Un premier étonnement

Cela fait un mois et demi que je suis arrivé à Podgorica, un mois que je fréquente les locaux de ADP-Zid dans le vieux centre de la ville, dans le quartier turc – comprendre ici, le quartier musulman. Mais là n’est pas le sujet dont je souhaite parler maintenant…

Zid fonctionne grâce à la participation de volontaires. Il y a quelques adultes, ce sont les cadres de l’organisation, les salariés. Mais le reste n’est formé que de jeunes, et ils sont nombreux. En effet, tout les jours des jeunes passent, il y a des réunions, ils ont des projets, ils veulent des infos ou alors participer à des activités. Quand je dis qu’ils sont jeunes, ils le sont vraiment, et oui, ils me font sentir vieux… Hier je parlais avec Iva qui est volontaire pour plusieurs organisations, elle à 18 ans. Le jour d’avant une réunion avait lieu entre quatre personnes, elles discutaient de la façon dont elles devraient contacter les écoles de la ville pour les impliquer dans un projet de mobilisation citoyenne en avril consistant à nettoyer des lieux polluer par des déchets, la plus vieille avait 19 ans – Let’s Do It Montenegro, Let’s Do It World.

Tant que notre corps fonctionne, tant que l’on peut continuer à se mouvoir aisément, ce sont toujours les autres qui nous font se sentir vieux, ce processus est normal. Mais je n’aurais jamais pensé, avant d’arriver ici, que je ressentirais cela en travaillant avec Zid. Oui, je suis tout le temps (ou presque) le plus vieux, les volontaires sont nombreux, leurs activités et projets sont intéressants et variés. Parfois nous travaillons ensembles, et c’est après, lorsque nous allons en groupe boire un café, que je deviens le vieux. Oui, ce n’est pas quand on travaille ensemble que je le ressens, je crois même que sur ce point il n’y a aucune différence entre eux et moi. C’est lorsque nous avons terminé et qu’ils se mettent à parler de la rentrée en fac l’année prochaine que je me sens vieux, que mes muscles me font mal, que mes cheveux blanchissent, que j’ai besoin de ma canne pour lever…bon, c’est vrai, là j’exagère.

ADP-Zid n’est pas le seul

Hier soir, je me rends à la réunion hebdomadaire des volontaires de la Croix Rouge – Crveni Krst Crne Gore. Quand la porte s’ouvre, encore une fois, je me prends une sacrée claque. Les volontaires sont une trentaine, ils sont encore plus jeunes qu’à Zid, ou, du moins, il me semble. Mais une chose est sûr, après la coordinatrice, c’est moi le plus vieux. Encore une fois je suis ébahi. L’ambiance dans la salle devient assez excitée, les jeunes, émoustillés par l’arrivée d’un étranger, se rassemblent autour de moi. Qu’elles quelques-unes, des jeunes filles, se montre plus déterminées, elle s’imposent, installent des chaises, et commence à me présenter l’ensemble de leurs activités avec la Croix Rouge : organisation de loisirs et d’activités artistiques avec les jeunes rroms vivant dans le camp, aide aux personnes âgées, sensibilisation de la population au trafic d’êtres humains…

Zid n’est donc pas un cas un isolé. A Podgorica, les volontaires (ou bénévoles) sont très jeunes. C’est très différent de ce que je connais, j’avais leur âge il n’y a pas si longtemps, et je me souviens bien que dans les collèges ou lycées parisiens que j’ai fréquentés la participation en tant que bénévole dans des assos n’était pas le principal sujet de discussion dans la cour de récré, ni même le second. En France, on a tous en tête la capacité des lycéens à se mobiliser lors de certaines manifestations, cependant j’en ai croisés très peu dans le monde associatif et militant.

Je n’ai pas de réponse…

Pourquoi une telle différence ? A vrai dire je ne sais pas, et je ne prétendrai pas apporter une réponse. Je peux en revanche apporter trois éléments de réflexion. Premièrement, le Monténégro connaît une très forte émigration des jeunes en fin d’études, ceux qui ont donc à peu près mon âge – j’ai 26 ans. Deuxièmement, en France, ce sont essentiellement des retraités qui distribuent des repas chauds l’hiver avec les Restaus du Cœur, ici beaucoup de personnes âgés doivent continuer à travailler pour continuer à vivre. Troisièmement, le premier ministre est au pouvoir depuis 25 ans, beaucoup considèrent qu’il n’y aucun espoir de changer cela. Ainsi, une volonté d’engagement individuel politique et citoyen sera plus facilement orientée vers le monde associatif que vers des partis politiques. Je le répète, il ne s’agit pas d’une réponse à ma question, mais seulement de choses que j’ai appris depuis mon arrivée ici et qui valent le coup d’être pensées. Franchement, ces jeunes me fascinent. Est-ce ainsi dans tout le Monténégro ou seulement dans la capitale ? Comment ont-t-ils commencé ? Pour quelles raisons ?

Je me suis engagé à revenir à Paris en avril avec un documentaire sur les mouvements sociaux au Monténégro. Une thème très large, je n’avais pas d’idée claire et définie, il me fallait la trouver. Et bien voilà, j’en suis sûr, j’ai trouvé. Ces jeunes font un travail superbe, je suis étonné, curieux, admiratif. Moi, ce que je peux faire c’est en parler, c’est montrer ce qu’ils font, qui ils sont. Dans ce monde d’adultes, ces jeunes méritent d’être mis au devant de la scène ! Dans mon documentaire se seront eux les premiers !