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Tunis, la mer, les odeurs, les rencontres ? Oui mais pas que. Tunis, là-bas comme ailleurs, c’est aussi la PUB. La pub s’affiche à l’aéroport, la pub ce sont de grands panneaux qui défilent sans fin alors que notre taxi remonte l’avenue Mohamed 5. Dans ce même taxi, la pub ce sont des annonces à la radio, souvent en français. La pub à Tunis ce sont des visages plus pâles que basanés. Nous y reviendrons. De la pub à Tunis, comme ailleurs, cela ne vous étonnera sûrement pas et honnêtement je n’ai pas été plus étonné que vous, car nous y sommes habitués, la pub partout, la pub tout le temps. Pourtant, elle n’est jamais neutre et il faut la combattre. Le R.A.P (Résistance contre l’Agression Publicitaire) était présent au FSM pour le rappeler et pour intensifier la lutte.

La pub est le deuxième budget mondial après la défense. Elle représente à elle seule environ 500 milliards de dollars par année. Quoi de plus logique, la pub, comme la guerre, constitue l’une des pierres angulaires d’une société qui pour fonctionner a besoin de produire toujours plus. Détruire pour reconstruire, susciter des envies qui ne se fondent sur aucun besoin.

Derrière ce chiffre, le grand gâchis. Ce sont les consommateurs qui paient. En France, avec 31,4 milliards d’euros en 2011, la pub représentait 480 euros par habitant. Un gâchis de ressources et d’énergie : en moyenne, 31 kg de prospectus sont déposés dans chaque boîte-aux-lettres en France. On compte environ 1 million de panneaux publicitaires dont beaucoup sont éclairés ou déroulants. Les écrans publicitaires qui envahissent progressivement l’espace public consomment autant qu’un foyer de quatre personnes à l’année. C’est également l’intelligence que l’on gâche copieusement, aux deux bouts de la chaine. D’un côté la pub aspire la créativité, l’humour et les savoirs pour créer des messages toujours plus percutants. De l’autre, on gâche notre attention. En occident l’on est en contact avec entre 500 et 3 000 messages publicitaires par jour.

Le marketing est devenu le langage du néolibéralisme mondialisé. Alors qu’au Nord les marchés sont saturés, la société d’hyperconsommation s’exporte progressivement dans les pays du Sud, en détruisant la diversité culturelle, en imposant les représentations d’un certain mode de vie, d’une conception du bonheur uniformisée et mondialisée. Souvent sexiste et ethnocentrique, la pub avive les frustrations. François Brune explique « Alors qu’ici (dans le Nord), elle a pour effet de nous fermer les yeux sur les réalités du Tiers-Monde, là-bas, elle fait miroiter les prestiges de la vie occidentalisée aux yeux des masses démunies ». Comment ne pas penser à une forme de néocolonialisme par la pub en voyant les mêmes messages, en entendant les mêmes slogans, ici comme en France.

La pub viole vos esprits. Derrière elle, des armées de sociologues, psychologues, neurobiologistes pour faire en sorte que vous la gobiez, pour qu’insidieusement elle continue à taper juste malgré la surcharge cognitive. Elle est vectrice d’idées toxiques : le culte de l’apparence, la compétition, le jeunisme, la maigreur.. Elle joue sur les souffrances et les frustrations. Sans complexe, elle a largement recours à la sexualité. La pub est totalitaire, aucun droit de réponse ne vous est accordé. Elle vous cible toujours davantage avec le développement du Big Data : il s’agit de prévoir précisément certains de nos comportements en croisant de nombreuses informations. C’est l’histoire de Google qui envoie à des femmes des pubs pour femmes enceintes avant même qu’elles découvrent leurs grossesses, en ayant analysé leurs recherches sur internet.

La pub menace nos luttes ! Prenons l’exemple de l’écologie, il s’agit du Greenwashing. L’écologie, « le vert », étant devenus vendeurs, c’est désormais un ressort marketing, sans pour autant que cela correspond à une réalité. C’est le « Bio » de Danone qui n’avait rien de biologique, ce sont des pubs pour 4×4 dans de grands espaces verts. La pub détourne notre attention et contamine nos schémas de pensée, même dans les milieux les plus engagés. Je pense à la campagne choc d’Alternatiba qui a recouvert le campus du FSM avec ses affiches. Bien entendu, l’idée de fond n’a rien à voir, mais y a-t-il une différence sur la forme ? Peut-être devrions nous nous méfier davantage de l’influence du marketing qui nous incite parfois à délaisser le fond. Dans toutes les réunions de mobilisation revient la même problématique : construire un « narratif », pour mobiliser les gens, raconter une histoire, pas trop compliquée pour qu’elle puisse rapidement être intégrée, évocatrice pour qu’elle provoque la révolte. Nous sommes en concurrence avec les publicitaires et nous leur disputons les derniers « temps de cerveau humain disponibles », en utilisant les mêmes outils qu’eux.

Il faut donc décoloniser les imaginaires. C’est ce à quoi s’emploient différents collectifs anti-pub dont le travail était présenté lors de deux ateliers au FSM. Ils cherchent à sensibiliser vis-à-vis de la pub à travers diverses actions. Certaines sont légales comme des pétitions, des actions telles que « la rentrée sans marque dans les écoles », des campagnes d’information sur la dépendance des médias à la pub, par exemple. Il existe aussi des actions de recouvrement, il s’agit de recouvrir les publicités avec des bâches ou du papier, c’est le travail que font les Reposeurs. L’association Paysage de France, traque les publicités illégales et porte plainte pour qu’elles soient retirées. D’autres actions sont elles illégales comme celles du collectif des Déboulonneurs. Il s’agit généralement de « barbouillages », cela consiste à écrire des messages politiques sur les publicités. Ceci est fait à visage découvert et les activistes parlent directement aux médias voire même aux policiers. Il s’agit d’actions symboliques pour interpeller les citoyens sur la pub. Plusieurs procès ont eu lieu. En 2011 lors d’un procès, des experts ont témoigné pour prouver la nocivité sanitaire et écologique de ces publicités. Les Déboulonneurs ont dû payer 1 euro symbolique et le procès a fait jurisprudence. Il s’agit désormais d’exporter le mouvement à l’étranger, lors du FSM, le 25 mars 2015, a été lancée une journée internationale contre la pub.

Si la pub vous donne aussi des ulcères, un collectif existe sûrement près de chez vous !

antipub.org

surfezcouvert.net

reposeurs.eu.org

carton-jaune.org

paysagesdefrance.org

casseursdepub.org

deboulonneurs.org

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