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Le siège de l’audiovisuel public grec

Alors que la Grèce est pour plusieurs années frappée par une crise sans précédent, la fermeture de l’audiovisuel public (ERT) vient d’introduire un nouveau visage de la situation actuelle: On ne peut plus parler d’une crise financière, mais d’une crise politique, sociale et même institutionnelle.

Le 11 juin, le Premier ministre, A. Samaras ,a unilatéralement décidé de fermer par décret la radio-télévision publique. Au journal de 18h00, le porte-parole gouvernemental annonce brutalement et sans préavis la fermeture immédiate de l’ERT, alors que la police nationale prend le contrôle des émetteurs! Peu après 23h00, les Grecs voient surpris leurs écrans devenir noirs. « C’est la première fois que je vis ça. Même pendant la dictature, les chaînes et la radio n’ont pas cessé d’émettre », atteste en colère une ancienne salariée d’ERT.

Le résultat est le licenciement féroce de 2.656 salariés. Le gouvernement justifie sa décision en accusant l’audiovisuel public d’être non transparent et infructueux, tout en répondant instantanément à l’ultimatum de la Troika[1], c’est-à-dire de licencier 2.500 fonctionnaires d’ici fin juillet. Cette décision ne diminue pas seulement le nombre de fonctionnaires, mais donne aussi plus de pouvoir aux chaînes privées qui, plusieurs fois, suivent la ligne gouvernementale. De l’autre côté et au moment où la Grèce doit éviter des crises politiques, la décision brutale du Premier Ministre, soutenue par le parti d’extrême droite, l’Aube Dorée, a provoqué la démission d’un des trois partis de la coalition et le remaniement gouvernemental.

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Ελευθερία: Liberté

La réaction du peuple a été immédiate. Certaines chaînes continuent encore à transmettre les programmes d’ERT clandestine. Des milliers de personnes se sont réunies au siège d’ERT, en solidarité avec les employés qui occupent le bâtiment. Leur colère est évidente : en tout cas, ce sont eux qui paient le fonctionnement de ce service public, par la taxe audiovisuelle, prélevée sur les factures d’électricité.

Une fois devant le bâtiment, les sentiments mélangés. En regardant les personnes autour de moi, qui continuent à y rentrer chaque jour tout en bravant la chaleur, un sentiment de joie et d’espoir m’a submergé. Des artistes et des figures politiques opposées à la décision profitaient du microphone pour parler aux gens, alors que l’orchestre national jouait les larmes aux yeux. Malheureusement, la réalité ne se trouve plus dans l’esprit du peuple, qui voit, de nouveau, son pays se diriger vers le pire et qui reste impuissant face à l’injustice et à l’inconnu.

Plus que 50.000 personnes se sont réunies devant le bâtiment, en solidarité avec les ex-employés

Plus que 50.000 personnes se sont réunies devant le bâtiment, en solidarité avec les ex-employés

Alors qu’ERT compte presque 50 ans d’existence, sa fermeture a été immédiate. Le pays se précipite dans le chaos, une nouvelle crise politique émerge, l’exaspération et la stupeur sont les sentiments dominants.

Plusieurs questions demeurent. Est-ce que ce choix gouvernemental vise à privatiser le service public ? Est-ce qu’il s’agit d’une réponse immédiate aux pressions étrangères ?  Quoi qu’il en soit, cette décision prive le peuple de son droit à l’information. Mesure antidémocratique et autoritaire, la fermeture de l’audiovisuel public apparaît comme l’apogée de la crise, tout en choquant un peuple déjà fatigué par des plans d’austérité successifs.

 

 


[1] La Troika est un terme utilisé en Grèce afin de désigner les institutions chargées d’apporter des solutions face à la crise : le Fond Monétaire International, la Commission européenne et la Banque centrale européenne.