J – 1
J-1
Demain, 1er Mai 2015 aura lieu l’inauguration de l’Exposition Universelle à Milan intitulée « Nourrir la planète, énergie pour la vie ».
Des milliers d’italiens de toutes régions ainsi que de nombreux internationaux se réuniront dans les rues de la ville pour contester cet évènement et célébrer la fête du travail, les droits humains et dénoncer de manière générale l’austérité des gouvernements européens et internationaux.
En effet, depuis des mois la contestation s’organise entre mouvements sociaux, universitaires, scolaires, et bien d’autres réalités qui veulent souligner les méfaits de cet immense projet, tus par les médias, autrement dit spéculations, esclavage moderne des conditions de travail, mensonges, profits pour une minorité et propositions alternatives factices et scandaleuses au regard des réalités existantes sur notre planète concernant la nutrition des populations.
L’Exposition Universelle de 2015 à Milan n’est pas un évènement. Expo est un modèle de gouvernement, un dispositif d’accélération par lequel le système néolibéral se rénove en exploitant la rhétorique Crise-Opportunité-Croissance ainsi que la logique de l’exception pour atteindre de nouvelles frontières de spéculation, de normalisation et, pour les mouvements sociaux et les populations, de précarité, d’exploitation, de misère et de pauvreté.
Expo sera donc inaugurée le 1er Mai 2015 bien qu’en réalité elle ait déjà bien commencé : les contrats de travail gratuit ou de “volontariat” (mais également ceux payés 1euro par jour) ont déjà portés à l’approbation du JobsAct (qui entend facilités d’actions et de directives mais aussi dégrèvements d’impôts pour les constructeurs et grands propriétaires immobiliers). Cela a aussi facilité le Piano Casa dont les « nécessités » de gentrification ont anticipé l’article 5 de cette loi, honteux, qui refuse la résidence, l’accès à l’eau, au gaz, à l’école et à la santé de base aux occupants par nécessité (autrement dit à qui se retrouve à occuper un logement après avoir perdu son travail ou ne pouvant plus payer son loyer).
Avec des propos tels que « l’école pour l’Expo » et « les universités pour l’Expo 2015 », ils ont aidé la rédaction de la « Buona Scuola »[1] et des nouvelles idées de réforme plus ou moins formalisées dans le monde de l’éducation, qui sanctionnent définitivement la conception des lieux de formation en les transformant en des réservoirs de main d’œuvre déqualifiée et à bas coût pour les entreprises, toujours plus individualistes et vides de toute aspiration culturelle.
Déjà de nombreux pots de vin ont été effectués, beaucoup d’argent (le notre !) a fini dans les poches de la caste politique. Les réelles luttes de la ville de Milan, et plus généralement du pays, résistent déjà en affirmant de manière claire : résistance à Expo à chaque fois que les « no canal »[2] démontent les réseaux d’eau pour retarder les travaux, résistance à Expo à chaque fois que les comité pour de droit au logement et à la ville stoppent une expulsion et résistent aux coups de la guerre déclarée contre les pauvres en construisant des quartiers en lutte ; résistance à Expo à chaque fois qu’au sein des écoles ou des universités les collectifs affirment avec virulence « Moi je ne travaille pas gratis pour Expo » ou « Moi je n’étudie pas pour Expo » ; résistance à Expo à chaque fois que des producteurs et des groupes d’achats solidaires et populaires organisent des marchés « en dehors du marché » ; résistance à Expo à chaque fois que la liberté des corps et l’autodétermination sont posées comme des instances partisanes contre les étiquettes de contrôle et de marchandisation.
Expo sera donc inaugurée le 1er Mai, mais rien ne commence et rien ne finit le 1er Mai !
Les six mois qui suivront seront ceux où le dispositif Expo pourra se déployer, où les ambassadeurs parleront, où les stands luisants des multinationales comme Coca Cola, Nestlé et Monsanto se vanteront de « nourrir la planète », où s’entretiendront la subordination et les logiques de marché.
