C’est à Bopp, petit quartier populaire de Dakar, au premier étage du fameux Centre Ahmadou Malick Gaye (plus connu sous le nom de « Centre de Bopp ») que se trouve le bureau du Forum social Sénégalais (FSS).

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Ouvert à tou.te.s, le FSS est avant tout un lieu de rencontre des acteurs de la société civile sénégalaise et ouest africaine. On y passe pour saluer des collègues ou des amis, chercher une information ou un contact, participer à une réunion, faire une interview, travailler sur un projet de solidarité, ou encore « palabrer » une ou deux heures en buvant l’ataya (thé sénégalais).

Depuis le mois mars 2014, des femmes et des hommes de divers horizons (étudiants, bénévoles, étrangers de passage, stagiaires, activistes, militants, intellectuels, représentants de mouvements sociaux, des ONGs, des associations ou collectifs et quelques autres encore) se retrouvent toutes les semaines ici pour organiser un grand événement de solidarité internationale : le Forum social africain (FSA) organisée à Dakar du 15 au 19 octobre 2014.

La tâche est grande face aux moyens humains limités, aux financements qui tardent à arriver, et au temps qui manque et file à toute allure. Pour réussir le défi de l’organisation d’un tel événement, plusieurs commissions se partagent le travail :

La commission « finance et budget » se mobilise pour « trouver des sous ».  La commission « organisation et logistique » prend en charge tous les détails pratiques de l’événement (gestion et mise à disposition des équipements, identification des lieux d’hébergement, mise en place d’un dispositif de sécurité, de santé, etc.). De son côté, la commission communication s’attelle à diffuser l’information, à mobiliser les mouvements sociaux au niveau national et sous-régional et élaborer le programme culturel et artistique. Quant à la commission jeune, elle est responsable de l’organisation et de l’animation du « Camp des jeunes »[1]. Enfin, la commission contenu thématiques et stratégie est chargée de l’élaboration l’agenda final.

A moins d’un mois de l’événement, la pression monte : Le rythme des réunions s’intensifie, les inscriptions se multiplient, la liste de participants s’allonge, et le programme se précise. Alors finalement, à quoi va ressembler le FSA Dakar 2014 ?

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Demba Moussa Dembélé (membre de comité d’organisation) a accepté de répondre à nos questions et nous en dit en peu plus sur l’origine, les objectifs et le contexte actuel dans lequel s’inscrit cette rencontre internationale des mouvements de solidarité africains.

Demba Moussa Dembélé, Facilitateur de la commission "Contenu thématique et stratégie" du Forum social africain 2014.

Demba Moussa Dembélé, Facilitateur de la commission « Contenu thématique et stratégie » du Forum social africain 2014.

Qu’est ce que sont le forum social mondial (FSM) et le forum social africain (FSA) ?

« Le forum social mondial est né en 2001 à Porto Alegre (Brésil) et visait à contrer ce que nous appelons le paradigme néolibéral. C’est à dire « le tout marché », tel que véhiculé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Banque mondiale, le Fond monétaire international (FMI), ou encore, les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). En d’autres termes, il s’agit de la libéralisation des échanges, de la privatisation des services publics. En gros, de cette déferlante néolibérale qui veux tout balayer et remettre le pouvoir aux multinationales. On a vu les résultats que cela a donnés aujourd’hui, avec la crise dans tous les pays du monde, y compris les pays développés.

Le nom « forum social mondial » s’est construit en opposition avec le forum économique de Davos. Si vous voulez, le forum économique de Davos, c’est la force derrière la mondialisation néolibérale. D’ailleurs, au début, les premiers forums sociaux mondiaux se réunissaient aux mêmes dates que les forums de Davos. »

Et le forum social africain ?

« Le forum social africain est né une année après, en 2002, à Bamako. Il s’inscrit bien sur dans la mouvance du forum social mondial. Nous nous opposons aux paradigmes néolibéraux tels qu’ils sont appliqués dans les pays africains. En particulier, nous nous opposons aux politiques que la banque mondiale et le fond monétaire international n’ont cessé d’imposer aux pays africains depuis les années 80s : ce qu’on appelle les plans d’ajustement structurels (PAS), qui ont été imposés à travers la crise de la dette des pays africains.

Le forum social africain a été capable de fédérer tous les mouvements sociaux du continent : du Nord au Sud et d’Est en Ouest. Il englobe tous les pays sans exception, qu’ils soient « indépendants », membres de l’Union africaine, ou qu’ils ne le soient pas comme le Sahara occidental ou d’autres enclaves qui sont encore plus ou moins sous dépendance.

