Après s’être imprégnées de la question du droit au logement sur nos terrains respectifs, nous avons décidé avec Morgane (volontaire au Portugal), d’utiliser le réseau d’Echanges et Partenariats pour aller voir ce qu’il se passait ailleurs. Nous nous sommes rendues à Séville pour rencontrer Alejandro (ancien volontaire) et découvrir la situation andalouse. Les connaissances, la générosité et la gentillesse d’Alejandro ont rendu le voyage riche en découverte de structures associatives militantes.

 

Parmi ces initiatives la Corrala de Vecinas la Utopia est intéressante. Une Corrala (ou corral) est une forme d’habitation qui s’est développée entre le 16ème et le 19ème siècle dans les principales villes d’Espagne. Situées en centre ville, il s’agissait des logements des populations les plus défavorisées. Les habitants vivaient selon une forme communautaire partageant les espaces communs et s’échangeant des services. Les Corralas furent détruites lors des nouveaux plans urbains des années 1960.

L’objectif de la Corrala de Vecinas la Utopia est de réinstaurer ce système communautaire d’entraide pour faire face aux situations de détresse et d’isolement liées à la crise. Les membres sont majoritairement des travailleurs avec famille, insérés socialement mais qui ont tout perdu avec la crise et l’éclatement de la bulle immobilière. Des individus tombés dans le cercle vicieux du chômage, de l’impossibilité de faire face au crédit hypothécaire, de l’affaiblissement des liens sociaux et de l’expulsion. Face à cette situation crée par les banques, l’Espagne compte prés d’un million de logements vides appartenant …aux banques.

C’est ce non sens qui a conduit les 36 familles de la Corrala à se reloger dans un bâtiment construit il y a plusieurs années et n’ayant jamais été occupé. Les habitants insistent sur ce point « ce n’est la maison de personne, nous n’avons rien volé, c’est un immeuble vide tandis que nous vivons dans le rue ».  La précision de genre vecinas vient du fait que la mobilisation initiale était féminine, ce sont des femmes qui se sont organisées pour faire respecter leur droit à un logement décent et qui ont organisé l’action. La Corrala fonctionne sur le principe des assemblées, par une prise de décision commune et le plus souvent consensuelle.

Cela fait plus de 6 mois que ces individus (plus d’une centaine) se sont installés dans l’immeuble et les problèmes arrivent. Mercredi passé (le 3 octobre), l’eau a été coupée par ordre de la mairie de Séville. Après une négociation entre  le chef de cabinet et 5 voisins de la Corrala, un accord a été établi pour la rétablir. Hors, le lendemain même, la mairie l’a rompu et a coulé une plaque de béton empêchant tout accès aux canalisations. Face à la colère des familles (de nombreux jeunes enfants vivent dans la Corrala), les autorités ont jugé généreux d’envoyer des barils d’eau potable et de construire une fontaine publique en face de l’édifice.

De la sorte, les familles pourront boire, se laver, faire leur lessive et leur vaisselle dans la rue ! C’est de plus un bon test de solidarité car ils devront partager la  fontaine entre plus de 100 personnes !

Face a cette atteinte aux droits fondamentaux des manifestations ont été organisées devant des réunions du Partido Popular (au pouvoir à Séville) durant lesquelles des habitants se sont lavés devant les responsables politiques pour dénoncer l’absurdité de la situation. Nous nous sommes rendues à d’autres initiatives dont une pièce de théâtre sur l’eau dans la cour de la Corrala dans une ambiance de fête de voisins avec concert surprise au rendez- vous. Selon une militante « il est indispensable de favoriser ces rencontres festives car les 36 familles ne se connaissent pas ou peu et le lien social est la seule manière de trouver l’énergie pour lutter »

Hier (le 9 octobre) a eu lieu l’inauguration de « la fontaine du mensonge et du cynisme », nouveau symbole de la crise et de la décadence de la classe politique qui n’a pu maintenir un accord plus de 24h…