Les résultats des élections européennes en Espagne ont suscité des surprises. Les deux grands partis majoritaires depuis plusieurs années ont connu des scores très bas, laissant la place à de nouveaux partis, notamment Podemos. Parti politique formé sur Internet il y a 4 mois et portant les revendications de la rue, il a obtenu 5 sièges au Parlement européen.

 

Au lendemain des élections européennes, la droite représentée par le PP (Parti Populaire) sort majoritaire, mais les espagnols parlent d’un bilan positif et d’un espoir. En effet, les deux partis majoritaires espagnols, le PP et le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) n’ont pas atteint la barre des 50% des suffrages, alors qu’ils cumulaient les 80% en 2009. L’atténuation de ce bipartisme traditionnel se traduit dans les faits par la montée de petits partis, que les sondages n’avaient pas autant prédit. La Gauche Unie (Izquierda Unida) sort en troisième position en obtenant 9,99% des suffrages et 6 sièges de députés et en quatrième place apparaît le parti Podemos (« Nous pouvons ») pour la première fois dans le paysage politique.

Elecciones

Avec seulement 4 mois d’existence, Podemos a obtenu 7,97% des suffrages et 5 sièges de députés parlementaires. Dans la majorité des grandes villes espagnoles, il a constitué la troisième force politique. Orienté à gauche et issu du mouvement du 15M[1] (mouvement des indignés), il dit avoir comme principal objectif de « transformer l’indignation en changement politique« .

Pablo Iglesias, âgée de 36 ans est à la tête du parti. Professeur de sciences politiques à l’université de Madrid, il est connu en Espagne pour avoir animé ou participé à des débats politiques sur plusieurs chaînes de télévision. Bien qu’il soit à l’initiative de la liste électorale le mouvement politique Podemos s’est développé en Espagne, via des « cercles » formés sur les réseaux sociaux. Des assemblées de quartier, des universitaires ou des partis anti-capitalistes sont à l’origine de ces regroupements virtuels.

Pas de nombre minimum de participants, pas besoin d’affiliation, ni de donner son identité seulement un nom et une adresse mail suffisent pour faire partie d’un cercle. A la veille des élections, 400 cercles virtuels s’étaient constitués de manière spontanée. Le parti Podemos n’a pas de bâtiment ni de lieux physiques. Les rencontres et assemblées se programment sur Internet et se font dans la rue sur des places. Mauro Fuentes, directeur d’une multinationale spécialiste en réseaux explique dans un article d’El Pais[2] qu’ « Internet fait partie de son ADN. Le parti vit grâce aux réseaux sociaux, mais ne les utilisent pas comme un moyen de propagande, sinon comme un moyen pour s’organiser« . Un guide sur la création de cercles est disponible sur le site du parti et la démarche à suivre est similaire à l’organisation et au fonctionnement des assemblées du mouvement du 15M. Les cercles peuvent être reproduits et dissouts facilement.

Pour se présenter à la liste électorale, il fallait avoir l’aval de son cercle. La parité homme/femme était le seul critère requis pour la création de la liste. Ainsi, la liste s’est formée de 32 femmes et 32 hommes.

Assemblée de Podemos/Séville, quartier Centre, le 12/06/2014

Assemblée de Podemos/Séville, quartier Centre, le 12/06/2014

Dans ces discours, Podemos pointe le doigt sur un ennemi : « la caste »(politique) qu’il qualifie de « majordome de riches » en insistant sur leur corruption. Les revendications portées par le Parti font échos aux revendications de la rue et aux manifestations anti-austérité : lutte contre la corruption, croissance, emplois, restructuration de la dette publique qualifiée d »illégitime », lutte contre les expulsions immobilières etc. Les cinq députés ne toucheront pas de manière individuelle les 8000 euros attribués à chaque parlementaire mais décideront collectivement de son utilisation. Dans sa lutte contre les sociaux-démocrates et les libéraux, le parti Podemos compte se rapprocher de « Syriza » au Parlement.

Le 2 Juin, El pais publiait les résultats d’une étude menée sur l’électorat de Podemos. Même si l’initiative de Pablo Iglesias a séduit la jeunesse espagnole, la majorité des électeurs a entre 35 et 54 ans et s’est décidée dans les dernières 48h à voter pour Podemos. Représenté beaucoup plus largement sur les réseaux sociaux que les autres partis, un article du Monde du 30 Mai 2014 montre les aigreurs qu’il suscite chez les autres partis.

Bien que la droite reste majoritaire, les résultats de Podemos ont créé de la surprise. Révélateurs des conditions sociales dégradées et du manque de participation citoyenne, les espagnols sont passés du slogan « Basta » à « Podemos » !


[1]15M, en référence à la date du 15 Mai 2011, où des milliers d’espagnols étaient descendus dans la rue pour se plaindre du système, dénoncer le pouvoir des banques et des marchés financiers.

[2]http://politica.elpais.com/politica/2014/06/01/actualidad/1401633562_146237.html