La philosophie du forum social mondial, et donc celle du forum social africain, c’est cela. C’est de s’opposer aux paradigmes néolibéraux, aux politiques de privatisation,  aux politiques de libéralisation et, bien sur, à la financiarisation de l’économie. Comme on le voit aujourd’hui, la finance a pris le dessus sur l’économie réelle et c’est cela le résultat de la mondialisation néolibérale. »

Concrètement cela se traduit comment un forum social ?

Cela se traduit par la tenue, durant une semaine environ, d’un certains nombre d’activités dans un espace donné. Cet espace est ouvert à tous les mouvements qui respectent les principes de la charte des principes du forum social mondial. Il y a un thème central qui est défini. Et, à l’intérieur de ce thème central, les mouvements sociaux viennent avec leurs propositions : ceux qui travaillent sur l’agriculture ; ceux qui travaillent sur le commerce ; ceux qui travaillent sur la finance, la dette ; ceux qui travaillent sur les questions de droit ; ceux qui travaillent sur les questions plus locales (par exemple : la question de la culture du maïs dans une localité donnée. Comment sauver les paysans de cette localité contre les importations, souvent subventionnées, venues du l’autre côté du monde ?). Tous les sujets qui vont dans le sens de la lutte contre le néolibéralisme sont admis. Il y a deux types d’activités : Les activités dites « autogérées » (c’est-à-dire proposées par les mouvements eux-mêmes) et les activités soutenues par le Comité d’organisation.  Mais généralement, ce sont les activités autogérées qui dominent les débats au sein des forums sociaux.

A côté du forum, il y a ce qu’on appelle « le camp des jeunes ». Là, tous les jeunes gèrent leur propre espace et discutent de thèmes qui leur sont propres. Ils peuvent inviter les autres et bien évidemment, ils peuvent également prendre part aux autres activités et thèmes qui sont débattus au sein du forum.

Cette année, le thème central du forum social africain est « Crises et conflits ». Pouvez-vous nous expliquer le contexte actuel dans lequel s’inscrit le prochain Forum social africain ?

Je crois que quand on regarde le continent africain aujourd’hui […] en dehors de ce qui se passe au Moyen Orient si vous voulez, je crois que le deuxième axe de crise dans le monde c’est l’Afrique. C’est la crise des politiques de développement mises en place depuis les indépendances mais c’est également les répercussions de la crise du système dominant sur l’Afrique. C’est aussi le résultat des convoitises sur les ressources naturelles du continent.

Bien sur, il y  des facteurs endogènes :

  • L’incurie des régimes qui passent;
  • La faiblesse de la société civile;
  • La faiblesse des partis politiques et leur incapacité à proposer des solutions viables (par exemple en matière d’éducation, d’emploi et de formation pour les jeunes);
  • Le néocolonialisme, qui lie toujours un certains nombre de pays d’Afrique aux anciennes puissances coloniales;
  • L’incapacité de l’Union africaine à proposer des solutions aux différents pays africains.

C’est l’ensemble de ces facteurs qui concourent à ces crises en Afrique.

Nous avons choisit de mettre l’accent sur ces crises là pour attirer l’attention des mouvements sociaux sur ces réalités et la nécessité de se prononcer face à celles-ci. Il faut également s’interroger sur le système politique dans la plupart des pays africains : Quelles sont les faiblesses structurelles de ces systèmes politiques ? Quel est l’avenir à travers ces crises ? Où allons nous à partir de là ?  C’est toutes ces questions qui justifient le choix de ce thème central.

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Lors d’une réunion de travail, le coordinateur du Forum social sénégalais, Mignane Diouf, décrivait le forum social africain comme « une foire multiacteurs […] un espace qui est créé pour permettre à mille acteurs, œuvrant dans des domaines différents, de nouer des alliances, des partenariats et de dégager ensemble des problématiques. […]  Rien qu’en rassemblant des gens, cela exorcise des choses que chacun gardait en soi et qui l’étouffait ».

Ainsi, le Forum social africain Dakar 2014 sera un moment de rencontres, d’échanges et de réflexions entre les acteurs de la solidarité internationale du continent africain. Il devrait permettre de dégager des pistes d’actions collectives, de mettre en lien les différents mouvements sociaux, d’inscrire des luttes nationales dans des dynamiques régionales voire internationales. Les participants y viendront pour écouter, informer, se rencontrer, apprendre et surtout, se mobiliser !

Bon courage au comité d’organisation et très bon Forum social Africain Dakar 2014 à tou.t.es !

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Vous voulez participer au FSA Dakar 2014 ? Télécharger et renvoyer la fiche d’inscription : par ici !

Pour aller plus loin :

–          Le site web du forum : www.forumsocialsenegal.org

–          La note conceptuelle du Forum social Africain

–          L’Appel du Forum social Africain

[1] Lieu de rencontre et d’hébergement, le Camp des Jeunes abritera de nombreuses activités (débats, projections de film, soirée d’intégration, etc.).