Hamid Mhandi est le représentant syndical à Ait Aamira petite ville ouvrière à une heure de voiture au sud d’Agadir. Cette ville est située au centre de la plaine agricole du Souss Massa Draa. Spécialisée dans la production sous serres de produits maraîchers, la plaine regroupe un bon nombre d’entreprises étrangères comme marocaines (souvent filiales d’entreprises européennes). Hamid a travaillé pour une de ces enseigne pendant près de dix ans.

Avant d’être délégué syndical, il habitait Khenifra avec sa famille. Ses parents étaient commerçants dans le tourisme. Ils ont, par la suite, pu s’acheter une petite propriété et commencer un travail à la ferme, être leurs propres patrons. Avec 1500Dhm en poche (150€), Hamid est venu à Aït Aamira avec sa femme pour chercher du travail, laissant son fils chez ses grand parents.

L’argent venant à manquer, c’est sa femme qui a du commencer à entretenir le foyer en travaillant comme ouvrière agricole. Petit à petit, à deux, ils ont réussi à gagner le nécessaire pour construire une maison, et maintenant la famille de six personnes vit à Ait Aamira. Je lui demande si pour les femmes trouver du travail c’est plus facile. Il me répond que 60% ou plus des ouvriers de la région et même plus, sont des ouvrières.

  • « Pourquoi ?
  • Parce qu’elles travaillent mieux.

  • Pourquoi ?

  • Parce qu’elles sont forte au travail et aussi elles parlent moins contre les chefs, par exemple, si un chef commence à mal parler à un homme, celui-ci pourrait très bien se retourner et lui mettre son poing dans la figure. Alors que une femme elle va se taire et exécuter sans rien dire. »

Il raconte que lorsqu’il bossait en tan qu’ouvrier agricole pour une entreprise filiale d’une multinationale. Les problèmes entre les chefs d’équipes et les ouvriers devenaient incessants. Parce qu’il n’en pouvait plus, qu’il trouvait sa situation anormale, il a commencé avec ses collègues à former un syndicat, c’est comme ça qu’il est entré à la FNSA. De par son engagement dans le syndicat, Hamid a eu affaire à différents types de tentatives de ses supérieurs pour stopper le mouvement. Ses patrons lui ont suggérer d’arrêter son travail, de partir ailleurs contre des compensations. Hamid avait refusé, il a trop trimé pour laisser tomber et il ne voulait pas tourner le dos à ses amis.

Pendant un certain temps, on l’a séparé de ses collègues en le faisant travailler dans une partie différente de la ferme, « un seul homme là où il aurait dû y avoir une équipe de quatre ou cinq personnes»… Il continuait tout de même à converser avec les autres ouvriers pendant l’heure du déjeuner et ça n’a pas plu à la direction, on l’a complètement changé de ferme. Il a porté cette discrimination devant le juge et a eu gain de cause. Aujourd’hui l’entreprise pour laquelle il travaillait est plutôt bien vue par le syndicat, tout n’est pas parfait mais les ouvrier ont réussi à se construire une force de dialogue.

Hamid défend âprement les valeurs du travail, il ne veut pas mélanger les considérations syndicales et le travail ouvrier. Lorsque l’on travaille, on ne se plaint pas et on accomplit sa tache et lorsque vient l’heure de discuter au syndicat, alors on discute des droits et des questions syndicales. Pas question donc de passer pour un agitateur. Les syndicat n’effectuent pas un travail de sape des entreprises, ils cherchent à donner les moyen à l’ouvrier d’être entendu, à créer le dialogue et à harmoniser les rapports au sein de l’entreprise. Le but est de garantir la dignité du travailleur et de permettre un développement tant social qu’économique du territoire. Hamid prend à cœur la défense du droit, le respect du code du travail et la question sociale chez les ouvriers agricoles. Il connaît leurs problèmes il vient du même moule.

Je lui demande pourquoi les multinationales investissent ici. Il répond me réponds que ce n’est pas amour du pays , « Elles viennent parce que la main d’œuvre coûte une broutille et que les charges sociales sont très basses. ». Puis il s’indigne : « Les entrepreneurs viennent, ils s’installent avec notre argent (subventions accordées pour les projets de micro-irrigations), ils travaillent avec notre terre et notre eau, ils exploitent nos ouvriers et ils vont revendre tout ça en Europe ou ailleurs! Et de l’autre côté les exploitants européens sont concurrencés et accusent les marocains. » Pour un entrepreneur étranger, produire au Maroc est très rentable surtout lorsque l’on a accès au marché européens. Les prix des produits sur le marché européen chutent et les agriculteurs du nord de la méditerranées qui ne peuvent pas réduire leur coût de productions sont en difficulté. Les plus touchés dans ce jeux de concurrence sont les petits producteurs.

Comment se fait-il qu’une entreprise prospère, ne puisse respecter le code du travail Marocain qui est pourtant beaucoup moins contraignant que dans les pays européens ? Quelque chose ne tourne pas rond… mais à quel niveau ? Il serait trop simple de charger les entrepreneurs seuls ou les chefs d’équipes ou tout autre niveau hiérarchique… C’est sur plusieurs niveaux que cela se joue et sur différents secteurs. La responsabilité de l’entreprise mais aussi, l’éducation au droit, le renforcement de l’inspection du travail, la formation des cadres au dialogue avec les ouvriers et avec les syndicats…