A l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, AEPN (Association Européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale), en coopération avec ACCEM et la Croix Rouge Espagnole ont organisé la projection du documentaire : The land in between de la réalisatrice allemande Mélanie Gartner[1].

La réalisatrice a passé 3 mois à Ceuta pendant l’année 2010 pour pouvoir concrétiser son projet. Dans le film, un peu à la manière de Ceuta, douce prison[2], nous suivons le parcours de 3 migrants, arrivés à Ceuta après un voyage long et éprouvant.

C’est ainsi que pendant 50 minutes, nous découvrons le parcours de Sekou, jeune malien, qui pendant son séjour contraint à Ceuta, a décidé de s’engager comme volontaire auprès de la Croix Rouge Espagnole et a ainsi pu créer du lien avec un vieille homme qui l’a peu à peu considéré comme un fils. Vient ensuite Blade Cyrille, un camerounais, déterminé à sortir par ses propres moyens de Ceuta, sans rester à la merci des autorités espagnoles. Il se rend donc chaque jour au port, espérant pouvoir se cacher dans un camion pour atteindre la péninsule. Et enfin Babu, tout jeune indien, qui patiente sur cette douce prison depuis déjà 3 ans et demi, sans voir aucune perspective de sortie[3]. Pour se faire un peu d’argent, il gare les voitures devant un magasin d’électronique. Les propriétaires se sont peu à peu liés d’amitié avec lui et lui propose de donner un coup de main dans la boutique sans pouvoir lui offrir de contrat de travail puisque comme le dit si bien la gérante « il n’a pas de papier donc il ne peut pas travailler et comme il ne peut pas travailler, il ne peut pas avoir de papier».

Ce qu’a avant tout chercher à montrer Mélanie Gartner à travers son documentaire est une humanité. Plus de 30 000 migrants sont passés par le CETI depuis son ouverture en 2000. Les immigrés font malheureusement plus partis du « décor » de Ceuta que de la vie de l’enclave. Peu de gens s’arrête pour les saluer, pour discuter ou simplement se rappelle de leur visage quand ils aident les clients à porter leurs courses jusqu’à chez eux à la sortie des supermarchés. Et pourtant, il serait facile de leur apporter un peu de respect, simplement leur rendre leur dignité d’être humain, les appeler par leur prénom au lieu de les traiter de « moreno »[4].

Elle a également choisi volontairement des migrants originaires de pays qui, en 2010, avait une situation politique a peu près stable. Jamais ne sont évoquées dans le film les raisons qui auraient pu pousser les 3 jeunes hommes à quitter leur pays, et la réalisatrice le justifie ainsi : les raisons qui poussent quelqu’un à risquer sa vie pour traverser la moitié de l’Afrique dans l’espoir d’une vie meilleure sont souvent très complexes et parfois très difficiles à comprendre pour nous, pays « d’accueil ». La protection de la Convention de Genève est importante et le statut de réfugié doit exister mais il ne faudrait pas faire une trop grande différence entre migration économique et migrations forcée, car la frontière entre les deux est souvent ténue. A l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, il était important de le rappeler.

La journée avait pour but principal de faire un peu de sensibilisation sur la situation des réfugiés à Ceuta, malheureusement, comme souvent dans ce genre d’évènement, n’étaient présent que des personnes étant déjà engagées dans des associations de protection des droits des migrants, ou ayant tissé des liens avec des migrants de passage à Ceuta. Il y aurait tellement à faire pour que la ville de Ceuta se rende compte de la richesse que représente un tel phénomène migratoire.


[1] Pour plus d’informations, voir http://landinbetween.com/

[2] Un film de Jonathan Millet et Loic H. Rechi  voir http://www.ceuta-douce-prison-le-film.com/

[3] Un groupe d’indiens est resté plus de 4 ans sur l’enclave, avant d’être enfin envoyé sur la péninsule après une longue lutte. Pour plus d’informations : http://guinguinbali.com/index.php?lang=fr&mod=news&task=view_news&cat=2&id=1545

[4] C’est de cette manière qu’on appelle les personnes noires en Espagne, terme à consonance souvent péjorative. « Moreno » veut dire brun et vient du terme « moro » désigne les personnes originaires du nord de l’Afrique.