D’où viens-tu qu’est-ce qui t’amène ici?

Je viens de Strasbourg, dans nord-est de la France, où j’ai grandi jusqu’à mes 18 ans. Puis, je suis partie étudier les sciences politiques à Toulouse. Pendant ces cinq années d’études, je me suis impliquée dans plusieurs associations de défense des droits des étrangers : d’abord dans la défense des droits des demandeurs d’asile, puis dans la défense des droits des personnes vivant en situation administrative précaire du point du vue du droit au séjour de manière générale. J’ai été successivement stagiaire, bénévole et militante dans différentes associations, à différents moments.

Ce sont ces activités associatives et militantes qui m’ont amenées à me questionner sur les entraves à la liberté de circulation des personnes au sein de l ‘Union Européenne (UE) et au delà, et, de manière plus générale, aux politiques de gestion des frontières et de contrôle de la mobilité des personnes. Ces interrogations m’ont amenées à étudier Frontex, l’agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’UE. C’est à travers ce travail de recherche que j’ai rencontré le réseau Migreurop, où j’ai effectué mon stage de fin d’étude en 2012.

Créé en novembre 2002, Migreurop est un réseau d’associations, de militants et de chercheurs originaires de plusieurs pays de l’Union européenne, d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et du Proche-Orient, dont l’objectif est d’identifier, faire connaître et dénoncer les politiques européennes de mise à l’écart des migrants (enfermement, expulsions, externalisation des contrôles migratoires) jugés indésirables sur le territoire européen ainsi que leurs conséquences sur les pays du Sud.

A l’époque où je suis arrivée à Migreurop, le réseau souhaitait lancer une campagne internationale et inter-associative autour de Frontex, pour dénoncer ses activités en contradiction avec les droits de l’homme. Cette campagne, Frontexit, a été officiellement lancée le 20 mars 2013. Portée par 21 associations, des chercheurs et des individus issus de la société civile du Nord et du Sud de la Méditerranée (Belgique, Cameroun, France, Italie, Mali, Maroc, Mauritanie, organisations internationales, réseaux euro-africains), Frontexit a un objectif double : informer un large public sur les dérives auxquelles donnent lieu les opérations de Frontex en termes de droits humains, et dénoncer ces dérives auprès des représentants politiques directement impliqués.  Voilà ce qui m’amène ici.

 

Où vas-tu maintenant ?

Je pars au Sénégal, à Dakar, où je vais être accueillie par la Plate-forme des acteurs de la société civile sénégalaise pour les droits des migrants et des personnes déplacées (PASCS-DM/PD). Fondée lors du Forum Social Mondial qui s’est tenu à Dakar en 2010, cette plate-forme d’associations a récemment pris part à la campagne Frontexit.

Frontex agit dans la région ouest-africaine, notamment au Sénégal et en Mauritanie depuis 2006, en vertu d’accords bilatéraux (appelés « protocoles d’entente »- Memorandum of Understanding) signés entre l’Espagne et ces deux pays tiers. Ces accords bilatéraux permettent à Frontex d’intervenir dans le cadre de l’opération conjointe HERA, lancée en juillet 2006 et toujours en cours, au large des côtes sénégalaises, mauritaniennes, du Cap Vert et de la Gambie (selon les années) afin de contrôler l’immigration irrégulière en partance d’Afrique de l’Ouest, notamment en direction des îles Canaries (territoire espagnol). Le Sénégal a signé des accords bilatéraux le 8 septembre 2006 et c’est à partir de cette date qu’il a participé aux opérations d’interceptions maritimes.

Dans le cadre de l’opération conjointe HERA, l’identification des personnes nécessitant une protection internationale parmi les migrants interceptés en mer, leur accès effectif aux procédures d’examen de leur situation individuelle et différenciée par des instances compétentes et leur protection contre tous traitements inhumains et dégradants, sont autant de droits fondamentaux qui ne sont nullement garantis lors des opérations conjointes coordonnées par l’Agence. Or, malgré quelques informations recueillies par les acteurs de la société civile, les activités menées par Frontex au Sénégal et en Afrique de l’Ouest demeurent très opaques.

C’est donc dans le cadre de la campagne Frontexit et du programme Echanges et Partenariats que s’inscrit ma mission de volontariat au Sénégal.

 

Qu’espères-tu ?

Cette mission vise plusieurs objectifs. Dans un premier temps, j’espère pouvoir faciliter l’échange d’informations entre les associations membres de la PASCS-DM/PD et le réseau Migreurop sur les politiques migratoires de l’UE et leurs conséquences sur les Etats non membre de l’UE et favoriser ainsi l’expression de la société civile ouest-africaine au sein de la campagne Frontexit. Dans un second temps, j’espère également parvenir à collecter des informations sur la présence et les activités de Frontex au Sénégal (et en Afrique de l’Ouest de manière plus générale). J’espère que ce travail de documentation permettra d’alimenter la campagne Frontexit afin de mettre Frontex face à ses responsabilités vis-à-vis des violations des droits de l’homme dans la gestion des flux migratoires telle qu’elle est orchestrée par l’UE aujourd’hui.