Port-au-Prince n’est vraiment pas une ville piétonne. Le véhicule (moto, auto, camion et même brouette) y est roi et le piéton ne devrait même pas oser prétendre à un petit espace de la voirie publique… Pourtant, nous sommes nombreux-ses chaque jour à devoir arpenter les artères de la capitale (pas toujours de gaieté de cœur, d’ailleurs) et nombreux-ses à galérer pour arriver à destination !

D’une manière que je ne m’explique pas tellement, les trottoirs semblent avoir été les grands absents de l’aménagement de la voirie publique. On en trouve dans peu de rue, en règle générale en mauvais état et très rarement…inoccupés ! Comme je le disais, le véhicule est empereur et s’accapare donc également les trottoirs : qui pour s’y garer, qui pour doubler parce qu’il n’a pas envie de patienter dans les embouteillages… D’autre part, Port-au-Prince (et Haïti) est le royaume de la vente au détail. Et quel meilleur endroit pour vendre que…le trottoir ?! Tout se vend dans la rue : du poulet vivant à l’antenne de télévision, du papier toilette à la mini-piscine gonflable, des légumes aux vêtements. Mais attention, tout ne se vend pas à la même heure. Il est fascinant de voir comment, de manière presqu’imperceptible, l’occupation des trottoirs évolue au fur et à mesure de la journée. Ainsi certains biens ne se trouvent que le matin, notamment la nourriture. Les Haïtien-ne-s achètent beaucoup à manger dans la rue, spécialement pour le petit déjeuner. Or, ici, ce qui se mange au petit-déjeuner ne se mange qu’au petit-déjeuner. Ainsi les marchandes qui vendent des bananes, des œufs durs et de sandwichs beurre de cacahuètes (LE petit-déjeuner de la rue) ne sont là que le matin. De même pour celles qui vendent du café et des pâtés (sorte de beignet creux dans lequel on met de la tomate, de la viande, des œufs, du fromage…). Impossible d’acheter une banane ou de boire du café dans la rue à 14h, donc !

Tous-tes ces vendeur-euse-s participent ainsi  à un énorme système de commerce parallèle qui, s’il n’est pas légal, est largement accepté par l’État. L’avantage est qu’il permet à un ensemble de personnes (notamment les femmes) qui n’ont pas accès au marché de l’emploi d’avoir une source de revenus. L’inconvénient est qu’il n’offre aucun espace de vente dédié ; le trottoir est alors le seul espace envisageable pour les marchand-e-s.

Ajoutez à ces étals, les vendeur-euse-s ambulants, les  bouches d’égout ouvertes, les chiens, poules et autres chèvres errant dans les rues et vous aurez une petite idée du parcours du combattant. La rue port-au-princienne est une source constante d’animation, où on ne s’ennuie jamais et qui pimente chaque jour le trajet pour se rendre au bureau !