Depuis une dizaine de jours, les réussites d’entrée à Ceuta – les BOZAS – ont attisé les foudres sécuritaires coté espagnol comme marocain de la frontière terrestre euro-africaine.

Des informations de répression dans les forêts alentours, de rafles et de refoulements vers des villes du sud ont commencé à tourner.

Un groupe aurait même été lâché dans le désert marocain après que les autorités aient tenté de le refouler à la frontière mauritanienne. Les personnes ont marché jusqu’à la ville de Tiznit. Là-bas, la police tente de les contenir dans un périmètre pour les empêcher de partir, notamment pour qu’elles ne regagnent pas le nord du pays.

D’autres villes du sud ont été les territoires de refoulement de groupes de personnes raflées dans les forêts près de Ceuta.

Les témoignages ont relaté beaucoup de violence lors des arrestations. Il y a de nombreux blessés parmi les refoulés.

Ce matin, le 9 octobre, la violence a atteint son paroxysme.

 

À LA FRONTIÈRE HISPANO-MAROCAINE, LE 9 OCTOBRE 2015

Le matin, une patera tente de se rendre à Ceuta, enclave espagnole au nord du Maroc.

Interceptée par un bateau de la marine royale marocaine, deux personnes vont être tabassées par les forces sécuritaires.

Les Marocains font ensuite chavirer l’embarcation.

 

Olivier et Giorgio, un Camerounais et un Congolais, vont y perdre leur vie. Pourquoi?

AU NOM DE LA DÉFENSE DES FRONTIÈRES DE L’UNION EUROPÉENNE

 

La vingtaine de personnes restante qui se trouvait sur l’embarcation est témoin des faits. Beaucoup d’entre elles sont blessées.

Elles seront ramenées au rivage marocain et entassées dans une fourgonnette.

Ces personnes seront enfermées près de douze heures.

Puis, elles seront amenées à la gendarmerie de Fnideq, ville marocaine frontalière de Ceuta.

Actuellement, ces personnes ont peur, peur de disparaitre pour avoir été les témoins de ce meurtre.

 

carte octobre 2015

 

LA COOPÉRATION UE-ESPAGNE-MAROC ASSASSINE.

VOICI LA FACE CACHÉE DE LA « GESTION DES FRONTIÈRES ET DES MIGRATIONS » DONT L’IMPUNITÉ EST ENTRETENUE DEPUIS PLUS DE 10 ANS AUX FRONTIÈRES SUD DE L’UNION EUROPÉENNE.

Il y a dix ans, des personnes étaient tuées par balle à cette même frontière, pour la même raison. C’était à l’automne 2005.

 

Dix années plus tard, le 7 octobre 2015, soit deux jours avant le meurtre d’Olivier et Giorgio à la frontière de Ceuta, des organisations et collectifs de la société civile des deux rives se sont unies pour dénoncer d’une même voix :

 

Dix ans de violences aux frontières sud de l’Union européenne.

L’impunité autour de l’externalisation des politiques de « gestion » des migrations doit cesser.

Dix années après les évènements meurtriers aux frontières de Ceuta et Melilla, en octobre 2005, les organisations de la société civile constatent une impunité des actes de violence commis sur les candidat-e-s à l’immigration vers l’Europe à la frontière nord marocaine, frontière sud de l’Europe.

2005-2015 est une décennie qui, bien que marquée dans les dernières années par des changements politiques prometteurs, a été jalonnée par une violence constante et parfois mortelle, notamment dans les zones transfrontalières.

L’analyse des exactions commises à la frontière Nador-Melilla a mené nos organisations à publier cette déclaration.

Nous, organisations de la société civile issues de la région afro-méditerranéenne et de l’Europe, réunies à Rabat les 1, 2 et 3 Octobre 2015 dans le cadre de l’atelier « Bloquer les migrant·e·s le plus loin possible des frontières européennes ? », demandons à tous les gouvernements concernés, ce qui suit :

  • Le respect des dispositions du droit international, notamment la convention de Genève relative aux réfugiés dont le Maroc et l’Espagne sont signataires. Le respect du principe de non-refoulement des personnes et la cessation de tout acte de violence physique et morale visant les personnes en mobilité transnationale aux frontières de Ceuta et Melilla.

  • Le respect des dispositions légales en cas de reconduite aux frontières, notamment l’arrêt des refoulements des personnes en quête de protection internationale, des arrestations visant les personnes en possession de carte d’immatriculation/de séjour, de documents pouvant prouver la qualité de réfugié ou encore de femmes enceintes et d’enfants. Nous rappelons que la décision fixant le pays de renvoi doit relever du contrôle juridictionnel avec prise en compte de toutes les garanties de procès équitable qui s’en suivent.

