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Avec le « plan anti-jihad » de Bernard Cazeneuve, le gouvernement renoue avec la tradition des lois anti-terroristes liberticides.

Le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a été présenté en commission des lois en pleines période de vacances, et sera examiné par le parlement au début de l’automne, via une procédure accélérée.

Comme d’autres avant lui, ce texte donne des pouvoirs exorbitants de contrôle et de surveillance à l’administration: restriction de la liberté de mouvement, atteintes à la vie privée facilitées, censure administrative mise en place en toute opacité et sans contrôle du juge, etc. Il organise le contournement du judiciaire et sape le principe de séparation des pouvoirs, base de l’État de droit.

Toute augmentation de la répression préventive nécessite une surveillance accrue, afin de détecter les comportements déviants, les intentions terroristes et de suivre les “parcours de radicalisation”.

Le texte renforce donc la surveillance et le fichage de masse. Il met par exemple en place une surveillance indiscriminée des déplacements, en obligeant les compagnies de transport à transmettre à l’autorité administrative les données d’enregistrement de tous les passagers (article 1). L’exposé des motifs du projet de loi précise même qu’ « à terme, les données de réservation et d’enregistrement transmises concerneront toutes les destinations (intra et hors Schengen) ».

Le numérique n’a bien sur pas été oublié. D’après Philippe Aigrain, “dans la logique globale du projet, celle du profilage, du suivi longitudinal, du croisement de données, de la suspicion, le numérique est […] au cœur des moyens qui pourront être utilisés pour décider qu’il y a « de sérieuses raisons de croire… » qu’une personne a l’intention de commettre des actes terroristes.

Plusieurs dispositions traitent directement du numérique. Circonstance aggravante lorsque « la provocation ou l’apologie du terrorisme » – jamais définis – se font sur internet (article 4) ; blocage de sites par décision administrative; obligation pour les fournisseurs d’accès de surveiller et signaler les dits sites et donc de mettre en place une surveillance généralisée du réseau (article 9); nouvelles modalités de perquisition des systèmes informatiques sans présence sur place des policiers (article 10); il étend le champ d’application de l’enquête sous pseudonyme à internet (article 13) [votre meilleur ami est-il un nouveau Sabu ?]; étend l’utilisation de dispositifs donnant à accès en temps réel « aux données informatiques sonores et visuelles » [La police peut-elle visualisez votre écran en même temps que vous ?] (article 14); et permet d’appliquer le régime procédural de la criminalité organisée -lui même assimilé à du terrorisme-, aux atteintes « aux systèmes de traitement automatisé des données », c’est à dire au mode d’action de certains Anonymous.

Selon le syndicat de la magistrature cette dernière disposition « ne cible en réalité pas les actes à visée terroristes mais conduira sans nul doute à la surpénalisation des nouvelles formes de contestation de l’ordre social. »

L’analyse précise aussi utilement que la surenchère sécuritaire du projet de loi Cazeneuve s’applique d’autant plus lourdement que notre droit “adopte une conception très large des actes de terrorisme, contre les préconisations de l’ONU qui met au cœur de [sa] définition les attaques délibérées et indéterminées contre les civils avec l’intention de tuer. Le droit français, lui, inclut de nombreuses infractions aux biens.”

Un des rares articles théoriques de l’excellent Tarnac blog, intitulé « Dites, Monsieur le juge, c’est quoi un terroriste ? », concluait cet été que « le terroriste, c’est celui qui est désigné comme tel par un juge. »

La loi Cazeneuve fait un pas de plus vers l’arbitraire en allant dans la direction « le terroriste, c’est celui qui est désigné comme tel par le ministère de l’intérieur. » Les mouvements sociaux de 2014 doivent se préoccuper de cette question, afin de ne pas être les terroristes de 2015.

Faucheu·r·ses volontaires, terroristes ? Anonymus antinucléaires, terroristes ? Antifascistes, terroristes ? Zaddistes, terroristes ? Zappatistes ? Gazaouis ?

Demain, tous terroristes ?

A lire:

Syndicat de la magistrature:


La Quadrature du Net: Loi Cazeneuve : bientôt tous présumés terroristes ?
Assemblée nationale: Projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme