Les 14 et 15 mars derniers, Anne de Tinguy était l’invitée de l’Institut français d’Ukraine à Kiev, dans le cadre des « Journées de la francophonie ».

Deux thèmes particulièrement attendus, dans un contexte international en proie à de nombreuses incertitudes, ont été abordés au sein de deux espaces à forte symbolique : l’Université nationale « Académie Mohyla de Kiev » (NaUKMA) et le Visual Culture Research Center (VCRC).

Fondée en 1632, NaUKMA est l’université la plus ancienne d’Ukraine. Située à Podile dans le quartier historique de la capitale, elle a été pensée et construite selon les standards éducatifs occidentaux et a joué un rôle non négligeable dans la transmission des idées de la Renaissance d’Europe de l’Ouest vers l’Ukraine et la Russie. En 2004, elle fut la première université où étudiants et professeurs se sont réunis pour contester les fraudes électorales commises pendant l’élection présidentielle de Viktor Ianoukovitch.

C’est au sein de cet établissement qu’est né le VCRC, en tant que plate-forme de collaboration entre différents groupes universitaires, artistes et militants de la société civile ukrainienne. Le centre est un lieu de rencontre interdisciplinaire offrant un espace de dialogue à l’occasion de divers événements (expositions, conférences, projections, rencontres publiques, etc.).

 

L’URSS était-elle une grande puissance?

 

C’est dans une salle de classe de la célèbre université, « Académie Mohyla de Kiev », que Madame Anne de Tinguy fit sa première intervention. Je venais de retrouver A., mon amie et professeure au sein de ce bel établissement, pour assister à la présentation de son cours sur l’histoire politique contemporaine. Il faisait chaud dans la salle, les étudiants écoutaient patiemment le cours qui leur était proposé pour l’année prochaine. À quinze heures trente précises, tous ont applaudi, se sont levés, et l’ont vit s’engouffrer dans la salle une vague d’individus cherchant du regard les places encore disponibles. Je décidais alors moi aussi de jouer le jeu : je me lève et pars rejoindre A. tout devant, laissant la chaise que j’occupais à plus timide que moi. Depuis le deuxième rang, j’observe ces personnes venues assister à l’intervention de notre historienne et politologue française. Parmi eux, une femme perce la foule et, en s’adressant à nous s’exclame : « ouvrez la fenêtre ! ». Nous ne bougeons pas d’un pouce. « Il fait bien trop froid dehors », lui rétorque A.. Très vite nous perdons la bataille face à cette dame, qui n’est autre que l’ancienne professeure de mon amie. Le maître sort vainqueur de ce combat. Après tout, la transmission du savoir vaut bien une fenêtre ouverte. À cet instant arrive Madame de Tinguy. Souriante et détendue, elle est accompagnée d’une autre femme, la traductrice. Un peu émue, elle paraît très enthousiaste à l’idée de faire la rencontre de ce public hétéroclite ; sentiment réciproque sans aucun doute, tant l’atmosphère qui se dégage de la salle est teintée d’excitation et de respect. La « dame à la fenêtre » se lève pour introduire notre invitée, puis, sous les applaudissements, elle lui laisse la parole. Mon stylo à la main, je suis prête pour m’imprégner de nouvelles connaissances.

 

La notion de « puissance » est très complexe et multiforme. Pour Anne de Tinguy, ce terme « relève non seulement de la capacité d’action, mais aussi de l’influence du pays sur son environnement » ; elle-même nourrit par l’idée que l’on se fait de cette puissance. Ainsi, on comprend l’importance de la « représentation » d’un État dans le système international. Être une « grande puissance » ne dépend pas uniquement de facteurs économiques, politiques ou militaires, mais également de l’image que l’on développe et transmet au reste du monde.

Cette idée renvoie notamment à la distinction traditionnellement faite en France et aux États-Unis entre les formes civiles (diplomatie publique, soft power) et militaires de l’influence. Le concept de soft power, et plus récent, de smart power[1], a été théorisé par l’universitaire américain Joseph Nye dans son ouvrage Soft Power: The Means to Success in World Politics. Cette notion illustre la capacité d’un acteur politique, en général un État, à influencer le comportement d’un autre acteur ou la perception qu’il a de ses intérêts sans avoir recourt aux moyens relevant du hard power (menace, contrainte militaire et économique…). Autrement dit, « l’influence d’un acteur est liée à son attractivité qui est à la fois inhérente et fabriquée : elle résulte des valeurs et des normes véhiculées par cet acteur, qui sont supposées revêtir une dimension supérieure et une portée universelle ; elle découle aussi d’une action extérieure directe, qui s’exerce par la diplomatie publique, voire par la manipulation des opinions »[2].

