Si un mur est tombé en Europe, un autre est toujours debout. Des barbelés, des morceaux de murs et des bidons séparent en effet les parties sud et nord de l’île de Chypre.  

Contexte :

Le terme zone tampon fait référence à une ligne de cessez-le feu. S’étendant de l’ouest à l’est de l’île avec une largeur variant de 3,3 mètres à 7,4 kilomètres, elle sépare l’île de Chypre, dont sa capitale, Nicosie, en deux. Au nord de cette zone, également appelée la ligne verte[1], se trouve la République turque de Chypre du Nord, reconnue uniquement par la Turquie, et au sud, la République de Chypre, membre de l’Union Européenne depuis 2004.

A quelques mètres de la zone tampon à Nicosie : barbelés et tour de contrôle

A quelques mètres de la zone tampon à Nicosie : barbelés et tour de contrôle

Cette zone est démilitarisée et a été établie en 1974 suite à l’intervention militaire turque[2]. Elle été placée sous le contrôle de la Force des  Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP)[3] depuis 1964, soit 4 ans après l’indépendance de Chypre vis-à-vis du Royaume-Uni[4]. L’origine de la mission des Nations Unies survient au moment de violents affrontements intercommunautaires le 23 décembre 1963. La présence des Nations-Unies sur l’île, qui n’était à l’origine que temporaire, n’a depuis cessé d’être renouvelée.

En 2013, toujours sous le contrôle de l’UNFICYP, la zone tampon se prévaut de cinq passages ouverts, soit cinq postes de contrôles. Depuis dix ans, les Chypriotes ont en effet la possibilité de se rendre de l’autre côté de l’île, sous la condition de présenter un document d’identité valable et de remplir un formulaire faisant office de visa aux autorités grecques d’une part, et turques d’autre part.

Malgré cette avancée certaine dans les relations bilatérales et encore impensable au cours des dernières décennies, n’oublions pas que si plusieurs passages permettent de se rendre dans l’une ou l’autre partie de l’île, la zone tampon reste en grande partie inaccessible pour les civils, séparant ainsi les Chypriotes grecs au sud, des Chypriotes turcs au Nord. Le conflit constitue ainsi une réalité bien ancrée dans la vie quotidienne des habitants.

La zone tampon, une zone (aussi) de coopération :

Si la zone tampon a longtemps été le théâtre de conflits violents, elle est depuis plusieurs années reconquise par des militants, à la fois turcs et grecs, qui ont souhaité transformer cette zone de division en un symbole de coopération.

En 2011, suite à l’accord de l’UNFICYP de 2007 visant à permettre l’accès de la zone tampon à des organisations de la société civile, naît Home for Cooperation. Cette structure, rassemblant plusieurs associations promouvant le dialogue interculturel et gérée par des membres des deux communautés, est unique à Chypre : c’est en en effet la première fois qu’un lieu de rencontres et d’échanges, destiné à l’ensemble des Chypriotes, est crée dans une zone neutre.

 

Débats publics, projections de films, expositions photographiques, et bien d’autres activités sont régulièrement proposées. Au programme : construction de la paix, gestion des conflits, rencontres et projets inter-communautaires…autant d’initiatives qui permettent d’apprendre à connaître « l’autre », en direct, sous un angle différent de celui généralement promu par une partie de la presse et des dirigeants.

Qui sait, ces multiples initiatives permettront peut-être un jour d’encourager, ne serait-ce qu’un peu, un processus de réconciliation sur l’île…

 


[1] A l’origine de ce nom, le Général britannique Peter Young qui, sur une carte de Nicosie, a effectué le traçage d’une ligne de démarcation entre les parties grecques et turques, à l’aide d’un crayon vert.

[2] Depuis, 38% du territoire chypriote est occupée par la Turquie.

[3] Plus d’informations sur cette mission des Nations-Unies : http://www.unficyp.org/nqcontent.cfm?a_id=778&tt=graphic&lang=l1

[4] L’indépendance de l’île n’est en fait que partielle dans la mesure où la Grèce, la Turquie, et le Royaume Uni ont la possibilité d’intervenir dans l’ordre public chypriote. De même, le Royaume-Uni conserve deux bases militaires souveraines au sud de l’île (à Akrotiri et à Dhekelia).