La solidarité internationale, les acteurs de la solidarité internationale… mais à quoi cela peut il correspondre au Portugal ? Il semble qu’il y ait peu de mouvements sociaux, pas de réseau historique, ni d’organisation internationale…

Je découvre pourtant une formidable énergie de la jeunesse portugaise, espagnole, brésilienne, créative et sans complexe, avide de partager leurs luttes, leurs espoirs et leurs pratiques au quotidien.

Les liens entre les pays d’Europe du Sud et encore d’avantage entre la jeunesse d’Europe du sud engagée sont de plus en plus fort ces dernières années. Ce besoin de connexion entre les luttes locales est né du même constat des associations et des collectifs de défense pour les droits fondamentaux : on nous muselle et on sacrifie notre avenir !

Mais comment se mobiliser, comment s’organiser lorsqu’on dispose de peu de moyens et que les habitants du pays souffrent de la précarité généralisée ? Comment peut-on lutter contre un gouvernement, soutenu par la communauté internationale, qui impose depuis plusieurs années une politique de rigueur sacrifiant les droits du peuple portugais ? C’est à ces questions que doivent faire face et répondre les citoyens et les associations portugaises, non sans difficulté.

Un combat difficile à mener

A Lisbonne, on trouve une multitude d’associations et pourtant le milieu militant semble n’avoir jamais été aussi faible. Les initiatives de quartier et les projets sociaux-culturels sont très nombreux. Parfois financés par la mairie, l’arrondissement ou par des mécènes privés, ces projets ont pour but de soutenir au quotidien des habitants de quartiers isolés et délaissés, des jeunes en décrochage scolaire, ou encore de promouvoir l’éducation et la santé. Elles travaillent en lien avec des écoles, des centres de santé ou des espaces culturels. Elles comptent sur l’engagement volontaire, notamment celui des nombreux jeunes volontaires européens (programme Léonardo ou SVE), source de financement indirect de l’Union Européenne. Donnant l’illusion de palier au manque d’investissement social,elles peuvent compter sur un relatif soutien de l‘Etat, qui leur délègue volontiers des charges qu’elles assument à moindre coût.

Aussi essentielles que soient ces associations pour la vie de quartier et le maintien du lien social, on ne peut fermer les yeux sur les grandes difficultés que rencontrent les mouvements militants à Lisbonne et au Portugal en général. D’après Ricardo Vicente, membre de l’association Precarios Infelxiveis1 ,le Portugal assiste a une diminution des organisations sociales et engagées. De son côté, José Falcao, fondateur de SOS Racismo2, souligne le manque d’engagement politique du milieu associatif de Lisbonne. Les associations luttant pour des changements de société fondamentaux et allant à contre courant du gouvernement sont affaiblies et disposent de moyens limités. Pourtant la lutte pour les droits fondamentaux tel que le droit au logement, à une revalorisation salariale, et à des conditions de travail décentes n’a jamais été aussi nécessaire. La détérioration du niveau de vie alimente la précarité des mouvements sociaux et favorise le repli sur soi. Les organisations ont des difficultés à s’autofinancer et à maintenir une activité permanente.

Créativité et motivation

C’est pourtant dans ce contexte hostile que naissent de nouvelles formes d’engagement et de mobilisation. La grande créativité et le dynamisme des jeunes militants a permis de créer en 2011 le mouvement « Que se Lixe a Troika »3 et de donner naissance à l’association Precarios Inflexiveis. Si ses revendications sont portées au quotidien par une minorité, cette dernière est soutenue par une grande partie de la population qui se considère le bouc émissaire des décisions européennes. La nécessité pour la jeunesse portugaise de construire une nouvelle société dans laquelle on lui laisserai enfin la possibilité de créer, de respirer, et d’évoluer, fait l’écho avec celle du reste de l’Europe et du monde. Il s’agit également d’une génération tournée vers l’international (aujourd’hui poussée à émigrer) qui a conscience de subir les conséquences négatives d’un système économique mondial. Des liens de plus en plus fort avec des initiatives espagnoles et brésiliennes notamment, sont plus que prometteurs. Grâce aux réseaux sociaux, l’information se diffuse rapidement et liens entre les organisations se font plus facilement. C’est dans ce cadre que le Bloco Esquerda (équivalent du Front de Gauche en France) a organisé un débat public avec le mouvement Podemos récemment créé en Espagne. Les questions et les réactions de l’auditoire étaient animées par l’espoir de porter un mouvement mettant fin à l’oligarchie institutionnelle et économique. Sortir de l’isolement, se rencontrer, discuter, apprendre des uns et des autres, voilà les armes des citoyens. La solidarité internationale permet alors de renforcer les luttes locales et donne l’espoir d’un changement global.

rencontre avec le mouvement espagnol Podemos organisé à Lisbonne par le parti portugais Bloco Esquerda ( bloc de gauche)

rencontre avec le mouvement espagnol Podemos organisé à Lisbonne par le parti portugais Bloco Esquerda ( bloc de gauche)

rencontre dans plusieurs villes du Portugal avec des représentants espagnols de PAH ( plataforma de afectados por la ipoteca)

rencontre dans plusieurs villes du Portugal avec des représentants espagnols de PAH ( plataforma de afectados por la ipoteca)

1L’association Precarios Inflexiveis lutte contre la précarité et la défense des droits des travailleurs

2L’association SOS Racismo lutte contre toutes formes de discrimination au Portugal. Elle est totalement indépendante du mouvement SOS Racisme en France.

3 « Que se Lixe a Troika, queremos as nossas vidas », littéralement « Que la troïka aille se faire voir, nous voulons nos vies ! », est né des manifestations du 15 septembre 2012, afin de contester et de résister face aux politiques d’austérité imposées par le FMI, l’Union Européenne et le gouvernement portugais. Le mouvement a réussi a mobilisé lors de grandes manifestation contre l’austérité environ 2 millions de citoyens. Le Portugal compte 10 millions d’habitants.