C’est l’histoire d’une loi de régularisation de masse dite en Italie de « sanatoria », soit littéralement d’assainissement, et qui s’applique du 15 septembre au 15 octobre 2012, trois ans après la dernière loi du genre survenue en 2009 qui avait abouti à la régularisation de quelques 500 000 migrants irréguliers présents sur le territoire italien.

C’est l’histoire d’une loi devenue classique en Italie puisque de tels textes sont votés depuis 1986 à rythme régulier tous les trois à cinq ans afin de permettre un accès massif aux permis de séjour aux migrants irréguliers dont le nombre augmente sans cesse. (Parce que c’est aussi l’histoire d’un pays où les migrants irréguliers n’ont presque pas de voie possible autre que la régularisation de masse pour obtenir un permis de séjour ou de travail, et c’est donc l’histoire d’un pays qui voit mécaniquement ré-augmenter après chaque régularisation le volume d’irréguliers présents. Ce qui fait donc, ironie du sort, des gouvernements Berlusconi I, II et II les plus grands « régularisateurs » de l’histoire contemporaine de l’Union Européenne)

C’est l’histoire d’une loi qui contrairement aux précédentes, est critiquée de manière virulente par les associations de migrants pour son opacité et la complexité des mécanismes de dépôt d’une demande. Pour expliquer en deux mots le mécanisme de cette loi, voici qui peut effectuer une demande et comment. Un migrant irrégulier est régularisable si il remplit ces différentes conditions :

– être sur le territoire depuis le 31 décembre 2011 au minimum.

– avoir un travail depuis au moins trois mois, et pour une période d’au minimum six mois.

– que l’employeur gagne au moins 30 000 euro par an (avec quelques adaptations pour les travailleurs domestiques où il n’est demandé « que » 20000 euro par an)

– de ne pas avoir de permis de séjour en cours. Un migrant ayant obtenu un permis court et sur le point d’expirer ne peut donc espérer obtenir une situation stable pour les prochaines années en faisant une demande de sanatoria.

– que l’employeur paie 1000 euro forfaitaire par employé irrégulier à déclarer.

– évidemment, de fournir les pièces justificatives à chacune des conditions ci dessus (date d’entrée sur le territoire, durée de travail, revenus de l’employeur, type de contrat de travail)

 

On l’aura bien vu, la régularisation repose avant tout sur le statut d’actif du migrant, condition indispensable au dépôt d’une demande. Mais il est aussi conditionné à un niveau de revenu conséquent de l’employeur, qui doit de plus débourser une somme importante pour effectuer une demande de régularisation. Sans possibilité de remboursement en cas de refus de cette dernière. La législation contre l’emploi de migrants sans permis de séjour s’est particulièrement renforcée ces dernières années et le dernier texte en date du printemps 2012 intitulé « loi Rosarno » a facilité la dénonciation par les migrants de conditions d’exploitation et de travail inhumaines.

Cependant, la difficulté de remplir toutes les conditions énoncées ci dessus et la brièveté de la période de dépôt de demandes a conduit l’USB, une importante fédération syndicale italienne, à appeler à manifester à Rome et Pise les 4 et 5 octobre pour dénoncer un texte extrêmement discriminant pour les migrants irréguliers les plus précaires. L’USB dénonce via son représentant immigration Aboubakar Soumahoro le fait que les migrants au permis de travail temporaire ne puissent faire de demande, que de nombreux migrants ne peuvent se présenter pour cause de faibles revenus de leur employeur, et que la régularisation soit sans cesse liée à l’employeur sans rendre autonome le migrant dans sa demande.

Pour justifier leurs propos, les représentants syndicaux s’appuient sur le constat du très faible nombre de dossier demandé (environ 30 000) tandis que la Caritas en envisageait entre 200 et 400 000 en juillet dernier lors de la publication de la loi.

Reste à voir si les mobilisations des deux prochains jours feront revenir sur ses déclarations le ministre de la Cooperazione et l’Integrazione Andrea Riccardi qui annonçait le 2 octobre vouloir conserver le texte en l’état, sans allonger la période de dépôt de demande ni modifier les prérequis.