Agonie
Ils fuient les persécutions ou les guerres
Ils cherchent à joindre les deux bouts
Mais en Europe les attend une autre guerre
Ici, ils sont traînés dans la boue
L’Europe leur a déclaré la guerre
A Calais et Idomeni
L’Europe perd son esprit
Et ses valeurs de naguère
Elles sont fermées, les portes
Fortifiée, l’Europe n’est pourtant pas plus forte
Ce n’est pas une vague migratoire
C’est un raz-de-marée xénophobe
Qui déferle sur l’Europe
Et ce n’est pas beau à voir
Pour David Cameron, un « essaim de gens » qui volent les emplois des Britanniques
Pour Nicolas Sarkozy, une « grosse fuite d’eau » à contenir
Pour le journal britannique The Daily Mail, des rats infestant notre continent
Pour le magazine polonais wSieci, tous des violeurs
Des « migrants illégaux » ?
Non, des êtres humains
Nos égaux
Et pourtant
Ni solidarité ni humanité
Avec ces migrants
La Méditerranée, paradisiaque mer
Devenue enfer
Gigantesque cimetière
La Grèce, berceau de la civilisation européenne
Désormais vaste geôle pour étrangers
Triomphe de la haine
Couronnée de lauriers
La France, patrie des droits de l’homme jadis admirée
Sans vergogne, elle enferme, elle expulse, elle démantèle
Marianne ne fait pas dans la dentelle
Elle piétine le bonnet phrygien dont autrefois elle se parait
Au Danemark, en Allemagne ou en Suisse
Tout devient permis
A l’entrée, on spolie
En Belgique, un maire réclame un nouveau Guantanamo
La police les appelle par des numéros
Un gouverneur appelle « à ne pas les nourrir »
L’ambiance générale pourrit
Au Royaume-Uni, juteux profits pour les entreprises
Les étrangers, on les vise, on les stigmatise
Pour eux, des bracelets et des portes rouges
Sombre présage d’un appel au sang ?
En Espagne, on prétend que pullule à la frontière une dangereuse foule
Lorsqu’ils essaient d’entrer, on parle d’ « assauts à la barrière »
Alors loin de la péninsule, on les refoule
Vers l’étranger, vers la violence, vers la misère
La liste pourrait continuer
Et mentionner les barbelés
Les murs
Les armées
Les camps
A 24 ans, j’espère et je désespère
J’ai la tête emplie de rêves et de cauchemars
D’idéaux et de peurs. J’ai besoin d’air !
Est-il trop tard ?
Notre continent se meurt
Gouverné par la haine et la peur
Nos valeurs moisissent
Nos civilisations dépérissent
Cruel crépuscule !
Tes couleurs en ont dupé plus d’un
L’Europe est rance, en errance
Elle rend sot
Elle rend sourd
Elle rend fou
Et tout le monde s’en fout
Et moi je rêve
Je me réveille
Non ravi
Je ravive la flamme, ou plutôt j’essaie
Il me reste encore cet espoir
Celui de voir
Une nouvelle société
Où l’on vivrait ensemble et à satiété
Peut-être demain si l’on se bat
Jamais si l’on se contente d’être las