C’était prévu, vendredi soir en quittant l’IFAD, je note sur mon agenda pour ce lundi matin « brève EP ». Ça fait un moment que je n’ai pas écrit un article en parlant des activités que je mène avec le réseau IDD et l’IFAD au Maroc ou sur mon volontariat. J’avais prévu d’écrire sur la question des oasis au Maroc. La COP 21 approche, mes associations d’accueil et d’origine et les associations françaises ou marocaines partenaires du projet mènent des activités sur la question de la préservation des oasis. Cette question est très intéressante et forcément liée au changement climatique. Alors ce lundi, c’était l’occasion de parler de tout cela.

Mais vendredi soir, l’horreur a (encore) frappé. En fait, l’horreur frappe tous les jours mais vendredi soir, Paris a été la cible de l’effroi et forcément, depuis le Maroc, j’ai tout de suite pensé à mes proches, famille, am-i-e-s, collègues, et connaissances vivant à Paris. Entre tristesse pour les victimes et leurs proches et colère envers les récupérations politiques et médiatiques des évènements, ce weekend j’étais au Maroc mais mon cœur était en France.

Aujourd’hui, de retour à l’IFAD, je décide que finalement je n’écrirai pas sur les oasis, je vous propose un article que j’ai écrit sur le blog du projet IDD/IFAD sur un atelier d’échanges d’expériences que nous avons organisé en septembre dernier sur la préservation des oasis: ici

Mais sur ce blog, je vous propose un autre article, une brève, une page de journal intime de sentiments personnels.

Choc, Facebook, tristesse, rage et espoir.

Vendredi 13 novembre. 21h30 (heure marocaine) : Choc. Je suis à Rabat, dans un restaurant et je reçois un message d’un ami marocain : « Tu as vu les news ? Il y a quelque chose en France ». Je n’ai pas accès à internet, je m’interroge, j’envoie des messages et je commence à avoir des réponses : « Fusillade en cours dans les 10e et 11e arrondissements de Paris, plusieurs morts », « C’est un attentat, 18 morts », « Bastille, République, Bataclan, Stade de France », « Bain de sang au Bataclan », « 60 morts ». Et puis, plus tard dans la nuit, les informations commencent à devenir plus claires, le bilan plus lourd, le constat plus triste et plus amer.

Samedi 14 et dimanche 15 novembre 2015 : Facebook, tristesse et rage.

Facebook. Au lendemain des attentats, je m’assure que mes proches vont bien. Le Monde, Libé, l’Huma, Médiapart, … je lis les news. Facebook c’est bien et pratique, surtout quand tu es loin de chez toi, tu peux rapidement avoir des nouvelles et t’informer. Mais sur Facebook on trouve aussi tout et n’importe quoi. On trouve le meilleur, des messages d’amour, de soutien, de paix et puis on trouve aussi le pire. A peine, les dernières balles tirées, les messages racistes, de haine commencent aussi. Sérieusement, il y en a qui ne pourraient pas juste se taire ? On dit « tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler » mais on devrait instaurer « lire sept fois son twit avant de twitter ».

Facebook me propose aussi de mettre un filtre « bleu, blanc, rouge » sur ma photo de profil. D’ailleurs, beaucoup de mes ami-e-s le font. C’est bien, pourquoi pas, si ce filtre est un soutien aux victimes, chacun-e est libre d’apporter son soutien comme il/elle le souhaite. Mais pourquoi, jeudi, Facebook ne m’a pas proposé de mettre un filtre avec le drapeau du Liban ? Pourquoi Facebook ne m’a proposé de mettre le drapeau du Kenya quand la folie de Boka Haram a tué ? Pourquoi Facebook ne m’a jamais proposé de mettre le drapeau palestinien ? Pourquoi Facebook ne m’a jamais proposé de mettre le drapeau de la Syrie pour les victimes depuis 2011 ? Pourquoi Facebook ne crée pas un filtre pour toutes les victimes qui meurent en méditerranée à cause des politiques migratoires ? Pourquoi Facebook n’a pas créé un filtre pour les victimes civiles en Afghanistan ou en Irak, … Pourquoi ?

Alors, les amalgames, les messages racistes et bêtes, l’hypocrisie sont tellement présents, que tout de suite la colère vient accompagner la tristesse.

Tristesse et Rage. Les attentats de Paris de ce mois de novembre m’ont touché. Mais je ne peux m’empêcher de penser à tellement d’autres choses: Séquestration de la Palestine, politiques économiques colonialistes et pillages occidentaux, destruction de la planète et dérèglement du climat, politiques migratoires meurtrières, désastres humains à cause de spéculation immobilière, exploitations et commerces d’êtres humains, répression des droits des femmes, privilège du pétrole et du gaz face à la liberté d’expression et aux droits humains, marché des armes … La liste est longue. Autant d’indignations qui me rendent aussi triste que révoltée. Parce que si on y regarde bien, tout est lié. Des accords commerciaux, économiques et politiques sont pris chaque jour entre ceux et celles qui se donnent le droit de diriger le monde comme ils/elles le souhaitent.