Les six mois qui arrivent seront ceux où le modèle Expo déploiera ses tentacules sur nos vies futures. Notre vie qui devrait selon ce modèle suivre les mécanismes d’Expo révélant toujours plus clairement l’enrichissement extrême et intolérable du 1% de la population qui construit ses privilèges sur le dos des 99% restants…
Le défi actuel est celui de partir des luttes réelles qui ont combattu chaque facette du « modèle expo », grâce à des expériences de Mutualité et de solidarité active qui pratiquent au quotidien des alternatives possibles et détournent le dispositif néolibéral qui prétend gouverner chaque aspect de nos vies.
A partir de la dénonciation utile et nécessaire « No Expo », qui depuis des années se fait entendre et met en lumière les ravages et les manœuvres louches qui sont derrière ou même constituent cet évènement mondial, tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce modèle devront réussir à exploiter ces six mois comme une occasion supplémentaire pour pouvoir se faire entendre comme ils le font chaque jour.
Autrement dit construire des territoires résistants au néolibéralisme et à ses logiques.
Une proposition ? AlterExpo : six mois d’initiatives, de parcours, de conflits, d’attaques et de constructions d’un autre modèle possible, d’une autre expo possible, d’un autre monde possible, d’un autre mode de vie possible.
Remplacer la bouffonnerie de la « carta Milano » déployée par les institutions qui de plus s’auto couvrent de ridicule… A ce propos rappelons qu’à un jour de l’inauguration où sera présente toute la communauté internationale, les travaux sont loin d’être terminés. Les chantiers sont dans un état scandaleux, les mesures de sécurité n’ont pas été effectuées et, le seront-elles par la suite ? Chaque jour, sur des réseaux contre Expo nous pouvons constater les erreurs honteuses d’Expo, entre panneaux publicitaires à l’envers, mauvaises traductions en anglais, erreurs géographiques graves et consternantes, Expo s’affiche comme une tragique plaisanterie. Enfin, la mort d’ouvriers sur ce chantier esclavagiste a bien sûr été passée sous silence.
Alors, « On peut le faire » : voici la puissance qui est appelée à construire.
De Milan à l’Italie entière et à toute l’Europe, mais aussi en dehors de toute rhétorique, au monde entier, on peut vivre différemment et vivre bien, en récupérant, mètre après mètre, lutte après lutte, chacun des territoires.
Déployer le plus possible la puissance de ceux qui ne sont pas d’accord, en partant de ce qui a déjà été construit au fur et à mesure des années.
Des mouvements de lutte pour le droit à l’Habiter aux collectifs étudiants et universitaires, des réseaux de producteurs, distributeurs, paysans et autres acteurs qui se proposent se « nourrir la planète » véritablement. Mais aussi des acteurs lgbtqi, des communautés et collectivités en lutte contre les dévastations environnementales, contre les grands projets nocifs et nuisibles et aussi les protagonistes cyber résistants.
A partir des parcours qui se construisent et qui s’alimentent, et à partir des vrais acteurs de la ville (étudiants, habitants, etc.) dont nous faisons tous partie, par le soutien, l’accord, le vécu il est proposé de construire ces six mois d’Alter Expo. Il est entendu de construire un calendrier qui s’articule à partir de différents thèmes.
L’objectif est de développer une réelle capacité de prise de parole pendant les six prochains mois, en identifiant dès maintenant les mobilisations et les initiatives qui pourrons être construites à partir des différentes réalités nationales et internationales qui développent des interventions dans différents champs d’action.
A titre d’exemple, il pourra y avoir avoir un mois sur l’Habiter, un mois sur les Savoirs, un mois sur l’Alimentation, un mois sur la Liberté de genre, un mois sur les Communautés Résistantes aux grands projets, un mois sur le Mutualisme et la Solidarité, etc.
Tout cela servira à éviter que l’importante incidence que les mouvements en lutte peuvent avoir ne se réduise pas à quelques heures mais au contraire puisse s’étendre et se déployer au cours des six mois, pour véritablement construire une proposition alternative au modèle Expo. Alternative interrogée depuis longtemps par les mouvements, en partant des luttes et en les positionnant au centre des raisonnements.
