Moins d’une semaine après son lancement au Visual Culture Research Center (VCRC) à Kiev, l’exposition de David Chichkan, « The Lost Opportunity », a fait l’objet de deux attaques menées par des groupes d’extrême droite ultra nationaliste.

 

Ils étaient nombreux à venir, jeudi 2 février, pour l’inauguration de l’exposition « The Lost Opportunity ». Journalistes, artistes engagés, amis venus soutenir le VCRC pour sa première exposition de l’année 2017, tous se sont réunis dans une ambiance festive pour admirer le travail de l’artiste.

Très vite, l’atmosphère détendue a laissé place à un sentiment de doute et d’insécurité venu remettre en cause l’organisation de la visite guidée de l’exposition, initialement prévue le samedi 4 février dans l’après-midi. Après avoir reçu des messages violents portant des propos fascistes sur les réseaux sociaux, le VCRC avait préféré annuler temporairement l’exposition et proposer à la place une visite virtuelle des lieux sur la chaîne YouTube du Centre.

« Les amis,
Rendez-vous à l’exposition du peintre demain à 16h.
Il y a un communiste qui a des choses à dire sur le fascisme pendant Maïdan »

Cette mesure n’a malheureusement pas suffi à dissuader des individus masqués de tenter de s’introduire dans les bâtiments du VCRC. À défaut de ne pouvoir entrer dans la galerie fermée pour le week-end, ces derniers ont sauvagement endommagé la bannière et l’affiche de l’exposition à l’entrée du lieu. Ils ont également attaqué une journaliste à la bombe au poivre et violenté un passant, qui s’avérera être un soldat de l’armée ukrainienne.

 

Deux jours plus tard, le VCRC connaît une seconde attaque. Alors que l’exposition devait rouvrir ses portes en ce mardi 6 janvier à 19h, une quinzaine d’individus se sont introduits dans l’établissement à 17h40 avec l’intention ferme de détruire cette fois les œuvres d’art exposées.

La porte de la galerie, gardée par un vigile, était fermée à clef. Deux jeunes femmes membres de l’équipe étaient également présentes ce jour-là. Les individus sont arrivés sur les lieux au moment où l’une d’elles s’était éclipsée. Le vigile aurait ouvert aux individus pensant voir derrière la porte teintée, l’ombre de la jeune femme. En entendant les cris, cette dernière s’est alors réfugiée dans le bureau voisin tandis que sa collègue, enfermée dans la salle de réunion du VCRC tentait de joindre la police.

En moins de trois minutes, l’ensemble de l’œuvre de David Chichkan était détruite et les locaux du VCRC ravagés. Les murs ont été éventrés et les tableaux déchirés. Plusieurs œuvres ont été volées par les assaillants. A la place sont taggés les mots de « serviteurs de Moscou », « gloire à l’Ukraine ». Le vigile a subi de nombreuses blessures, frappé aux jambes, à la tête et aspergé à plusieurs reprises de bombe au poivre. Le reste de l’équipe, sous le choc, n’a pas été blessé par les attaquants.

Il aura fallu attendre plus de vingt minutes avant que la police n’arrive. Une jeune femme présente lors de l’attaque raconte aux journalistes:

La police a mis plus de vingt minutes avant d’arriver sur les lieux. Ils étaient en fait assez désagréables. Les assaillants étaient déjà partis, il était trop tard. Nous leur avons demandé pourquoi ils avaient été si longs et ils nous ont répondu que la circulation était mauvaise.

Une enquête est actuellement en cours. Les membres de l’équipe ont tenu à laisser la galerie ouverte au public dans son état actuel, ravagée par ces individus.

Né à Kiev en 1986, David Chichkan est un jeune artiste et activiste, membre de l’organisation anarchiste « Black Rainbow » et du « Liberian Club of Underground Dialectics). À travers son œuvre, Chichkan exprime ses idées dans l’espace public de différentes manières (graffitis, street art, expositions) et défend une vision anarchiste et antifasciste de la société.

Après avoir participé activement aux événements de Maïdan durant l’hiver 2013-2014, il décide d’y consacrer une série d’œuvres peintes à l’aquarelle, sous le titre de « The Lost Opportunity » ou « L’occasion perdue », exposée au Visual Culture Research Center à Kiev.

À travers son œuvre, l’artiste brosse le portrait d’une société post-Maïdan qui aurait pu voir le jour après ces événements. À ses yeux, l’Ukraine a perdu cette chance, qu’était le Maïdan, de connaître une véritable révolution sociale. La montée du nationalisme et le trop peu d’intérêt que porte la population à la politique du gouvernement, représentent un risque considérable pour l’évolution sociale du pays, au bénéfice de la propagande russe dans sa guerre contre l’Ukraine. Parce qu’il reproche à la société ukrainienne de ne pas être allée au bout de sa révolution et qu’il insiste sur la montée du nationalisme dans le pays, il est accusé de traître à la patrie « au service de la Russie » par l’extrême droite ukrainienne.

 

 

Bibliographie

Capture d’écran issue de l’article de Екатерина Сергацкова « Наш постправдизм: о чем говорит погром выставки в Киеве », publié par Життя le 8 février 2017.

Hromadske, Dmitro Mrachnik, « Опубліковано запис нападу на виставку художника Чичкана з камер спостереження », publié le 8 février 2017. Disponible sur le lien : http://hromadske.ua/posts/video-napadu-na-vistavku-hudozhnika-chichkana.

Hromadske, Oxana Gorodivska « Як перевірити, чи нації достатньо слави?» — художник Давид Чичкан про свою зруйновану виставку », publié le 8 février 2017. Disponible sur le lien : http://hromadske.ua/posts/hudozhnik-david-chichkan-pohrom-vistavki-vtrachena-mozhlivist.