Dès mon arrivée à IDD à Paris, on m’a parlé de Figuig, une ville qui m’était totalement inconnue. Jamais entendu parler. Arrivée au Maroc, là aussi à Rabat à l’IFAD, on m’a parlé de Figuig, j’ai rencontré de nombreuses personnes originaires de cette ville. Et pendant des mois j’ai continué à rencontrer des figuiguis, j’ai entendu parler de ses associations, de sa palmeraie et de ses dattes, de ses émigré-e-s, de ses spécificités et on m’a même répété à plusieurs reprises cette expression « voir Figuig et vivre ».

La semaine dernière, j’ai enfin eu l’occasion de me rendre dans celle ville labyrinthe, dont je suis totalement tombée amoureuse, si on considère qu’il est possible de tomber amoureuse d’une ville.

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Vue de Figuig. L’Algérie derrière la montagne.

8h de train jusqu’à Oujda + 3h d’attente à Oujda + 6h30 de bus + 2 contrôles de police à l’entrée à Figuig et enfin j’y arrivais.

Des heures de routes désertiques, seuls quelques petits villages avec leurs douars et leurs oueds seront traversés par notre car entre Oujda et Figuig, et autour le néant. Quelques ânes, quelques chèvres et moutons, des montagnes, quelques tentes qui doivent abriter les rares personnes que j’ai croisé sur la route.

Le paysage ne ressemble plus du tout au côté ouest marocain que je connaissais. Autre particularité, à l’arrivée de Figuig, deux contrôles de police, telle une vraie frontière, pourtant on ne change pas de pays. Premier contrôle : des policiers montent dans le bus non climatisé où la chaleur nous accable depuis maintenant six heures. On me demande mon passeport et de sortir du bus : « Combien de jours allez-vous rester à Figuig ? Vous partez quand ? Où allez-vous séjourner? Quel est votre numéro de téléphone ? Vous venez d’où ? Quand êtes-vous arrivée au Maroc ? Par quel aéroport ? ». Puis on me rend mon passeport et on me souhaite un bon séjour à Figuig. Chokran.

Cinq minutes plus tard, deuxième contrôle. Idem, des policiers montent dans le bus et s’adressent à moi : « Passeport. Où allez-vous ? Combien de jours ? Bon séjour. Chokran. »

Pour avoir visité quelques villes marocaines avant, c’est la première fois que l’on me pose autant de questions en arrivant.

Puis on repart, et enfin j’arrive. Je retrouve mes amis et mon séjour figuigui commence. Tout de suite, Figuig me fait ressentir immédiatement plusieurs impressions et sensations. La première : la chaleur, en même temps, c’est l’été en zone désertique marocaine, à la frontière algérienne, plutôt normal qu’il fasse chaud !

La deuxième : Le nombre de voitures immatriculées françaises ou espagnoles. C’est le mois d’août et les vacances, dans cette ville, où il y a peu de voitures et aucun taxi, ces plaques étrangères sont frappantes et font preuve de la forte population d’émigré-e-s. Ce que l’on me confirme rapidement en discutant avec les gens « lui, il habite en France, il est là en vacances, et lui et lui aussi ». « Voici mes cousines, elles habitent en France », « mon frère est en France », « tous mes cousins sont en France ».

La troisième : La beauté des paysages et des palmiers, Figuig est une palmeraie magnifique, à l’image de ses habitant-e-s.

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Vue de la palmeraie

Cette terre berbère, divisée entre sept khsour (quartiers), carrefour de différentes cultures qui se sont croisées et où ont cohabité des populations arabes, amazighes, coloniales, juives, chrétiennes et musulmanes, souffre malheureusement aujourd’hui de plusieurs problèmes : marginalisation, émigration, dégradation de la palmeraie, chômage, séparations culturelles et familiales à cause de la fermeture de la frontière maroco-algérienne qui a bouleversé la vie de Figuig, transformée en une réelle impasse.

La marginalisation de la ville de Figuig, le manque de perspectives et l’éloignement physique de la ville ont obligé des dizaines de milliers de figuiguis à migrer ou à émigrer. Aujourd’hui à cause de ces départs, des jardins et des oasis sont totalement laissés à l’abandon, ce qui cause des problèmes concernant l’environnement et le développement durable de la palmeraie entière qui se dégrade de plus en plus. De nombreux habitats traditionnels ont également été totalement abandonnés.

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Habitat traditionnel abandonné

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Habitat traditionnel abandonné

Des gros problèmes d’infrastructures sont également bien présents à Figuig au niveau de l’éclairage public, de l’accès à l’eau potable, des routes et surtout au niveau de la santé, les habitant-e-s les plus malades étant obligé-e-s de rejoindre Oujda ou voir Rabat pour se faire soigner.

Cependant, même si ces problèmes sont bien présents, ce que je retiens principalement de Figuig, ce ne sont pas ces problèmes mais c’est sa chaleureuse hospitalité, sa générosité, la forte mobilisation de la société civile, ses artistes, la propreté de ses rues et de sa palmeraie, et surtout cette belle fierté de ses habitant-e-s d’être figuigui-e et l’amour qu’ils/elles portent à leur terre.

Mais qui peut parler mieux de Figuig que ses habitant-e-s eux/elles-mêmes ? Certainement pas moi. Mon ami, Abdelkader Elkouche, dit Kadastrophe, qui m’a merveilleusement bien accueilli chez lui et qui m’a fait découvrir sa ville natale, est un très bon journaliste citoyen qui a réalisé un reportage: Figuig sans masque en deux parties. Pour mieux comprendre Figuig et pour mieux appréhender ses richesses et ses difficultés, je vous invite à regarder ces deux vidéos :

Reportage Figuig sans masque 1ère partie

Figuig sans masque : un peuple chassé de ses terres (Maroc-Algérie)

 

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Au coeur de Figuig avec l’artiste, ami et reporter Abdelkader Elkouche, dit Kadastrophe