• « Un jour viendra » – dicton Haïtien pour faire référence à l’espoir d’une amélioration globale.

 

 

Haïti, petite Île des caraïbes qui occupe le tiers occidental de l’île Hispaniola, est aujourd’hui le pays le plus pauvre des Amériques. Pourtant quand on pense aux îles des caraïbes, on pense plus souvent au sable fin, à l’eau turquoise et à un petit bout de paradis sur terre. C’est bien le cas pour République Dominicaine mais beaucoup moins pour Haïti, pourtant à seulement 3h de voiture de la capitale dominicaine. En effet, en dépit de leur possession commune d’Hispaniola, un gouffre sépare Haïti de la République Dominicaine

                                                                            

L’histoire de la République d’Haïti a eu des conséquences qui se font sentir jusqu’à aujourd’hui et pourtant qui nous parle des difficultés atroces dans lesquelles la majeure partie de la population haïtienne vit ?

Alors voilà une rapide contextualisation de la situation en Haïti pour tenter de mieux comprendre pourquoi le pays en est là aujourd’hui.

Haïti est la première République noire à avoir acquis son indépendance et pour que la France reconnaisse son indépendance, Haïti a du payer une « indemnité » de 150 millions de francs-or. Les difficultés ont commencé assez tôt pour la petite île ; en effet, à peine créée, la République d’Haïti était déjà endettée. Il faut savoir que Haïti a souvent été sous tutelle étrangère même après son indépendance en 1804 et les régimes dictatoriaux ont pendant longtemps rythmé la vie politique haïtienne. La plus récente et marquante est celle des Duvalier (père/fils) jusqu’en 1986. Haïti était alors plongé dans une dictature oppressive, réprimant violemment toute forme d’opposition. La dictature des Duvalier a empêché le pays de se développer, principalement du point de vue social. C’est pourquoi, à la fin de la dictature, plusieurs associations, dont le Collectif Haïti de France, se sont créées pour soutenir la transition démocratique du pays. Ces associations ont tenté de répondre aux différents problèmes laissés par la dictature duvaliériste.

Néanmoins, la démocratie étant encore trop fragile, le pays replongera dans une dictature régit par la junte militaire. Il faudra attendre 1990 pour assister aux premières élections démocratique, où Jean-Bertrand Aristide en sortira vainqueur. Malgré une lueur d’espoir démocratique, le pays retombe sous contrôle de la junte militaire un an après les premières élections et Aristide sera forcé de s’exiler aux Etats-Unis. Ce renversement de gouvernement coûtera au pays un embargo décrété par les Nations Unies sur les armes et le pétrole et une intervention américaine en 1994 pour « soutenir la démocratie ». Les troupes américaines laisseront la place à Mission des Nations Unies en Haïti (MINUHA) en 1995 et en Décembre de la même année, René Préval sera élu président avec un taux d’abstention de 75%. Son mandat est marqué par une forte corruption et plusieurs assassinats politiques. C’est d’ailleurs sous la présidence de Préval et à un mois des nouvelles élections en 2000, que Jean Dominique, directeur de Radio Haïti-Inter et commentateur politique le plus célèbre de l’île, sera assassiné. Les medias, et la radio plus précisément, sont devenus un espace d’interlocution central pour faire avancer la cause démocratique et le progrès social mais ils se heurtent bien souvent aux politiques. Malgré de nouvelles élections, l’instabilité politique persiste. Aristide est élu pour un nouveau mandat à la fin des années 2000 malgré de nombreux actes de violence dans le pays. A la veille de l’investiture d’Aristide le 6 février 2001, Union européenne et la Banque inter-américaine de développement imposent d’ailleurs des sanctions financières à Haïti pour manquements à la démocratie. Quelques mois plus tard, un journaliste, Brignol Lindor, menacé pour avoir invité des personnalités de l’opposition dans le cadre d’une émission qu’il anime, est tué à coups de machettes.

Après une tentative de coup d’Etat échoué , les contestations se multiplient et deviennent de plus en plus violente, ce qui poussera Aristide a démissionner et quitter une fois de plus Haïti en février 2004. Boniface Alexandre est alors nommé président provisoire d’Haïti et il faudra attendre 2006 pour que de nouvelles élections démocratiques soient organisé. C’est à nouveau René Préval qui assurera la présidence de la République D’Haïti. Son mandat sera encore marqué par la corruption, l’augmentation du trafic de drogue sur l’île et une violence très importante.

En 2011, le musicien Michel Martelly, duvaliériste convaincu, est élu président de la république et le bilan de sa présidence s’est avéré très décevant. Jovenel Moise lui succède en novembre 2016 mais un second tour sera probablement organisé en début d’année 2017.

Avec ce petit aperçu de l ‘évolution politique, on se rend rapidement compte que la démocratie a du mal à être implantée dans le pays en dépit de la volonté de la population.

Et l’aspect économique dans tout ça ?

Comme on peut s’en douter, la situation économique du pays est assez alarmante : Haïti est un pays à grande inégalité de revenus et où la corruption reste assez élevé aujourd’hui. Plus de la moitié de sa population dispose d’un revenu quotidien de moins de 1 dollar, alors que 78 % vivent avec moins de 2 dollars par jour. Le taux de chômage est également très important. Plus de 60 % de la population active est touchée par le chômage, le sous-emploi ou le secteur informel. En ce qui concerne le secteur de l’éducation, l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique a déclaré que le taux d’alphabétisation est de seulement 65% pour la population de dix ans et plus. De plus, une autre donnée très inquiétante : 85% des maîtres de l’enseignement primaire ne sont pas qualifiés (!!!).

Comme si le peuple haïtien n’avait pas assez souffert de l’instabilité politique, économique et social de son pays, il est aussi la principale victime des catastrophes naturelles (Haïti est le 6ème pays au monde le plus vulnérable aux changements climatiques).

Régulièrement Haïti est fustigé par des cyclones et des inondations dues aux pluies torrentielles dont l’impact est très important dû à la mauvaise qualité des constructions et une carence des infrastructures de bases (pour avoir une idée pour l’eau par exemple, le taux d’accès à l’assainissement de base est de seulement 26%). Le 12 janvier 2010, l’île est victime d’un tremblement de terre d’une magnitude de 7.0 sur l’échelle de Richter qui causera des dommages sans précèdent. Ce tremblement de terre a fait au moins 220 000 personnes, blessé plus de 300 000 personnes et déplacé 2,3 millions de personnes (soit quasiment 1/3 de la population). Les infrastructures les plus importantes ont été détruites et le séisme a ainsi créé des besoins massifs en reconstruction.

Cette catastrophe naturelle a donné lieu à une des plus grande réponse humanitaire du XXIème siècle et pourtant 6 ans après, le pays n’est toujours pas entièrement reconstruit.

2,4 milliards de dollars ont été récolté par le Fonds humanitaire pour Haïti et voyez comment cela a été réparti : 34 % ont été renvoyés aux organismes civils et militaires des donateurs pour l’intervention d’urgence, 28 % attribués à des agences des Nations unies et à des ONG, 26 %   alloués à des sociétés privées et à d’autres ONG, 5%  reversés à des sociétés nationales et internationales de la Croix-Rouge, 1 % a été versé au gouvernement haïtien et 0,4 % à des ONG haïtiennes.

Les populations locales, associations et ONG de l’île ont été exclus ou très peu inclus dans les projets de reconstruction et de développement ce qui a résulté en une réponse non adapté aux besoins de la population. Oui, la communauté internationale a pensé qu’elle serait plus à-même de gérer les dons et de répondre aux besoins de la population sans avoir à la consulter. La réponse humanitaire n’a pas été des plus adaptés et n’a pas permit de remettre le pays « sur pied ». C’est pourquoi quand l’ouragan Matthew a touché l’île en octobre 2016, les conséquences ont été également dévastatrices. Les infrastructures n’étaient pas préparées à une nouvelle catastrophe et la population non plus.

Voici une musique typique haïtienne (konpa) produite à la suite du tremblement de terre en soutien à la population.

Alors voilà, je ne sais pas si vous avez été tout aussi surpris que moi de la situation politique, économique, social et naturelle du pays. C’est vrai qu’ici en France, si on ne cherche pas a s’informer sur ce pays qui n’a pas assez de ressources naturelles pour intéresser les grandes puissances, qui le fera ?

 

Aujourd’hui, Haïti est une société complexe où l’accès à l’information, complexe et diffuse, est ardu. Pour ce qui est des acteurs de solidarité internationale présents sur le territoire, ils se méconnaissent et partagent assez peu leurs informations. Ainsi, il s’avère difficile pour les associations d’aller, individuellement, chercher les informations nécessaires à la bonne compréhension du contexte global dans lequel s’insèrent leurs actions. Ceci justifie le fait que le Collectif Haïti de France assure le rôle de collecteur et diffuseur d’information de son réseau.

Le Collectif Haïti de France a vu le jour de manière informelle à la fin des années 80 après la chute de la dictature des Duvalier. Le CHF devient officiellement une association de loi 1901 en 1992 et rassemble 80 associations et 150 membres individuels qui manifestent la même volonté de soutenir Haïti et son développement démocratique, économique, social et culturel et les droits des Haïtiens d’Haïti et ceux vivant en France. Créé dans un premier temps pour informer les haïtiens ayant fuit ou expulsé sur la situation en Haïti pendant la période de la dictature et post-dictature. En effet, le CHF est un collectif d’association, émanant de la société civile, indépendantes, engagées chacune dans une démarche d’appui au développement basée sur la souveraineté du peuple haïtien et porteur de projets locaux répondant à des besoins exprimés par la population et menés par des acteurs locaux. Le CHF a également développé le rôle d’ « ONG » mettant collectivement en pratique ce qu’il prône en soutenant trois projets de nature différente mais ayant comme point de convergence la souveraineté du peuple haïtien, en lui permettant d’acquérir ou/et de consolider : sa souveraineté alimentaire (partenariat avec Veterimed dans le cadre du projet Manman Bèf, solidaires des éleveurs haïtiens), la liberté de l’information (soutien au Groupe Médialtérnatif), le respect des droits civiques et humain (soutien au GARR).

Le Groupe Médialtérnatif (GM) a été fondé en 2001 et est une association de professionnels de la communication et du journalisme. Le GM n’émane pas de mouvements sociaux mais est en lien et soutien des mouvements sociaux. Toutes les actions vont dans le sens de la promotion des droits de l’homme, du droit à l’information et à la communication ainsi que la liberté de la presse. Le GM produit, diffuse et publie de l’information ainsi que du matériel pédagogique, culturel et d’intérêt public. GM a par ailleurs créé une agence de presse alternative Haïtienne en ligne (Alterpress) pour informer sur différents thèmes en Haïti. Il est également composé d’une unité audiovisuel qui s’occupe de travailler sur des produis audiovisuels, audio radios, films ou des travaux qu’on leurs demandent de faire (comme créer les sites internet d’asso, etc). A travers ses différentes actions, le GM a pour objectif de créer, promouvoir et dynamiser des espaces alternatifs de communication et espaces médiatiques, tout en favorisant la réflexion sur les enjeux inhérents en communication, afin que les secteurs sociaux en bénéficient et ainsi permettre un développement humain durable. L’association mène des activités de communication publique et sociale et fournit des services dans différents médias (radio, télévision, presse écrite et électronique). De plus, le GM conceptualise et mène également des campagnes socio-éducatives en plus de la formation technique en communication.

Les deux structures travaillent ensemble pour informer sur Haïti. Ils défendent ensemble la démocratisation de la communication, l’accès à l’information et les droits humains. Le GM est le plus grand diffuseur d’information alternative en Haïti et le CHF informe directement en France sur Haïti grâce à son partenariat avec GM. Depuis 2009, toutes les semaines, le GM envoi 4 articles sur un sujet ou un thème d’actualité en Haïti et le CHF les publient et les envoi aux membres en France.

 

J’ai hâte de me rendre en Haïti pour faire la part du vrai et du faux sur l’information que l’on reçoit sur le pays, particulièrement des grands médias. Je vous donnerai très vite des nouvelles pour vous tenir informés !