Le résultat des élections européennes confirme la montée en puissance d’un fascisme politisé. L’existence d’une alliance européenne des partis d’extrême droite (Alliance européenne des mouvements nationauxAEMN), même si pour certains l’euroscepticisme est un des arguments principal, démontre qu’il y a bien un projet européen basé sur le nationalisme et la xénophobie partagé par plusieurs pays. Mais alors que la Vague Bleu Marine déferle, le Portugal semble étanche au phénomène.

Les résultats des élections européennes au Portugal en bref :

Malgré les 65% d’abstention, le Partido Socialista (Parti Socialiste) est arrivé en tête avec 31,5% des voix. La coalition au pouvoir depuis 2011 est en seconde position avec 28% des voix. Il s’agit de la coalition PPD/PSD – CDS-PP. Le « Parti Populaire Démocratique / Parti Social-Démocrate » est un parti de centre-droit et le Parti du Centre Démocratique Social –Parti Populaire est un parti de droite plus conservateur. La CDU, Coalition Démocratique Unitaire qui regroupe le Parti Communiste Portugais (PCP) et le Parti Écologiste-Les Verts (PEV) arrive quant à elle en troisième position avec 12,7% des voix.

Porque é que a extrema-direita não vinga por cá?(« Pourquoi l’extrême-droite ne marche-t-elle pas ici? ») :

Une semaine avant les élections européennes, l’hebdomadaire portugais Expresso a tenté dans un

d’expliquer l’étanchéité du Portugal à l’extrême droite.  Pour le politologue José Adelino Maltez, le risque pour que l’extrême droite se réveille au Portugal est faible car les conditions sociales et politiques ne sont pas réunies.

Il semble tout d’abord que le « 25 de Abril », ou Révolution des Œillets qui a mis fin à la dictature de Salazar « a aidé au blocage des partis d’extrême droite au Portugal ». En effet, depuis 1974, l’échiquier politique portugais est dominé par des partis nés avec la Révolution (exception faite du Bloco de Esquerda, « bloc de gauche », fondé en 1999) et depuis lors, l’électorat portugais s’est clairement positionné plus à gauche qu’à droite.

En second lieu, certains arguments phares de l’extrême-droite française sont accaparés par la gauche au Portugal. Notamment le PCP (Partido Comunista Português) est le parti le plus nationaliste et le plus eurosceptique. Suite aux difficultés économiques et sociales engendrées par la Troïka, l’argument principal de la CDU pour les élections européennes était la sortie de la zone euro, et plus largement la sortie de l’Union Européenne, du temps que son projet restera celui du libéralisme économique au dépens des peuples et notamment du peuple portugais. Par ailleurs, il semble que le CDS-PP qui représente la droite de la droite portugaise, ait jusqu’ici contenu l’expansion de l’extrême droite en défendant la cause souverainiste ou celle des anciens combattants de la guerre coloniale. Lors des moments de campagne, Paulo Portas, président du CDS-PP, reprend plusieurs thèmes souvent propres à l’extrême droite tels que la sécurité, l’enrichissement illicite, l’orgueil national, sans jamais tomber ouvertement dans le racisme et la xénophobie. C’est ce que Riccardo Marchi, spécialiste de la droite portugaise, qualifie « d’agenda d’extrême-droite soft », qui de fait, bouche le « vide » créé par l’absence d’un véritable parti d’extrême-droite au Portugal.

António Costa Pinos, de l’Institut de Sciences Sociales de Lisbonne (ICS), considère que « l’espace de valeurs » nécessaire au renforcement de l’extrême-droite au Portugal existe bien. Il estime que 15 à 20 % de la société portugaise s’identifient à des valeurs telles que l’euroscepticisme ou la souveraineté nationale et pourraient mobiliser un électorat plus à droite. Mais selon lui, ce potentiel électorat d’extrême-droite est démuni de cadres politiques, de personnalités politiques fortes munies d’une véritable volonté politique et d’une capacité de mobilisation et d’agitation… et d’un leader.

Malgré tous ces blocages, il existe bien un parti qui se revendique d’extrême-droite au Portugal et qui s’est présenté aux élections européennes de 2014. Il s’agit du PNR, Partido National Renovador (« Parti National Rénovateur »), arrivé 12e sur 16 partis avec 0,46% des votes(15 035 voix). Selon son président, José Pinto-Coelho, le PNR est incapable de grandir parce qu’il manque de moyens financiers et qu’il n’a pas accès aux médias de communication – et étant donné l’incroyable soutien médiatique dont bénéficie Marine Le Pen en France, on pourra considérer cet argument recevable. De fait, le PNR affirme que le compte bancaire du parti spécifique aux élections européennes (que la loi oblige) a été saisi deux jours après avoir été ouvert et ce alors que « les dits-grands partis vivent comme des millionnaires, avec l’argent de nos impôts ». Le leader du PNR condamne également l’ « idiosyncrasie nationale des portugais à se contenter de ce qu’ils ont et à rester dans le politiquement correcte ». Parmi les volontés politiques du PNR se trouve la sortie progressive de l’euro, et l’opposition à une Union Européenne qui « confisque les libertés individuelles des États ». Ne se définissant pas eurosceptique, le PNR défend par opposition une « alliance européennes de Patries souveraines s’opposant à la dictature de Bruxelles ». Autre cheval de bataille : l’opposition à « l’entrée effrénée des travailleurs étrangers sur le marché portugais » et la défense d’un « contrôle efficace des frontières ». Le PNR dénonce ainsi « l’incompréhensible permissivité face à l’immigration » dont font preuve les « mondialistes » de Bruxelles et qui permet que « toute la misère du monde s’installe en Europe », menaçant ainsi le « bien-être des peuples ». Et Pinto-Coelho de s’interroger : quel avantage peut trouver Bruxelles à l’immigration pour un pays où le chômage réelle est proche des 20%, quel avantage si les immigrés viennent pour tomber dans la pauvreté et le crime ? « Ouvrir nos portes à l’immigration reviens à tromper les immigrés et à aggraver notre crise ».

Enfin, selon Jaime Nogueira Pinto, entrepreneur et professeur universitaire se réclamant de droite, la droite portugaise n’a pu s’unifier que sur des « projets idéalistes et transcendantaux », tels que la question du Portugal transeuropéen et de sa fin territoriale, sans proposer de « politique du quotidien », la rendant incapable de se trouver une base sociale. Mais Nogueira Pinto a bon espoir : « la décadence des quarante dernières années » finira selon lui par apporter à la droite la base sociale dont elle a besoin pour grandir. On ne peut qu’espérer que les portugais continueront de lui donner tort.