 

Pendant des décennies, l’Union soviétique a été considérée comme la deuxième grande puissance aux côtés des États-Unis. Pourtant, elle a souvent été décrite comme une « superpuissance sous-développée », un « colosse aux pieds d’argile » et pendant près de cinq siècles, le retard entre la Russie, l’Europe et les États-Unis ne s’est jamais réduit et perdure encore aujourd’hui.

« Une Union fragile, sous-développée, dont le coût humain a été tragique ; tout cela, nous le savions depuis longtemps [rappelle Anne de Tinguy], pourtant, lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, elle a pris tout le monde de court ». Personne ne pouvait anticiper un tel événement puisque l’analyse qui était généralement faite était que « l’URSS, malgré ses imperfections et ses faiblesses était stable, et c’est cette image qui a perduré ».

Pour mieux saisir la réalité de cette image que l’Union soviétique a su conserver pendant si longtemps, nous devons tout d’abord analyser les facteurs qui lui ont permis d’être considérée comme une puissance. Ensuite, il s’agira d’identifier les sources de puissance et d’influence qui lui ont permis de nourrir cette image tout au long du XXe siècle.

L’Union soviétique a été un immense territoire, le plus vaste au monde. Selon Anne de Tinguy, deux caractéristiques principales de cet empire hérité de la période tsariste ont profondément marqué la conscience collective des Soviétiques et des russes encore aujourd’hui: « d’une part, la Russie Tsariste s’est construite de manière quasi constante pendant cinq siècles ; d’autre part, cette progression s’est faite dans la continuité territoriale ». C’est la combinaison de ces deux facteurs, le spatial et le temporel, qui a largement « accentué l’immensité de l’espace impérial » et a participé à la diffusion « d’un sentiment de stabilité à l’égard de cet Empire, favorisant la notoriété de celui-ci sur la scène internationale, particulièrement après le 18e siècle ». Durant cette période, la priorité a été donnée à la construction d’une puissance internationale plus qu’à la mise en valeur de ressources économiques ce qui explique que, malgré les réformes mises en œuvre au sein de l’Empire, l’écart avec d’autres pays européens ait toujours existé.

Mais cette distance va être contrebalancée par la mise au point par l’Union soviétique d’un réseau d’alliances à travers le monde, extrêmement puissant et qui perdure encore aujourd’hui.

D’une part, après la Révolution de 1917, l’URSS récupère les frontières de l’Empire tsariste auxquelles elle y associe rapidement de nouveaux territoires[3]. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dont elle sort victorieuse, elle élargit son empire interne en « soviétisant l’Europe de l’Est » le cœur de son système international, où elle est parvenue à imposer l’idée de l’irréversibilité de ce nouveau camp soviétique européen, dans lequel « chaque tentative d’autonomie est soldée par un échec »[4].

D’autre part, l’Union soviétique va gagner en puissance au sein du « Tiers Monde » en formant des alliances sur tous les continents. Dans les années 1970, elle prouve sa capacité à intervenir au-delà de son territoire, en Afrique et en Asie[5], elle passe alors d’une puissance régionale à globale. Ce réseau d’alliances lui permet d’être présente à travers le monde au sein des élites dirigeantes de nombreux pays (par l’intermédiaire du KGB notamment). Par ailleurs, le soutien de puissances comme l’Inde et Cuba est très utile pour l’Union soviétique, qui se voit soutenue à l’Assemblée générale des Nations Unies grâce aux votes des pays du Tiers Monde, et « relayée par ses partenaires comme les Cubains qui sont intervenus en Angola en appuient à la puissance soviétique ».

 

Au-delà de cette stratégie d’alliance mise en œuvre par l’Union soviétique, Anne de Tinguy nous rappelle aussi le rôle qu’a joué le facteur idéologique dans la construction du statut de grande puissance de l’URSS. En effet, l’Union soviétique a été porteuse d’une idéologie qui a exercé une très forte attraction à travers le monde, contribuant à lui donner son « statut de leader du camp socialiste ». Pendant longtemps, une partie des opinions publiques occidentales, notamment en France où le Parti communiste a joué un rôle politique très important[6], a apporté un soutien essentiel aux décisions prises par l’URSS. Véritables relais de la diplomatie soviétique, les instruments du Kominterne puis du Kominform ont mis au point un « dispositif d’information et de désinformation très fort pour diffuser une image positive de l’URSS et alimenter les mouvements de sympathie à son égard ».

