En Europe, le capitalisme financier, fondé sur la recherche du profit et reposant de plus en plus sur des entreprises et des institutions internationales, a bousculé des économies entières. Infiltré dans tous les secteurs de la vie quotidienne de façon très rapide, il a entrainé une aggravation des inégalités économiques et sociales importantes.

Dans ce contexte, les politiques de la ville et de logement se sont modifiées en profondeur, laissant au secteur privé une place de plus en plus grande. Dans un processus de métropolisation, qui met en concurrence les villes entre elles pour attirer des capitaux, et les rendre attractives aux yeux des investisseurs, les projets de rénovations de grande ampleur se sont multipliés au cours de ces quinze dernières années. Au-delà des mutations paysagères urbaines, ce sont les conséquences sociales qui posent un certain nombre de questions de fond. Car, si un certain nombre d’immeubles anciens, abimés ont été détruits et remplacés par des immeubles d’un meilleur standing dans les centres villes et les banlieues, la rénovation à un coût que certains habitants ne peuvent plus assumer. Certaines des conséquences ont été la relégation de populations dans des espaces périphériques et la gentrification des centres villes. Plus largement, c’est la question du droit au logement, et à la ville qui se pose alors que la précarité gagne du terrain et prive de plus en plus de personnes de l’accès à un logement décent, ou la possibilité même d’assurer le paiement conforme des loyers demandés. Certains sont donc tentés d’accepter des logements où les conditions de vie sont de plus en plus dégradées.

C’est dans ce contexte que la coalition européenne pour le droit au logement et à la ville s’est constituée autour de 14 pays qui ont décidé de faire converger leurs mouvements en 2014. Si les contextes nationaux ne sont pas les mêmes, et que chaque pays fait face à des difficultés qui lui sont propres, ces mouvements ont la même volonté de défendre le droit au logement pour tous, de dénoncer les expulsions, la spéculation immobilière et les méthodes du MIPIM (Marché International des Professionnels de l’Immobilier) qui se présente comme le plus grand salon de la propriété du monde. Attirant environ 20 000 investisseurs, développeurs, autorités locales et banques chaque année, cet évènement a été l’occasion à Cannes en 2014 de rassembler autour d’une table les mouvements engagés dans leurs luttes.

Sur ce marché de l’immobilier, des agences privées d’un nouveau type ont fait leur apparition. Implantés aujourd’hui dans 5 pays européens (Pays-Bas, Belgique, Angleterre, Allemagne, France), ces organismes privés, gestionnaires de biens immobiliers ont trouvé une brèche pour profiter de la crise du logement et faire fructifier leur commerce. Sollicités par des propriétaires pour gérer leurs logements inoccupés, ces structures proposent à des individus en recherche d’un logement, d’occuper ponctuellement les propriétés vacantes en contrepartie d’une centaine d’euros et d’une activité -non rémunérée- de gardiennage constante.

C’est dans ce cadre que commencent mes recherches sur les agences anti-squat en partenariat avec l’association française Droit Au Logement qui souhaite en savoir plus sur les pratiques et les conséquences sociales de ces agences, implantées en France depuis 2007, et le Bond Precaire Woonvormen, association néerlandaise d’accueil, membre du réseau, qui fait face depuis les années 90 à leur multiplication.