Les éléments présentés dans cet article sont issus de la conférence Citizenship and Human Security du 23 au 25 janvier 2015, organisée par Helsinki Citizens’ Assembly à Istanbul, dans le cadre du programme CLAIM.

 

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La sécurité humaine représente un glissement de la conception de sécurité d’un point de vue étatique vers une sécurité davantage orientée sur les individus. Même s’il était déjà existant depuis les années 40, le concept apparaît réellement pour la première fois en 1994, dans le rapport  mondial sur le développement humain du PNUD : « Depuis trop longtemps les questions de sécurité sont réduites aux menaces contre l’intégrité territoriale des pays… sécurité de l’emploi, du revenu, sécurité sanitaire, sécurité de l’environnement, sécurité face à la criminalité : telles sont les formes que revêt aujourd’hui la problématique de la sécurité humaine dans le monde ».

Cette évolution a pris forme avec la fin de la guerre froide (essentiellement basée sur la menace nucléaire et l’opposition des blocs)  et l’apparition de nouvelles formes de guerres. La guerre n’est plus du fait des Etats seuls, mais également des groupes ethniques, religieux (Yougoslavie, Rwanda…). Il prend également en compte le fait que le développement et la libéralisation des marchés ne sont pas suffisants à l’amélioration totale des conditions de vie des populations, voire apportent de nouvelles problématiques.

Alors que différents rapports (rapports de 2005 et 2011 des Nations Unies) montrent que le monde vit actuellement une période de paix telle qu’il n’a jamais connu, des catastrophes de plus en plus violentes continuent de toucher les populations. Pourquoi une telle différence d’appréhension ? D’un point de vue étatique, effectivement, le monde connait une période calme, peu d’Etats entrent en guerre. La guerre classique, telle que décrite par Carl Von Clausewitz  (guerre entre Etats, avec des objectifs politiques à atteindre, avec une déclaration de guerre et un traité de paix) semble s’effacer au profit de guerres internes, dont on ne sait exactement situer le commencement.

La sécurité humaine répond à des menaces plus uniquement basées sur les agressions militaires extérieures mais sur des problématiques telles que la pauvreté, la violence ethnique, les changements climatique, les crises financières, le terrorisme, les pandémies, la corruption… pouvant toucher à l’intégrité humaine des individus, des groupes, des communautés, des Etats.

Reconnaître ces atteintes à l’intégrité comme part entière de la sécurité humaine permet de prendre en compte les liens entre les droits de l’homme, le développement et la sécurité nationale dans la gestion civile des conflits et la promotion des droits humains.

La Commission sur la Sécurité Humaine des Nations Unies, dans son rapport final, « La Sécurité Humaine Maintenant » (2003), caractérise la sécurité humaine comme le moyen de « protéger le noyau vital de toutes les vies humaines, d’une façon qui améliore l’exercice des libertés et facilite l’épanouissement humain. La sécurité humaine signifie la protection des libertés fondamentales, qui sont l’essentiel de la vie. Elle signifie aussi protéger l’individu contre des menaces graves ou généralisées. Il faut pour cela s’appuyer sur les atouts et les aspirations de chaque individu. Mais cela signifie aussi créer des systèmes – politiques, sociaux, environnementaux, économiques, militaires et culturels -, qui ensemble donnent aux individus les éléments indispensables de leur survie, de leurs moyens d’existence et de leur dignité».

L’insécurité peut prendre plusieurs formes en fonction du groupe visé, du pays et du contexte régional. Voici quelques exemples tirés du travail de l’association Helsinki Citizens’ Assembly dans le cadre de son programme CLAIM (cn4hs.org) :

– En Turquie, le manque de confiance dans le système judiciaire est important. L’action étatique est parfois disproportionnée, les citoyens ne comprennent pas forcément les peines rendues, qui vont dépendre de la cour, du juge ou même dans la qualification juridique. Dans certains cas, notamment les accusations de terrorisme (qualification fourre-tout), il n’y a pas de procès équitable.

– Dans les Balkans, le travail effectué concerne la violence chez la jeunesse, sur le lieu de travail, due à la dislocation des communautés. Ainsi la violence apparaît être quotidienne, latente, expérimentée différemment selon le genre, la géographie, le groupe social. Les lieux supposés être des lieux de refuges (l’école, le travail…) deviennent les lieux principaux des agressions. Ce qui ressort également c’est la réaction des victimes, bien souvent peu capable de reconnaître cette violence et encline à l’accepter. La distinction entre les victimes et les auteurs est parfois floue, notamment concernant les Roms, victimes des violences puis eux-mêmes auteurs, souvent pour leur survie.

– Les déplacements de populations dans des zones urbaines (notamment les populations kurdes) sont des exemples de violences et d’insécurité, du fait d’une perte de repères, d’un retour impossible et d’un habitat éloigné de tout et dans une partie chaotique de la ville (quartiers en périphérie urbaine des grandes villes).

Certains travaux (Haluk Levent, Ahmet Insel) permettent de définir un indice pour déterminer le niveau de sécurité humaine. D’autres travaux portant sur d’autres régions, avaient également permis de définir une unification du concept, selon le contexte régional.  Ils ont tenté à travers une étude portant sur la Turquie, au niveau NUTS 1 (nomenclature des unités territoriales statistiques: les NUTS 1 correspondent à environ 3 à 7 millions d’habitants, la Turquie étant composée de 12 NUTS 1. Il est plus facile d’obtenir des informations à ce niveau là qu’au niveau NUTS 2 (26) ou NUTS 3 (81)) de créer une définition commune de la sécurité humaine et de déterminer les éléments permettant de la quantifier au niveau régional. Certains éléments sont retenus pour la construction de cet index, tels que la pauvreté, l’écart générationnel, le marché du travail, la santé, l’éducation, l’environnement, la confiance. Cet index permettrait d’obtenir pour chaque pays un indice révélant les menaces les plus importantes pour la sécurité nationale.