Au cœur de ces désastres, des innocent-e-s paient pour des injustices ou des guerres qui ne sont pas les leurs.

L’Etat Islamique et ses monstres, qui se font passés pour des soldats d’Allah n’ont rien de musulman, ils n’ont même rien d’humain. Ces hommes et ces femmes se sont faits manipulés, ils ont malheureusement été complétement déshumanisés et se retrouvent dans une organisation qui est un vrai fléau.

Certains politiques à la tête de gouvernements ou de grandes institutions internationales, des « hommes d’affaires » à la tête de multinationales, les trafiquants d’armes qui agissent en leurs propres intérêts, et ne pensent qu’au profit engendrent des guerres économiques et des fléaux comme l’islamophobie, le racisme, le colonialisme, tous ces ingrédients reliés par les médias.

Lundi 16 septembre. Espoir.

Mais ce matin, vu que mon idée était d’écrire une brève sur ce blog, je décide de faire un tour sur ce blog des volontaires. Tous ces articles écrits, le sont par des jeunes volontaires, une poignée de jeunes représentatifs de la jeunesse mobilisée autour de mouvements alternatifs pour lutter contre ces inégalités. Des jeunes, comme elles/eux, j’en connais plein. Des ami-e-s en France, français-e-s ou non, des ami-e-s au Maroc, marocain-e-s ou non.

Ce matin, j’arrive au bureau et je suis en contact avec ces jeunes mobilisé-e-s avec lesquels je travaille. Membres d’associations partenaires du projet Démocratie Participative dans différentes régions marocaines, ou membres d’Ejoussour, première radio associative au Maroc avec lesquels je travaille aussi. Ces jeunes étaient d’ailleurs réunis il y a trois semaines lors d’une Université d’Automne de la Jeunesse organisée par le réseau IDD, l’IFAD et le CCFD-TS (si vous êtes intéressé-e-s, mon article sur le sujet ici). Durant cette université, une soixantaine de jeunes du Maroc et de France étaient réunis pour échanger sur divers sujets qui les touchent et pour échanger sur leurs participations citoyennes.

Ce matin, je repense à tous ces jeunes ou moins jeunes, ami-e-s, connaissances, personnes croisées et tous ceux et celles que je ne connais pas. Je repense à tous ces artistes engagés qui par leurs musiques, leurs danses, leurs peintures, … mènent de réels combats. Et je repense à tous les mouvements alternatifs et altermondialistes qui mènent de réelles batailles et remportent de belles victoires.

Tout cela me redonne espoir.

Je n’ai pas confiance en les partis politiques ni en leur politique politicienne qui servent des intérêts qui ne sont pas ceux du peuple. Je n’ai pas confiance en leur politique anti-terroriste. Je n’ai pas confiance en les médias de masse qui essaient de vendre leurs idées orchestrées par multinationales et politiques. Je n’ai pas confiance en les grandes institutions internationales.

Mais j’ai confiance en nous.

A celles et ceux qui jouent le jeu de l’hypocrisie,

A celles et ceux qui se trompent d’ennemi,

A celles et ceux qui font les amalgames,

A celles et ceux qui veulent prendre des décisions politiques dont vous ne voulons pas,

A ceux et celles qui veulent nous diviser,

A celles et ceux qui veulent instaurer un climat de haine, de racisme et d’islamophobie,

A celles et ceux qui veulent endormir nos cerveaux avec des médias manipulés,

A celles et ceux qui veulent nous faire taire,

A celles et ceux qui veulent nous faire peur,

Sachez que nous sommes des millions. Sachez que nous sommes des femmes et des hommes, de tous les âges, de toutes les couleurs, de toutes les religions, de toutes les régions, de toutes les catégories sociales, de toutes les orientations sexuelles. Sachez qu’on porte des mini-jupes ou des hijabs, des costards, des saris ou des boubous, qu’on a des dreads, des tatouages, ou des longues barbes. Sachez que nous sommes uni-e-s et que nous sommes partout : dans les bars, dans les salles de concert, dans les stades de foot, dans les associations, dans les mouvements sociaux, dans les mosquées, les synagogues, les églises, dans les universités, les écoles, dans les entreprises, dans les administrations, dans les rues, sur les réseaux sociaux et ailleurs.

Et en plus, sachez qu’on veut la paix et qu’on s’aime, alors vous êtes mal barrés !

Je présente mes sincères condoléances aux familles et proches des victimes.