Enfin, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS bénéficie d’un grand prestige qui lui permet de se construire un statut de grand aux côtés des États-Unis. Elle fait le choix de la rivalité dans la Guerre froide face aux pays occidentaux. Le système international se structure très largement autour de ces deux grands acteurs dont la compétition se déplace dans le Tiers Monde. Le monde se retrouve coupé en deux systèmes sociaux politiques antagonistes ; et l’URSS est à la tête de l’un deux. Une bipolarité synonyme de puissance pour l’Union soviétique puisqu’elle représente l’autre « grand ». Dans sa course compétitive avec les États-Unis, l’Union soviétique s’est dotée de plusieurs caractéristiques faisant d’elle une grande puissance et devient très riche en matière militaire notamment. À cette période, elle constitue également la troisième population mondiale et la première en Europe.

Finalement, c’est par la combinaison de nombreux facteurs (géographique, historique, et idéologique notamment), renforcés par ma mise en œuvre d’une stratégie globale de mise en réseau et d’opposition face aux États-Unis, que l’URSS a su nourrir l’image qu’elle offrait au monde : celle d’un Empire stable, irréversible et offrant une alternative face à la puissance américaine.

 

Quelles perceptions de l’Ukraine en France?

 

Le lendemain, nous accueillons Madame de Tinguy au Visual Culture Research Center (VCRC) pour sa seconde intervention. J’arrive très en avance ce soir-là. Je me sens étrangement investie d’une grande responsabilité : assurer le bon déroulement de la séance. Je ne sais quels sentiments de fraternité ou de compassion vis-à-vis de ma compatriote me poussent à prendre ce rôle très à cœur. Après tout, notre sociologue française connaît sûrement bien mieux l’Ukraine que moi. Pourtant aujourd’hui, j’ai l’avantage de connaître les lieux : je sais où se trouvent le thé, les toilettes, je connais bien les membres du centre avec qui je travaille et à qui je peux demander de l’aide au nom de notre intervenante si besoin. C’est un terrain que je maîtrise et je sais à quel point la plus insignifiante chose peut se révéler compliquée lorsque nous sommes loin de notre confort habituel. Beaucoup de personnes sont venues écouter Madame de Tinguy ce soir. Parmi elles, je reconnais la « dame à la fenêtre » avec qui je prends plaisir à discuter, ce jeune homme qui avait posé une question pertinente lors de la première intervention, et cette femme dont j’avais gardé en mémoire la longue chevelure la veille. Les caméras sont installées, nous prenons place, l’intervention peut commencer.

 

Au moment de la chute de l’URSS, l’Ukraine et peu et mal connue en France. Elle bénéficie d’une faible représentation dans les médias et au sein de l’opinion publique. Son indépendance est accueillie en France et dans d’autres pays occidentaux avec une certaine indifférence voir un certain scepticisme. Tandis que le président américain parle à l’époque d’« un nationalisme suicidaire », Valéry Giscard D’Estaing affirme en 1993 à la télévision que « l’indépendance de l’Ukraine n’est pas plus fondée que le serait en France celle de la région Rhône-Alpes ». L’Ukraine n’est d’ailleurs guère plus présente dans la politique extérieure des dirigeants français et il faut attendre la fin des années 1990 pour que les présidents ukrainien, Léonid Koutchma, et français, Jacques Chirac, se rencontrent.

Comment expliquer une telle réserve et une telle indifférence ?

Anne de Tinguy expose trois raisons à cela.

La première, c’est que les pays occidentaux ont pris un certain temps à prendre la mesure des événements en URSS, car personne n’avait prévu ni anticipé la chute de l’Union soviétique.