Il est bien sur important que les journées autours de l’inauguration de l’Expo voient se multiplier des mobilisations et des initiatives continues et multiples, capables de répondre également durant le MayDay à la provocation inhérente du choix de la date du coup d’envoi d’Expo.
Ces journées seront l’occasion de construire de manière commune et de relancer les propositions, mais c’est surtout pendant les mois qui suivront qu’il sera possible de mesurer la capacité de tenue du discours politique et de son impact réel. C’est sur cela que l’attention est focalisée depuis longtemps.
Und plateforme web (autre que le Verybello.it de Franceschini !) a égalemnt été proposée pour donner de la visibilité à chacune des initiatives culturelle, conflictuelle, politique, artistique, sociétale et de rencontre qui, comme un fil conducteur commun proposera la lutte contre le modèle Expo à Milan, en Italie, en Europe et dans le Monde.
http://www.noexpo.org/english/
L’objectif est de donner à ces six mois la possibilité d’ouverture, et de rencontres mais aussi de permettre la construction d’un imaginaire éthique et politique fort, capable de mobiliser un incroyable nombre de personnes, capable de libérer les populations des diktats néolibéraux pour vivre mieux et pour de vrai.
Une assemblée No Expo s’est créée pour mettre en place la contestation et pour lancer l’appel à la manifestation du 1er Mai sous le slogan: « Let’s make our Expo, d’autres mondes sont possibles ».
Parmi les chœurs adoptés pour la manifestation de demain, « Non à Expo, Non aux spéculations mais Oui au Secours Mutuel et à la réappropriation ». En effet, la volonté des manifestants est celle de construire des territoires résistants et de secours mutuel, c’est pourquoi l’appel lancé propose la construction d’une Expo qui ne soit pas une vitrine, mais une opportunité d’échanges, de relations et de démonstration que cela est possible.
Pour répondre à ceux qui pensent que Expo portera de l’argent à chacun et au pays, la réponse ne peut êytre que celle de présenter les scandales vérifiés liés à la mafia et aux spéculations qui font parti d’un système entier complexe qui visant au plus de profit. Rappelons que la même rhétorique était utilisée en Grèce avec les Olympiades au début de la crise ou encore au Brésil avec la coupe du monde de football… Nous avons vu ce qu’il en reste…
Une première manifestation étudiante à Milan a eu lieu durant la matinée du 30 Avril, tous unis pour crier : No Expo.
Les étudiants sont révoltés et affirment que par la diversité des sujets d’études possibles, ils possèdent un potentiel d’intelligence collective incroyable. Et aujourd’hui leurs compétences, leur envie de recherche et d’expériences ne peuvent pas être abandonnées aux intérêts de ceux qui anéantissent l’environnement, augmentent les différences entre les plus riches et les plus pauvres et redessinent les villes à coups de gentrification.
Pour eux, la culture dominante, officielle et académique fait croire que c’est justement cela le débouché naturel du savoir des étudiants, et de plus à bas cout. Ils affirment qu’ils aiment penser que la crise de l’imagination n’est pas dominante, et qu’au-delà du modèle de la finance, de l’austérité, de Renzi et de Expo, il existe d’autres mondes possibles.
Ils répètent que chacun d’entre nous à beaucoup à donner, en commençant par la construction de communautés résistantes.
Lis les articles sur la manifestation étudiante :
http://www.cantiere.org/5984/diretta-dal-corteo-studentesco-30a-vs-expo/
Regarde aussi :
http://www.cantiere.org/5756/1-maggio-mayday-lets-make-our-expo-altri-mondi-sono-possibili/
http://www.cantiere.org/1635/expoxchi/
Et, rire pour ne pas pleurer (les pépites des échecs d’Expo) :
https://www.facebook.com/expo2015fail
[1] Projet de loi de 2015 qui prévoit une réforme scolaire qui privatise l’éducation publique, et permet aux entreprises de prendre part aux administrations.
[2] Comité contre la construction du canal au parc Trenno (Milano).