  • L’arrêt de l’instrumentalisation de la « lutte contre la traite des êtres humains » pour mener des opérations de répression. Si, à plusieurs reprises, les autorités marocaines ont utilisé cet argument – exemple de la rafle massive du 10 février 2015 à Gourougou – les procédures de détection et de protection de potentielles « victimes de traite » de la part des autorités n’ont jamais été mises en place.

  • Que soit rendu effectif l’accès aux bureaux d’asile aux frontières de Ceuta et Melilla pour toute personne en quête de protection internationale, sans aucune discrimination.

Nous demandons ainsi que les autorités marocaines cessent de bloquer le passage aux personnes originaires d’Afrique subsaharienne, qui peuvent légitimement prétendre à une protection au titre du droit d’asile, et aux réfugiés de Syrie, ou de toute autre région du monde.

Depuis plusieurs mois, des personnes ressortissantes de Syrie et palestiniennes de Syrie sont bloquées à la frontière de Beni Ansar, empêchées d’atteindre Melilla, parfois par la force.

Certaines d’entre elles ont été arrêtées et poursuivies. En septembre à Nador, un réfugié Syrien a été condamné à une peine de prison ferme de deux mois. Ces blocages ont ouvert la porte à un vrai trafic humain où les personnes syriennes et subsahariennes sont contraintes de payer des sommes considérables pour traverser les frontières.

Nous déplorons l’utilisation de ressources techniques et financières abyssales dans la construction de nouvelles barrières et dans la multiplication des actes de violence à l’égard des personnes en mobilité transnationale et/ou potentielles demandeuses d’asile.

Nous demandons de manière urgente, la fin de l’impunité dont jouissent les responsables de ces exactions et de ces politiques migratoires sévissant aux frontières Sud de l’Europe, en particulier aux abords des enclaves de Ceuta et Melilla.

Nous demandons à ce que les textes de loi, actuels ou à venir, concernant l’immigration et l’asile soient respectés et prennent en compte les engagements internationaux du Maroc et les dispositions de la Constitution marocaine de 2011. La précarité notamment légale et en termes de protection des droits subsiste pour certaines catégories d’étrangers au Maroc, et ce malgré la nouvelle politique migratoire.

Premiers signataires de la déclaration :

Abdelkrim Belguendouz, universitaire à Rabat, chercheur en migration / Alianza por la Solidaridad / Alliance contre le Racisme et la Xénophobie nord du Maroc / Association AL KHAIMA / Association Afrique Culture Maroc / Association Afrique Échanges Migrations (AEMC) / Asociación Elín / Association lumière sur l’émigration clandestine au Maghreb (ALECMA) / Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) / Asociación Marroquí de Derechos de los Inmigrantes / Asociación Pro Derechos Humanos de Andalucía (APDHA) / Asociación Pro Derechos de la Infancia (PRODEIN) / Association Rihab Attanmia / Association Sakia Hamra pour l’immigration et le développement / Association Thissaghnasse pour la Culture et le Développement (ASTICUDE) / Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) / Centre euromed migration et développement Pays-Bas (EMCEMO) / Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc (CCSM) / Collectif Loujna Tounkaranké / Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc (CMSM) / EuroMed Droits – Réseau euro-méditerranéen des droits humains / Forum Iffous pour la Démocratie et les Droits de l’Homme / Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants (GADEM) / Institut de Drets Humans de Catalunya / Organisation Marocaine des Droits Humains (OMDH) / Organisation pour les libertés d’information et d’expression (OLIE/HATIM) / Pateras de la vida / Réseau Immigration Développement Démocratie / (IDD) / Réseau Migreurop

 

 

Articles de presse :

El Diario : « Marruecos aumenta las redadas contra subsaharianos tras la entrada de 87 personas en Ceuta »

El Faro: « Marruecos se ‘blinda’ tras el cuarto intento de entrada consecutivo »

Cadena Ser : « Dos muertos y veinte heridos en la frontera con Ceuta »

Ceuta actualidad « Mueren dos inmigrantes tras ser golpeados por la gendarmeria marroqui »

La Vanguardia « ONGs marroquies denuncian impunidad ante actos violentos contra inmigrantes »

Yabiladi « Maroc : Des associations dénoncent l’impunité face aux violences contre les migrants »

Medias 24 « Un ensemble d’associations dénonce l’impunité des violences à l’égard des migrants »