Foggia,  les Pouilles.
Au milieu d’un quadrillage de champs de tomates,  de blés coupés,  de terre retournée, à quelques kilomètres de Foggia, se trouve le Gran Ghetto de Rignano Garganico:ensemble architectural composé de vieilles maisons abandonnées et de  baraques de fortune, de bois et de plastique,  dans lequel vivent en cette saison plus de 1000 travailleurs d’origines africaines: Sénégalais, Maliens, Burkinabé, Guinéens, Nigérianes.

Nous sommes précisément au confluent où se rejoignent brutalement l’exploitation intensive des terres et celle des hommes.
Au milieu de ce microcosme criant l’illégalité et pourtant suffisamment loin des yeux pour être aisément ignoré, dans lequel un improbable équilibre économique et social s’est créé à partir du travail agricole,  a fleuri, pour la deuxième année consécutive Radio Ghetto.

Radio Ghetto est le fruit porté ensemble par des membres du réseau Campagne in Lotta -qui soutient depuis quelques années la lutte des travailleurs agricoles immigrés à Rosarno, Nardò, Foggia, Saluzzo, en Basilicata- et des habitants du Ghetto.

Radio Ghetto, c’est un émetteur au milieu du Ghetto, de ses habitants, des travailleurs à 3 euros le caisson de 300kg de tomates, des Capo, des prostituées à 5 euros la passe,  des restaurants, épiceries, bars, négoces qui se sont installés ici tissant une toile bien serrée de sujétions en cascade, où tout se tient: celui qui ramasse les tomates huit heures par jour pour un prix dérisoire, sans contrat, reversant une partie de sa paye au capo qui le met au travail, laissant une marge à l’agriculteur et surtout aux industries de conserverie de tomates,  finit le peu qui lui reste dans les restaurants du ghetto dans lesquels il est plus ou moins forcé de s’approvisionner;
c’est une station de radio, alimentée par une batterie solaire, émettant à quelques kilomètres  à la ronde et également à grande échelle sur une radio internet;
c’est enfin un lieu de passage, central, où l’on vient gratuitement recharger son téléphone,  emprunter un livre, regarder le direct, discuter le bout de gras.

Comme en 2012, La radio est principalement  animée, depuis sa réouverture au début du mois d’août, par  Maddy et Bamba, venus  l’année dernière de Trévise où ils résident pour ramasser les tomates.
Le jingle est clair: l’objectif est de faire entendre toutes les voix du Ghetto, de donner  la parole, que ce soit en Peulh, Bambara, Italien, Wolof, Anglais, Edo ou Français  aux espérances, aux colères, aux histoires personnelles, aux revendications  des auditeurs.
A la playlist afro-éclectique se mêlent, voire se superposent parfois, les récits des auditeurs qui appellent  pour raconter la journée de travail, le salaire inadmissible, les patrons invisibles, le lever à 4h du matin pour  gagner 25 euros pliés en deux, en ramassant les tomates sous le soleil brûlant, mais aussi la vie d’avant, celle d’après, les envies, les questions.

Les rubriques s’étoffent: pendant mon court passage là-bas, j’ai pu assister à la naissance de  Super Ghetto Bouteille, témoignages des « autres » habitants du Ghetto (autrement dit ceux qui ne récoltent pas),  d’une émission dédiée à la cyclofficine  (Atelier libre et collaboratif d’entretien de vélo)  et à l’affirmation d’une nouvelle voix quasi inexistante encore sur ces ondes, celle des femmes.  Une seule pour l’instant  a eu le courage de prendre l’antenne. Elle a même parlé des violence faites aux femmes. Quelques oreilles ont sifflé. Quelques lèvres aussi. On attend impatiemment la prochaine.


Depuis trois jours hélas! Radio Ghetto est silencieuse!  Un nombre exagéré de portable en charge ayant fait grillé quelques fusibles, quelque-part entre les panneaux solaires et le transmetteur… Silencieuse mais bien vivante, là, en face du terrain de foot, on y retrouve les livres, les discussions, la musique. Elle reviendra dans quelques tours de vis et trois éclats de soudures.

A bientôt sur Radio Ghetto, 97.0FM.

Pour appeler Radio Ghetto:+39 3890509454