Début Mai à Milan : ce que les médias ne disent pas

 

Les Black blocs et  la « dévastation » du centre ville

Le 1er Mai à Milan a fait la une de tous les journaux nationaux et était nommé dans quelques articles de la presse internationale. Des textes qui ont uniquement servi à montrer les groupes de casseurs présents ce jour là, révoltés contre un peu tout, un peu rien fondamentalement, vêtus de noir de la tête au pieds, portants des masques anti gaz, des passes montagnes, des kway…Ces groupes appelés « black blocs »  venus de différents pays européens ont incendié des voitures, lancé des fumigènes, cassé des vitrines de luxe et ont ainsi réussi à capter l’entière attention de tous les médias et de tous les citoyens.

Ces informations cependant ne révèlent absolument pas les réalités qui se sont manifestées dans les rues de la capitale de la mode ce jour là.

 

Les fanfares et les premiers cortèges

En effet, ouvrant la manifestation, des fanfares joyeuses, pacifiques, venues de différents pays pour célébrer la fête du 1er Mai en musique. Derrière eux et en avant du cortège des milliers de citoyens, habitants, jeunes, anciens, italiens, immigrés, étudiants révoltés contre les modèles d’austérité et contre le système que représente l’Exposition Universelle de 2015, inaugurée ce 1er Mai même. Demandons nous à ce sujet s’il s’agit d’une simple provocation ou d’une grossière bavure de la part des organisateurs de la foire internationale de mèche avec les pouvoirs en place…Inauguration le 1er Mai alors même qu’on sait qu’Expo a permis la création de contrats de travail gratuit ou à 1euro de l’heure sans parler des centaines de contrats de stage non rémunérés…

Vive l’Expo pour les néo diplômés qui s’y retrouveront à travailler gratuitement ?

Un immense cortège donc contre un modèle de mensonges, de spéculations ignobles, de milliards d’euros finis dans les poches d’une caste réduite et intouchable. Une Expo Universelle qui se veut « nourrir la planète » en réfléchissant aux « énergie[s] pour la vie » mais qui n’est fondamentalement qu’une vitrine de la propagande des intérêts des multinationales telles que Coca Cola, Nestlé, Monsanto ou encore Mac Donalds …

A titre d’exemple, pour démontrer combien cette Expo est déjà un échec, rappelons la mort d’un ouvrier de 21 ans sur le chantier passée sous silence ; les chantiers en travaux malhabilement cachés et la présence de la seule moitié des invités attendus le jour de l’inauguration. Ce même jour, un vice-ministre est resté bloqué pendant une heure dans un ascenseur en panne, alors qu’une touriste a été blessée par la chute d’un morceau du pavillon turc…

Les manifestants en tête du cortège, appelés à ne pas répondre aux provocations de quelque type qu’elles soient, ont défilé ensemble, unis, rassemblés pour exprimer leurs  droits en ce jour symbolique à ne pas oublier. Parmi ces premiers cortèges, on aperçoit un groupe d’habitants d’un quartier populaire de Milan venu protester contre les spéculations immobilières, la gentrification des villes et surtout le droit à un logement digne et pour tout un chacun. Ainsi on voyait se dessiner dans le décor milanais un horizon nouveau proposé par les luttes du bas et imagé par des pancartes colorées où l’on pouvait lire : « stop aux expulsions », « No Expo », « la maison est de qui l’habite »  «stop aux ventes des logements sociaux », « Pas de Piano Casa, droits et dignité pour tous ». Durant le parcours l’agence ENEL a été sanctionnée (plus grand opérateur d’électricité d’Italie) qui avec Expo parle d’« énergie pour la vie » mais vole des ressources à travers le monde et en Italie coupe l’électricité à qui occupe un logement par nécessité.

Un cortège marqué par des banderoles claires affirmant « un seul et unique Grand Projet : un toit et un salaire pour tous » ou encore « D’autres mondes sont possibles : construisons des territoires résistants ». Donc, une toute autre réalité que celle montrant une ville à feu et à sang, inondée de fumée noire, salie et dégradée par des milliers d’écritures sur les murs,  ou le chaos que les médias ont pris plaisir à exalter pendant les premiers jours du mois de Mai…

De plus, l’arrogance du modèle Expo, du modèle Parti Démocratique, du modèle Renzi et du modèle néolibéral n’arrive pas à concevoir autre chose en dehors de soi même. C’est pourquoi ils essayent en continu de fermer les espaces d’expression libre, de débats publics, de liberté de mouvement, d’affirmation d’avis contraires et d’altérité. La pacification totale, l’américanisation de chaque comportement, identité et instance sont les mots d’ordre du pouvoir que les mouvements sociaux doivent maintenant contraster à partir de leurs propres territoires et des multiples réseaux sociaux.

Et c’est bien cela qu’ont fait les 50.000 personnes qui avaient choisi de descendre dans la rue ce 1er Mai 2015, malheureusement relaté par aucun média.