La deuxième c’est que « les considérations stratégiques ont amené la France comme les autres pays occidentaux à regarder avant tout du côté de la Russie ». D’une part, la peur de la prolifération nucléaire liée à l’éclatement d’une puissance nucléaire devient l’élément central de la réflexion des pays occidentaux à cette époque. D’autre part, lorsque Jacques Chirac était au pouvoir en 1995 il avait une perception de l’Europe de deux ensembles, deux pôles : il pensait que l’ensemble de la Communauté des États Indépendants formerait le second pilier de cet ensemble. Ainsi, la France pendant toutes ces années a largement considéré la Russie comme son principal partenaire au sein de l’espace postsoviétique.

Enfin, la troisième et dernière raison qui expliquerait l’attitude peu engagée de la France à l’égard de l’Ukraine est en lien avec l’historiographie. La France est « traditionnellement russophile et russocentrée ». Au moment de l’effondrement de l’URSS, il n’existe pratiquement pas d’historiens spécialistes de l’Ukraine, et très peu de recherches sont menées sur ce pays qui pendant longtemps a été considéré comme « une variante régionale de la Nation russe ».

« Mais tout cela, nous dit Anne de Tinguy, c’est du passé. Maintenant les choses ont beaucoup changé ».

Les perceptions de l’Ukraine en France restent aujourd’hui contrastées, mais ont beaucoup évolué. L’annexion de la Crimée et la guerre dans le Donbass ont changé la donne stratégique, même si trois ans après ces événements il y a encore beaucoup d’incertitudes : l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, les conflits au Moyen-Orient aux larges répercussions, une Union européenne en crise, les relations russo-ukrainiennes qui ne sont pas redéfinies, etc. Le contexte international garde une forte influence sur la question ukrainienne, et sur les perceptions que nous avons dans notre rapport à l’Ukraine et à la Russie en France.

 

Mais aujourd’hui, ces perceptions ont bien changé : il existe un très fort engagement de la France aux côtés de l’Ukraine. Les événements produits depuis trois ans ont beaucoup intéressé les Français qui les ont suivis de très près.

En 2013, l’Ukraine faisait la une de tous les journaux même si très vite son actualité se voit dépassée par la guerre en Syrie, l’élection américaine et le Brexit.

À travers les rapports qu’entretient la France avec l’Ukraine, la question que soulève l’intégration du pays à l’Union européenne ou à l’OTAN, on voit que les Français sont partagés bien que les perceptions aient évolué dans l’intérêt consacré à l’Ukraine.

Dans les médias, la France a d’excellents journalistes et chercheurs spécialistes de l’Ukraine et de plus en plus de travaux universitaires, de thèses et de mémoires se font sur ce pays.

En février 2014, au plus fort de la crise politique, Laurent Fabius est venu à Kiev pour parler à Victor Inaoukovitch. Lorsque ce dernier a pris la fuite, la France a soutenu les nouvelles autorités. Quelques jours plus tard, la France a condamné l’annexion de la Crimée puis l’intervention de la Russie dans le Donbass.

« À Paris l’annexion de la Crimée a été vue comme l’une des crises les plus graves en Europe depuis la fin de la Guerre froide ».

Face à la situation, la France a exprimé son soutien de plusieurs manières.

D’une part, elle apporte un soutien politique au pays agressé. Elle dénonce les actions de la Russie à l’encontre de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, le non-respect de la Russie vis-à-vis de ses engagements internationaux pris à l’égard de l’Ukraine, mais aussi des pays occidentaux.

D’autre part, la France a participé à la mise en place de sanctions à l’égard de la Russie. Des sanctions qui ont fait l’unanimité au sein de l’Union européenne : le comportement de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine a réussi à mettre d’accord les 28 pays membres (la Grande Bretagne comprise) ce qui marque la gravité de la situation et la volonté commune des pays de l’Union européenne de jouer un rôle dans la résolution de ce conflit.

Le soutien de la France dans ce contexte a été aussi l’approbation du format de Normandie et dans ce cadre la négociation des accords de Minsk signés en février 2015. Depuis 2015 les dirigeants français déploient avec leurs homologues allemands des efforts importants, pour promouvoir un règlement du conflit dans le Donbass. Quasi quotidiennement des rencontres de haut niveau et des échanges téléphoniques sont organisés. L’idée des dirigeants français est qu’il ne peut exister « d’alternative aux accords de Minsk ; il faut tout mettre en œuvre pour qu’ils soient respectés ».

 

Selon Anne de Tinguy, il existe plusieurs facteurs d’explications des évolutions et de ces perceptions contrastées de l’Ukraine en France, qui s’expliquent en particulier par le rapport que nous avons à la Russie.

