Londres est une ville dans laquelle les langues et les accents se mélangent. Dans ses rues se croisent des gens du monde entier. Pourtant, le United Kingdom Independence Party (UKIP), qui a basé sa campagne électorale sur l’exacerbation d’un sentiment anti-migrants, a remporté plus de 4 millions de voix (27,5 %). Avec l’élection de 24 eurodéputés, il est devenu le parti britannique le plus représenté au Parlement Européen, devant les travaillistes et les conservateurs.

La campagne du UKIP était articulée autour d’une idée centrale : l’Europe, ses décideurs et ses habitants, sont responsables des problèmes que connaissent les Britanniques.

@ itv Un poster du UKIP transformé par des militants anti-UKIP

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Un affiche électorale du UKIP transformée par des militants anti-UKIP

Sur une affiche murale de grand format, un ouvrier, casque sur la tête, mendie, assis par terre dans la rue. Un slogan l’accompagne : « La politique européenne au travail. Les travailleurs britanniques sont fortement touchés par une main d’œuvre pas chère illimitée ». Un doigt pointant vers le spectateur est placardé sur un autre mur. Il pose la question suivante : «  26 millions de personnes en Europe cherchent du travail. A qui veulent-ils le prendre ? » [1].

Cette rhétorique du UKIP contre l’Union Européenne est paradoxale. Si le mouvement se prononce pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, il tire une part importante de ses ressources de l’existence même de l’Union Européenne et des financements que Bruxelles accorde aux partis politique représentés au Parlement [2].

Le discours de UKIP doit aussi son succès au fait qu’il ait été largement repris par les principaux partis de gouvernement, conservateurs et travaillistes. Les récentes mesures prises par la coalition gouvernementale entre conservateurs et libéraux-démocrates vont dans le sens d’un durcissement des conditions d’entrée et de résidence au Royaume-Uni. En 2012, il est devenu obligatoire pour les citoyens britanniques qui souhaitaient obtenir un visa de long séjour pour leur conjoint de gagner au moins 18 600 livres par an, quel que soit le salaire de leur conjoint ou des autres membres de la famille [3]. En 2013, la ministre de l’intérieur présentait un projet de loi dont le but initialement défendu par le gouvernement était de « créer un environnement hostile » [4] pour les migrants en situation irrégulière.

Cette nouvelle législation représente une menace importante pour les droits de tous les migrants au Royaume-Uni [5]. Une des principales mesures de la loi impose aux propriétaires de logements privés de vérifier si les candidats à la location disposent d’un titre de séjour en bonne et due forme. En cas de contrôle, les propriétaires risquent une amende de 3 000 livres sterlings par locataire adulte si ces derniers n’ont pas de titre de séjour en cours de validité. Même si les étudiants et les personnes en situation de grande vulnérabilité ont finalement été exclus de la loi, elle constitue une véritable incitation à la discrimination. Que fera un propriétaire qui devra choisir parmi de multiples dossiers entre des locataires blancs au nom britannique et des locataires dont le patronyme, le visage ou l’accent pourraient être synonymes d’origine étrangère ?

Aujourd’hui, au Royaume-Uni, cette loi et certaines des mesures qui l’ont précédée s’attaquent au droit au logement, à la santé et à la vie familiale des migrants. Le Guardian révélait en janvier 2014 que le Ministère de l’Intérieur offrait des bons d’achat de 25 à 50 livres à ses agents qui dépassaient leur objectif de 70 % d’appels gagnés contre des demandeurs d’asile déboutés [6]. Comment s’étonner du succès du UKIP quand les partis de gouvernement légifèrent dans son sens ?

De nombreuses associations se sont mobilisées pour dénoncer ces discours et mesures anti-migrants. Les manifestations organisées le 22 mars 2014 lors de la journée internationale contre le racisme et le fascisme ont rassemblé 20 000 personnes à travers le pays, dont 10 000 à Londres. Le slogan : « arrêtez d’utiliser les migrants comme boucs émissaires ! ». L’enjeu est particulièrement important à moins d’un an des prochaines élections législatives.

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[1] http://www.channel4.com/news/ukip-anti-immigration-posters-what-they-say-comparisons

[2] Selon une de ses anciennes attachées de presse, Jasna Badzak, ‘Stop scapegoating immigrants’, MAX public meeting, 19 mai 2014.

[3] La légalité d’une telle mesure est actuellement jugée et en attendant, les dossiers des 4 500 familles qui ont déposé une demande et ne satisfont pas cette condition de ressource ne sont pas traités.

[4] The Guardian, 10 Octobre 2013, Immigration bill: Theresa May defends plans to create ‘hostile environment’, http://www.theguardian.com/politics/2013/oct/10/immigration-bill-theresa-may-hostile-environment

[5] Un résumé des principales mesures de la loi est disponible sur le site du Joint Council for the Welfare of Immigrants,

[6] The Guardian, 14 Janvier 2014, Home Office staff rewarded with gift vouchers for fighting off asylum cases http://www.theguardian.com/uk-news/2014/jan/14/home-office-asylum-seekers-gift-vouchers