Flash Mob Questa è Roma

Vendredi 24 mai à 13h30 sur la Piazza della Rotonda, juste en face du Panthéon, l’un des monuments les plus visités et connus de Rome, a eu lieu la flash mob organisée par le comité fondateur du mouvement « Questa è Roma » (Ceci est Rome).  Au milieu de touristes et de bureaucrates en pause déjeuner, les jeunes organisateurs, italiens et issus de l’immigration, ont délivré leur message, acte de naissance de leur nouvelle association.

« Rome, c’est nous tous : Romains, nouveaux Romains, Romains par naissance et Romains par choix. Ceci est Rome : c’est une affirmation ! Ça ne veut pas juste dire que nous faisons partie de cette ville, mais que cette ville c’est nous, nous qui la vivons au jour le jour ».

Cette association a pour objectif de revendiquer la reconnaissance des droits à l’égalité pour tous ceux qui, comme ses représentants, se sentent italiens mais qui, à cause de la législation actuelle, ne peuvent pas l’être.

Une semaine avant, une autre flash mob avait eu lieu dans le centre ville. À Piazza di Spagna, dans le quartier du shopping de luxe de Rome, le parti de centre-droit Fratelli d’Italia, avait affiché une bannière avec l’inscription « italiani non per caso, italiani per amore » (Italiens pas par hasard, mais bien par amour), pour exprimer son opposition aux propositions de réforme faisant référence au droit du sol. Serait-il citoyen « par hasard » celui qui vit dans un pays depuis sa naissance, qui y a grandi, aimé, pleuré, qui y est allé à l’école, qui y planifie son avenir ? Ces définitions nous semblent au moins discutables…

Ces initiatives s’inscrivent dans le débat sur les possibilités de réforme de la loi sur la nationalité qui, depuis quelques mois, a (finalement) éclaté. La question de l’octroi de la nationalité italienne aux enfants nés en Italie de parents étrangers suscite un large débat depuis novembre 2012 après l’appel du Président de la République. Giorgio Napolitano avait souligné le besoin urgent d’envisager des réformes en vue d’une meilleure « intégration de cette population sur la base du respect et de la reconnaissance de ses droits ».

D’après les statistiques, les mineurs nés en Italie de parents étrangers (ou arrivés en Italie durant leur enfance) sont presque un million. Pour eux la loi en vigueur ne prévoit pas l’ouverture d’un droit automatique à la citoyenneté italienne.

À ce point, des clarifications sont nécessaires. En Italie, l’attribution de la nationalité se base principalement sur le lien du sang : la nationalité italienne est alors prioritairement accordée aux enfants nés de parents possédant eux-mêmes cette nationalité. Traditionnellement terre d’émigration, l’Italie avec la prévalence du droit du sang visait à préserver des liens d’allégeance avec ses expatriés.

Terre d’immigration depuis plus de 20 ans, l’Italie se trouve confrontée à une population qui a beaucoup changé et qui devient de plus en plus plurielle mais les institutions ont du mal à reconnaître ce changement.

Le droit du sol existe aussi mais, tandis que les étrangers peuvent obtenir la citoyenneté italienne par naturalisation à condition de résider en Italie depuis plus de 10 ans (5 ans pour les ressortissants de l’UE), ceux qui sont nés en Italie de parents étrangers sont obligés d’attendre leur majorité. En plus, il leur faut démontrer une présence continue sur le territoire italien.

Les organisations de la société civile demandent depuis des années une révision de la loi. L’année dernière la campagne promue par 22 associations « L’Italia sono anch’io » (L’Italie, c’est moi aussi), promotrice de deux projets de loi d’initiative populaire concernant une réforme de la loi sur la nationalité italienne et sur le vote des immigrés aux élections administratives locales, avait recueilli plus de 200.000 signatures lorsque seulement la moitié était requise pour les présenter au Parlement, démontrant ainsi l’intérêt du public.

Selon cette proposition, obtiendrait immédiatement la nationalité italienne : qui naît en Italie d’un parent y résidant légalement depuis au moins un an ou né en Italie ; qui fréquente un cycle scolaire en Italie ou qui est venu à l’âge de 10 ans maximum et y est resté jusqu’à 18 ans

Les initiatives se succèdent sans interruption. Le 2 juin, à l’occasion de la fête de la République italienne, dans plusieurs villes (Milan, Turin, Florence etc.) des cérémonies pour conférer la citoyenneté honoraire aux enfants issus de l’immigration ont été organisées. Il s’agit d’un acte symbolique mais concret qui montre que la société est prête au changement.

Au niveau institutionnel, le premier intergroupe parlementaire sur les questions migratoires s’est réuni à Rome le 4 juin pour analyser l’état du débat. Presque toutes les forces politiques (Parti démocrate ; Gauche, écologie et liberté ; Mouvement 5 étoiles ; Peuple de la liberté ; Choix citoyen) y sont représentées, avec l’exception de la Ligue du Nord qui, à la fin du mois du mai, avait promu une récolte de signatures contre les initiatives à faveur du droit du sol en s’appuyant sur des faits d’actualité graves, commis par des étrangers dans la même période.

Ces évènements ont trouvé une très grande résonance dans l’opinion publique et ont produit une polarisation du débat. Du fait d’une confusion idéologique, on assiste au chevauchement de questions très différentes : de la citoyenneté aux « deuxièmes générations », on finit par parler de sécurité, de « clandestins », de crise économique et de chômage (« Donner la citoyenneté apporterait des milliers et des milliers d’étrangers en Italie, où il y a déjà 3 millions de chômeurs Italiens » est l’un des slogans utilisés par la Ligue du Nord) dans une confusion qui nourrit peur et insécurité.

Nonobstant les tentatives des opposants, les travaux de l’intergroupe semblent avoir atteint une conclusion partagée : la loi existante, basée sur le droit du sang, est désormais anachronique. Le débat devra maintenant porter sur la recherche d’un compromis parmi les différents courants. Les positions diffèrent notamment sur le délai de temps requis avant d’octroyer automatiquement la citoyenneté aux nouveaux nés (Choix citoyen propose 5 ans de résidence contre les douze mois de SEL – Gauche, écologie et liberté). Certains ajoutent au débat sur le jus soli la notion du « jus culturae ». Renata Polverini du Peuple de la liberté pense à «une sorte de citoyenneté suspendue » qui serait garantie à tous les enfants nés en Italie, indépendamment de la nationalité ou du statut des parents, mais à confirmer définitivement à 16 ans après avoir terminé l’école obligatoire.

Le processus de réforme vient juste de commencer mais le fait de reconnaître l’existence d’une question représente déjà une petite victoire pour tous les acteurs de la société civile qui luttent depuis des années et surtout pour tous ses protagonistes, italiens de tête et de cœur, de fait mais pas de droit.

À suivre.