, il s’agira donc d’identifier les associations qui font la société civile ukrainienne aujourd’hui et pourrait fonder la sécurité humaine de demain.