En décembre dernier, j’ai passé quelques jours à Melilla en tant que volontaire du réseau euro-africain Migreurop et en collaboration avec l’association Málaga Acoge. Mon expérience a confirmé ce que j’avais pu lire dans la presse et dans les rapports des organisations non gouvernementales. Melilla représente à la perfection la forteresse Europe.

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Frontière hispano-marocaine à Melilla

En décembre dernier, j’ai passé quelques jours à Melilla en tant que volontaire du réseau euro-africain Migreurop et en collaboration avec l’association Málaga Acoge. Mon expérience a confirmé ce que j’avais pu lire dans la presse et dans les rapports des organisations non gouvernementales. Melilla représente à la perfection la forteresse Europe. La ville est entourée d’une quadruple barrière, protégée par des technologies de pointe et des barbelés, très lucrative pour certaines entreprises européennes, mais qui ne cesse de blesser les personnes qui tentent de la franchir. La Guardia Civil est omniprésente. Juste à côté d’un terrain de golf indécent, un centre surpeuplé accueille dans des conditions indignes ceux qui sont parvenus à entrer. En arrivant au Centre de séjour temporaire pour immigrés (« Centro de Estancia Temporal de Inmigrantes », ou CETI), les nouveaux résidents reçoivent peu d’informations sur leur situation administrative et attendent des mois leur sortie vers la péninsule, sans savoir quand exactement ils pourront embarquer en direction de Málaga.

Parfois, c’est encore pire. J’ai pu parler avec deux femmes et leurs enfants syriens qui avaient été expulsés du CETI, les pères syriens respectifs n’étant pas présents. Ils dormaient sous des tentes en face du CETI, sans aucune assistance de la part des autorités. Ils vivaient dans des conditions très précaires, avec peu de nourriture et privés d’accès à des sanitaires ou à un médecin. Peu importait qu’un enfant de deux ans et une fillette d’environ huit ans soient malades. Il aura finalement fallu la visite d’une chercheuse d’Amnesty International Espagne et la pression médiatique pour que les autorités du CETI réintègrent dans le centre ces deux familles au mois de janvier.

Après mon court séjour à Melilla, je ne parviens toujours pas à comprendre le déploiement de ressources aussi importantes dans le système de surveillance de la frontière. Depuis 2005, 22 000 euros ont été dépensés quotidiennement dans l’installation et l’entretien des barrières de Ceuta et Melilla. Ce chiffre, déjà très important, n’inclut même pas les coûts liés à la présence permanente de centaines d’agents de la Guardia Civil dans l’enclave. Dédier autant d’argent au contrôle d’une frontière de 12 kilomètres n’est pas seulement absurde. C’est contreproductif.

Premièrement parce que les gens continueront de migrer à cause des guerres, des persécutions et du manque de perspectives d’emploi dans leur pays d’origine ou avec l’espoir légitime de rejoindre leur famille en Europe. Et tant que les frontières de l’Europe resteront fermées, les personnes se verront obligées d’entreprendre des voyages toujours plus coûteux, dangereux et parfois mortels. Les naufrages en mer et les profits des réseaux mafieux existent uniquement faute de voies d’accès légales et sûres vers l’Europe.

Deuxièmement parce que l’argent dépensé dans les barrières de Ceuta et Melilla, ainsi que dans les budgets de l’agence Frontex (l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures de l’Europe) et du Système Intégré de Vigilance Extérieure (spécifiquement dédié au contrôle de la frontière Sud de l’Espagne), dans les vols d’expulsion et les centres de rétention administrative, pourrait servir à mieux intégrer les personnes étrangères récemment arrivées en Europe.

En fin de compte, avec un peu de volonté politique, nous pourrions assurer un accueil digne à ces personnes, ce qui leur permettrait de développer leur potentiel et ainsi de contribuer pleinement à la société européenne, comme le souhaite l’écrasante majorité d’entre elles.

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Cet article d’opinion a été publié en espagnol dans le journal local La Opinión de Málaga le 23 janvier 2016.

Article dans La Opinión de Málaga - janvier 2016

Je remercie Clément, également volontaire de la session 17, qui m’a gentiment proposé une première traduction de l’article en français, à laquelle j’ai apporté quelques modifications.