 

Les Intérêts des medias et des politiques

Bien pratique pour beaucoup de passer sous silence ces réalités de la manifestation… Eviter bien sûr de faire voir qu’il existe des oppositions positives, constructives, libres et dénonçant les scandales et échecs évidents que les pouvoirs tentent de camoufler. En effet, à peu de jours de l’anniversaire de la Libération, les manifestants ont affirmé le besoin de Résister, aujourd’hui aussi à la caste « miam miam », au Piano Casa, à la réforme de la Buona Scuola, au JobsAct, au Sblocca Italia et aux politiques de l’Europe forteresse qui porte chaque jour des morts en mer au-delà de ses frontières et en son sein de la misère et de la précarité.

Pour répéter, il convenait donc de concentrer l’attention sur la fumée noire qui s’est abattue sur une minime partie de la manifestation, afin de cacher les ennuis d’Expo ainsi que les raisons de la protestation des générations précaires, cela pour faire oublier la catastrophique inauguration d’Expo, le très faible consentement qu’elle suscite, et enfin l’hypocrisie vide de ses promesses et du modèle qu’elle propose.

Nous savons bien que les rhétoriques de masse jouent toujours ainsi, en mettant sous les projecteurs les faits « scandaleux » qui conviennent pour appâter l’opinion publique et mieux laisser dans l’ombre les vérités qui dérangent.

Tout de suite après le 1er Mai, les articles de presse et les déclarations des mafieux arrivistes de la politique ont été en totale continuité avec ceux des jours précédents. Autrement dit la « stratégie de tension » ainsi que la tentative de criminaliser la totalité de ceux qui ne sont pas d’accord est une pratique bien connue du pouvoir.

Notons ici que les articles alarmistes n’ont cependant pas réussi à décourager la participation au MayDay et les mouvements continueront à affirmer leurs luttes et leurs idées, surtout pendant les 6 mois d’AlterExpo qui se construisent toujours un peu plus.

 

L’Appel à « nettoyer » milan…

Encore plus déroutant autour d 1er Mai…L’appel « citoyen » de Pisapia, maire de Milan, le 3 Mai pour « nettoyer la ville », action lancée sous le slogan insignifiant « on ne touche pas à Milan »…

Ainsi le dimanche qui a suivi le 1er Mai a vu des centaines de « bons citoyens », javelle et éponges en main en train de gratter les murs remplis de tags pour se donner bonne conscience en respectant les règles dictées les pouvoirs en place.

La caste gouvernant la ville et les intérêts de son territoire a donc joué le jeu d’aller laver les vitrines du centre. Acte pour se nettoyer les mains trempées dans des histoires mafieuses de l’Expo par exemple ? Ou encore pour cacher le fait de s’être tant de fois sali en niant les droits à la ville de tout un chacun ? En somme, nettoyer les murs des tags du désaccord pour ne pas avoir à nettoyer milan de la mafia et des spéculations.

 

Le vrai problème : nettoyer milan de sa mafia et de l’Expo

Il est évident que le problème n’est pas làMilan n’est pas à nettoyer de ses tags (qui peuvent être considérés cri de révolte spontanée et déprimée) mais de ses affaires mafieuses, de ses spéculateurs immobiliers et fonciers qui laissent chaque jour des personnes à la rue, de son Expo abondante de magouilles en tout genre, de grossiers échecs et mensonges à n’en plus pouvoir, et de ses milliards d’euros affichés devant ceux qui  tentent de survivre, chaque jour un peu plus précaires, subissant toujours plus les politiques d’austérité.

 

Rien ne commence, rien ne finit le 1er mai !

La campagne #AlterExpo propose de réunir les puissances des mouvements, des réseaux et des sujets qui construisent une ville véritablement humaine et sociale, à la hauteur des besoins de tous et non pas des profits de certains. Un développement vraiment durable pour les populations du monde, au-delà de la faim, de la guerre et de l’austérité qui actuellement alimentent la planète.

Une campagne de 6 mois constituée d’initiatives en tout genre pour une Autre Expo, Notre Expo, celle des citoyens, pour les citoyens et par les citoyens. Un moment pour montrer que la guerre aux pauvres et entre les pauvres (sous ses pires aspects parfois racistes, fascistes ou xénophobes) n’a pas raison d’être et que des alternatives existent.

Un moment aussi pour dénoncer l’américanisation des politiques, sans organisations ni droits  sociaux, mais aussi critiquant les modèles de vie conventionnels où règnent consommation, individualisme et profit.

Expo est un instrument de ces tendances et nous savons bien que les effets du grand événement dureront au-delà de sa fin le 31 Octobre prochain.

Le défi est alors de continuer à défendre les droits et les espaces de liberté et d’auto organisation, de favoriser la construction de prospectives futures différentes de celles proposées par Expo à travers le bénévolat. Aussi, pratiquer un conflit enraciné dans le tissu social accompagné du consentement des territoires où il se développe, pour qu’il puisse construire autour de lui des réseaux de solidarité et de secours mutuel, d’entraide en dessinant jour après jour d’autres mondes possibles.

 

 

article (en italien) :  http://www.cantiere.org/6405/il-fumo-e-la-sostanza/

REGARDE : https://youtu.be/4-Q3jdKFdN8