En France, la Russie est perçue comme un marché économique très important (ce qui explique que les Français aient été majoritairement en faveur de la livraison des Mistral aux Russes bien que la livraison n’ait pas eu lieu).

Un certain nombre de Français considèrent que l’indépendance de la France est mise en danger par la domination américaine en Europe et voient la Russie comme un contre poids. L’idée qu’il n’existerait pas d’indépendance de la France sans une Russie forte est au cœur des idées du Front national notamment.

Enfin, la Russie tient un rôle important dans la perception de l’Ukraine en France, car elle a été « le catalyseur de la réflexion occidentale de l’Ukraine depuis les années 90 ». Les médias russes exercent un rôle important dans la diffusion d’une certaine image de la Russie – et de l’Ukraine – au reste du monde. Russia Today et Sputnik sont des sites particulièrement consultés en Europe. Certains organismes comme l’Institut de la Démocratie et de la Coopération à Paris ont été créés sous l’initiative de la Russie et ont donné des résultats marquants en faveur de la Russie.

 

Il est vrai que la Révolution orange en Ukraine a marqué un tournant dans la perception que les Français et d’autres Européens avaient de l’Ukraine. C’est à ce moment que beaucoup d’entre eux ont pris conscience de la singularité de la trajectoire ukrainienne. Puis les événements de Maïdan en 2004 puis en 2013-2014 et l’annexion de la Crimée avec la guerre à l’Est du pays ont marqué un second tournant. Aussi, l’engagement européen de l’Ukraine explique aussi très largement le changement européen de perception en France.

Cependant, de nombreuses incertitudes persistent encore aujourd’hui et empêchent une lecture claire et stable de la situation en Ukraine et de son avenir dans ses relations avec la Russie d’un côté et les pays occidentaux de l’autre. En ce qui concerne la Crimée et le Donbass, rien n’a été réglé malgré les efforts entrepris par tous. François Hollande a par ailleurs reconnu le blocage du processus de Minsk, un échec tragique « pour les personnes concernées, les Ukrainiens dans Donbass surtout, mais aussi pour la vie diplomatique, car les promesses ne sont pas retenues et les deadlines ne sont pas respectés ». Faut-il en conclure que le processus de Minsk va nous mener à une impasse ? Les Français et les Allemands ont-ils eu tort de signer les accords de Minsk I et II ?

À ces questions, Anne de Tnguy fait les remarques suivantes :

En 2015, ces accords sont le reflet de rapports de force sur le terrain. Avions-nous réellement le choix de cet engagement ?

Le cessez-le-feu n’est pas respecté les violences continuent, mais le niveau de la violence a diminué. Minsk II est imparfait, et a conduit à de nombreuses frustrations, mais en même temps c’est un canal de dialogue qui permet à l’Ukraine de ne pas rester en tête à tête avec la Russie.

 

 

Anne de Tinguy est une historienne et politologue française spécialiste de la politique étrangère de la Russie et de l’Ukraine. Docteur en sciences politiques, elle enseigne à l’Institut d’études politiques de Paris (IEP) ainsi qu’à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Elle est aussi responsable académique du double master « Études Internationales » SciencesPo-MGIMO (Institut d’État des relations internationales de Moscou) et vice-présidente de l’Association française des études ukrainiennes.

 

 

[1] Plus récent, le concept de smart power désigne la combinaison du soft power et du hard power en diminuant la nécessité de la coercition sans pour autant renoncer à l’expression de la puissance militaire.

[2] « Les Stratégies et les pratiques d’influence de la Russie », Céline Marangé. Étude réalisée par l’Institut de Recherche stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM)

[3] En 1939, dans le cadre du pacte Germano-Soviétique, l’URSS annexe plusieurs territoires, dont les pays baltes, ainsi qu’une partie de la Pologne et de la Bessarabie.

[4] C’est au nom de cette irréversibilité que l’URSS justifie ses interventions militaires comme en Tchécoslovaquie

[5] Intervient en Afrique (Angola, Corne de l’Afrique), en Asie (Cambodge, Afghanistan)

[6] Notamment en France où le Parti communiste a joué un rôle politique très important, 1er parti en France après 1945, 1 Français sur 4 votait PCF à cette époque. PCF a été l’un des plus fidèles partis, véritable relais de la diplomatie soviétique il a soutenu toutes les décisions prises par l’URSS.